Résumé :
Justin Trudeau a promis trois années consécutives de déficits fédéraux pour relancer l’économie. Aux perspectives peu reluisantes de l’économie mondiale s’ajoutent maintenant les déboires du pétrole de l’Ouest et la déprime immobilière. Au rythme où vont les choses les déficits apparaissent inévitables, mais on ne s’étonnera pas que cela dure plus de trois ans. Le renforcement de l’indépendance donnerait une marge de manœuvre supplémentaire au Canada. L’indépendance est donc une bonne solution pour les pays.
Non sans raison, dans son rapport d’octobre de la Banque du Canada fait largement état de l’économie mondiale pour expliquer la situation intérieure et justifier ses décisions, principalement celle de ne pas toucher au taux d’intérêt. Le Canada reste un exportateur de matières premières, sa faiblesse étant d’être plutôt captif du climat économique et de partenaires commerciaux devenus en perte de performance : les États-Unis, l’Europe, le Japon. Or la croissance mondiale, réduite il est vrai, se trouve ailleurs. La baisse du dollar devrait pourtant favoriser les exportations canadiennes, mais la faiblesse de la demande ne permet pas de combler le manque à gagner, même en présence de la croissance des volumes. Quant au cas du pétrole, les réserves sont à leur plus haut sur la planète, on rapporte que des tankers naviguent à petite vitesse pour donner le temps aux citernes de se vider avant d’entrer au port.
Le Canada étant un producteur de pétrole bitumineux, donc parmi les plus chers du monde, est aussi le premier à souffrir de la baisse des cours. Si les prix n’augmentent pas, hypothèse accréditée par les prix négociés des contrats à terme («futures» en anglais), aucune reprise pétrolière ne se pointerait avant 2018. Ce que semble croire les pétrolières puisque d’importants investissements viennent d’être définitivement abandonnés, le dernier en date, Carmon Creek, en Alberta, le 27 octobre dernier. Une fermeture des livres qui coûtera à Shell deux milliards de dollars. D’autres projets sont réduits ou retardés sans date connue de relance. La même journée, l’Alberta sortait un budget déficitaire de 6,1 milliards, une première en vingt ans. On a pris la décision de recourir aux emprunts pour maintenir les programmes. Optimiste, l’Alberta prévoit l’année prochaine un déficit amoindri grâce à une hausse anticipée de 10$ le baril, c’est un scénario qui a de fortes chances de ne pas se concrétiser.
Dans le cas du marché immobilier, la Société canadienne d’hypothèque et de logement prévoit un ralentissement des mises en chantier, une hausse des prix des maisons dans des valeurs proches de l’inflation, autant dire nulles. Une situation qui, ajoute-t-on, devrait durer quelques années. Sans être une catastrophe, ces prévisions ne peuvent être le prélude à une reprise de l’emploi. Un certain nombre de Québécois d’Alberta reviendront au Québec et voudront bien partir avec d’autres pour une autre boom town. Mais où?
Sans avoir intégré dans son analyse les nouvelles récentes que je rapporte plus haut, la Banque du Canada prévoit pour l’année une croissance (revue à la baisse) de 1,1 % La croissance mondiale anticipée pour cette année, se situe à 3,1 %, chiffre récemment revu et corrigé à la baisse par le Fonds monétaire international, alors que l’inflation au Canada se situerait à 1,7% Avec un taux d’intérêt au plancher à 0,5 %, qui ne permet aucune marge de manœuvre, le Canada se trouve de fait, comme ses principaux partenaires, en régression économique.
Les répercussions en cascade des mauvaises nouvelles économiques vont rendre inévitables les déficits fédéraux, alors que Justin en parlait comme d’un choix politique délibéré. On ne connaît évidemment pas l’importance en dollars de la politique déficitaire qu’il compte mettre en place, mais peu en importe la taille, des considérations générales s’appliquent.
Le pourcentage de la dette du Canada en % du produit intérieur brut (PIB) est de 51%. Comparons : États-Unis 96 %, Grèce 150 %, Japon 146 %, Russie 9 %. (source : Banque mondiale). On m’excusera des disparités possibles avec d’autres sources, mais cela donne une idée suffisamment juste des endettements relatifs pour les fins de notre propos.
