À la mi-novembre 2018, Doug Ford et son ministre des Finances Vic Fedeli ont décidé de couper dans les dépenses, et c’est la francophonie qui a écopé! Plus de Commissariat aux services en français et plus de projet d’Université de l’Ontario français. Cette dernière était attendue depuis une quarantaine d’années. Les Franco-Ontarien·ne·s sont les victimes ciblées du nouveau Premier ministre ontarien pour le soi-disant rétablissement de l’équilibre fiscal.
Et vlan, le couperet tombe
Les « économies » réalisées en récupérant le budget de moins de 3 millions $ accordé au commissaire semblent bien dérisoires à côté du déficit qui s’élève à 15 milliards $. Autant dire que cette décision est une attaque frontale contre la communauté francophone de l’Ontario. Elle peut clairement être qualifiée de racisme systémique. Comme il l’a dit, Ford n’a rien contre les francophones. C’est juste qu’assurer leurs droits n’est pas une priorité budgétaire!
Suite à la contestation de la population franco-ontarienne et des responsables du projet de l’UOF, l’administration Ford a reculé d’un pas à la fin novembre. Elle conservera le poste de commissaire aux services en français, et va remplacer l’Office des affaires francophones par un ministère des Affaires francophones (alors qu’il avait aboli ce ministère fin juin). Toutefois, Ford ne prend pas d’engagement clair sur le projet de l’université francophone en prétextant qu’il pourrait revenir sur sa décision si les finances publiques le permettent. Et qui va déterminer si cette condition se concrétise?
On se rappellera que, malgré les excuses du gouvernement libéral de Kathleen Wynne en rapport au règlement 17, qui a sévit de 1912 à 1927, bannissant l’enseignement français dans les écoles en Ontario, elle est restée froide face au projet et n’a pas été beaucoup plus rassurante que son successeur conservateur. Mais malgré la décision qui semble plutôt coulée dans le béton pour Ford, Dyane Adam, présidente du conseil de gouvernance de l’Université de l’Ontario français, n’entend pas lancer la serviette. Elle indique que le projet est déjà bien avancé, tout est déjà décidé pour la construction de l’édifice et le matériel promotionnel est fin prêt. Elle espère une mobilisation de tou·te·s les Franco-Ontarien·ne·s et aussi des anglophones pour faire pression sur Doug Ford. Un processus judiciaire pourrait être entamé s’il le faut pour faire plier le gouvernement.
Doug Ford n’est pas à ses premières attaques contre les Franco-Ontarien·ne·s. Lorsqu’il était conseiller municipal à Toronto, il a voté pour l’abolition du comité français. Notons en plus qu’il passe au tordeur deux autres commissariats sur des enjeux très importants pour l’avenir de l’Ontario : l’environnement et la petite enfance. Le combat des Franco-Ontarien·ne·s est une lutte constante pour leur survivance face à des gouvernements qui s’acharnent depuis longtemps sur leur sort. Pensons aux attaques du gouvernement progressiste-conservateur de Mike Harris dans les années 90, notamment à la fermeture de l’hôpital francophone Montfort. Même absence de considération pour cette partie de la population qui est en déclin constant, représentant aujourd’hui moins de 5% de la population ontarienne. Aujourd’hui, Ford reprend là où Harris avait commencé.
L’austérité en bloc
Les coupes dans les services aux francophones s’ajoutent à d’autres mesures d’austérité comme l’annulation du budget de réparation des écoles et le retrait de l’argent alloué pour les services en santé mentale. Un mois après son élection, il sort sa première loi spéciale contre les travailleurs et les travailleuses du milieu universitaire, les empêchant d’exercer leur droit de grève. Même pas un an au pouvoir et l’avenir s’annonce déjà pénible pour les travailleurs et les travailleuses. La province de l’Ontario vient de se doter de son propre Donald Trump en puissance. Même Stephen Harper a l’air sympathique à côté de lui.
On se rappellera que lorsque Doug Ford a lancé sa campagne dans l’est de l’Ontario au mois d’avril 2018, il est resté très évasif sur ses intentions concernant les projets qui s’adressent directement à la communauté franco-ontarienne. Sa seule promesse était de traiter les francophones sur un même pied d’égalité que les non-francophones. Dans les faits, sa position abaissait les questions de droits linguistiques au même niveau que la gestion des coûts d’électricité.
Résister, solidairement
Nous avons vu que la grogne populaire a réussi tout de même à faire reculer Ford sur ses politiques anti-francophones. Pour contrer ce genre d’attaque, il est impératif que le combat ne soit pas limité à la simple communauté francophone. Que ce soit à cause de la couleur de peau, des origines culturelles, des choix religieux, des orientations sexuelles, nul groupe ne doit mener sa lutte en vase clos. Les victoires se gagnent en se solidarisant massivement avec les travailleurs et les travailleuses, en faisant bloc avec tous les membres de notre classe sociale. Ce que Ford promeut, c’est la diminution constante des services publics. Il s’attaque majoritairement aux jeunes, coupant des services aussi essentiels que la santé et l’éducation. Il se fait maître d’une société qui sera forcée de rester dans l’abrutissement, pour servir uniquement les intérêts des capitalistes qui le soutiennent et le financent.
Lutter et s’organiser activement
Il est nécessaire de contrer systématiquement tout projet qui va à l’encontre des intérêts et des droits des travailleurs et des travailleuses, peu importe leur langue, leur religion ou leur culture. L’oppression nationale est toujours une réalité au Canada, que ce soit envers la population québécoise, francophone hors Québec ou celles des Premières nations. Les instances syndicales peuvent jouer un rôle particulièrement important dans les combats visant à garder les acquis et faire des gains pour les travailleurs et les travailleuses. On parle ici autant des conditions de travail que des conditions de vie, des droits linguistiques que du droit à des services publics accessibles et gratuits. Des luttes pour de telles mesures peuvent changer la vie de centaines de milliers de personnes en Ontario en plus d’inspirer les autres Canadiens et Canadiennes à faire de même.
Carlo Mosti