Considérons. Avec un taux d’intérêt bas et un endettement relativement contrôlé, le Canada dispose de la marge nécessaire pour se lancer dans une politique de croissance par la dette. Cependant, la relance de l’économie par le gonflement de la dette publique comporte des risques, et pour le Canada ce pourrait être ses dernières cartouches. Les projets d’infrastructure, pièce maîtresse de la politique annoncée, seront certes bien accueillis par le secteur des services (génie civil, construction, etc.). Les travaux créeront des emplois temporaires et encourageront la consommation des ménages. Par contre, si la production manufacturière et l’exportation des matières premières ne suivent pas, le pourcentage du PIB attribuable aux investissements de l’État grimpera et le financement de l’État représentera un risque additionnel poussant à la hausse des taux d’intérêt. La part de l’État canadien dans la composition du PIB est passé de 19% à 12% en dix ans, ce qui illustre les prudentes politiques d’austérité des conservateurs (que suit le gouvernement Couillard mais qui ne le sont pas par l’Alberta) et, inversement, confirme la faisabilité d’une part accrue de l’État au PIB par l’intermédiaire de l’endettement.
Il faut mesurer le risque que représente une politique de relance en s’appuyant sur la capacité d’emprunt de l’État dans le contexte où les perspectives de croissance mondiales sont modestes et continuent d’être revues à la baisse. Est inconnu dans l’équation l’impact de la mise en place de nouveaux mécanismes de libre échange qui pourraient changer bien des calculs. L’économie québécoise a ici beaucoup à perdre dans son secteur agro-alimentaire : lait, fromage, volaille, oeufs.
On aura compris que la reprise par l’endettement est un pari risqué. Il se fonde sur le recours à des mesures artificielles pour relancer l’économie réelle. Si les investissements dans le secteur manufacturier, agricole et des ressources ne répondent pas au stimuli, refusent d’emboîter le pas faute de débouchés, le gouvernement du Canada se sera pris lui-même à un piège dont il pourra difficilement sortir, ne disposant d’aucune marge de manoeuvre.
Plus possible d’emprunter, sinon avec des intérêts plus élevés et augmentation du poids de la dette dans les budgets. Le gouvernement aura le choix entre la hausse des taxes et les coupures alors que l’assiette fiscale se sera rétrécie. La peste ou le choléra. Les taux en hausse s’appliqueront évidemment partout, frappant les ménages déjà fortement endettés qui vont devoir plus nombreux rendre les clés à la banque. La consommation va plonger, fiston retournera vivre chez papa et maman, et je vous laisse imaginer la suite… Il est aussi possible que la relance réussisse assez pour prolonger la descente aux enfers mais les oracles ne le disent pas.
Pour jouer pleinement ses atouts économiques le Canada aurait besoin de plus de marge de manœuvre politique. Il aurait besoin de plus de contrôle sur sa monnaie, de mettre au besoin des barrières tarifaires là où il en faut, avoir encore le pouvoir de structurer l’environnement économique. Il lui faudrait la liberté d’ouvrir de nouveaux marchés plus dynamiques : la Russie, l’Iran, les autres pays des BRICS, etc. Or, les tendances mondialistes occidentales vont exctement dans le sens inverse, soit vers la réduction des souverainetés et le rétrécissement de la latitude politique des États. Cette évolution négative se fait au profit d’entités oligarchiques anonymes, par l’intermédiaire des mal nommés traités de libre échange, qui sont en fait des traités inégaux, taillés pour favoriser le pays le plus puissant du groupe, qui fait des autres ses dépendants sur l’ensemble du tableau.
Ce dont le Canada a besoin, c’est exactement ce dont le Québec a besoin : Il a besoin d’indépendance. L’élection de Justin Trudeau est à souligner comme un événement positif sur ce plan car il est moins intégralement soumis à l’impérialisme américano-sioniste que le gouvernement antérieur.
Reste à voir, comment se fera avec son gouvernement le passage de la parole aux actes.
Les indépendantistes québécois sont souvent trop timides à souhaiter aux autres ce qu’ils réclament pour eux-mêmes. Ils ont tort. L’indépendance authentique des pays, que ce soit la Russie, la Syrie, la France ou tout autre pays, y compris le Canada, sert les intérêts du Québec. Le renforcement des indépendances dans le monde augmente les chances que l’indépendance revendiquée au Québec soit autre chose qu’une indépendance culturelle molle, privée de tous les pouvoirs vraiment structurants.
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