La revendication des 250 000 au cœur du dernier Conseil national des Solidaires

Direction et anticapitalistes bouchent la brèche vers une société de «care»

La revendication de l’embauche de 250 000 personnes dans les services publics et communautaires (sur cinq ans) comme axe prioritaire de la campagne politique était le point nodal du Conseil national (CN) Solidaire de novembre. Cette proposition avait déjà été votée, parmi d’autres et contre la volonté de la direction du parti, dans le sillage de la campagne lors du CN de septembre. C’est ce qui explique d’entrée de jeu l’intervention carabinée et rapide de la porte-parole suivie de celles de deux députées aussi opposées. Pourtant cette proposition s’appuyait sur deux fiches techniques de l’Institut de recherche et d’information socio-économiques (IRIS) sans doute le plus crédible des think-tank de gauche du Québec. Étant donné l’influence des porte-parole et de la députation auprès de la majorité des membres et de l’électorat du parti qui n’en connaissent que leurs interventions médiatiques, le rapport de force a basculé vers le rejet d’autant plus que le terrain avait été labouré dans ce sens au préalable. Telle est la démocratie dans un parti de plus en plus verticaliste.

250 000 emplois publics et communautaires, à peine un renouement avec la social-démocratie de jadis

Par contre, la porte-parole ne peut être excusée d’avoir trituré la vérité en disant que le rapport de l’IRIS parlait de 125 000 emplois à créer alors que ce rapport mentionne 250 000, passage clairement cité dans l’intervention précédente au CN du délégué d’Hochelaga-Maisonneuve (en l’occurrence votre serviteur) : « [s]i l’on additionne l’ensemble de ces besoins et possibles intégrations d’emplois au secteur public, on atteint un chiffre qui avoisine les 250 000. » (Guillaume Hébert, Le gouvernement doit créer des emplois dans le secteur public, IRIS, 11/11/20) ce à quoi s’ajoutent les 80 000 emplois sur quatre ans pour le développement du transport public selon le défunt Plan de transition Solidaire aussi basé sur un rapport d’experts mais secteur non mentionné parmi ceux pris en considération par l’IRIS, Plus exactement, la comptabilisation de l’IRIS, selon les maximums explicitement cités, donnent 230 000. Et Il n’y a aucune donnée pour l’éducation, aucune pour l’agriculture, aucune non plus pour le transport public comme on l’a dit.

Le rapport de l’IRIS mentionne effectivement le chiffre de 125 000 mais non comme cible. Au point 33 de son rapport, l’IRIS dit « …en ajoutant 125 000 travailleuses et travail-leurs au secteur public, c’est 25 % des emplois qui figureraient désormais dans la sphère publique, contrairement à 22 % un an auparavant. Ce 25 % n’est pas inédit : c’est la proportion d’emplois publics qui prévalait au Québec au tournant des années 80 » soit avant que le capitalisme ne se néolibéralise. Ce serait là un retour au statu-quo – si on néglige que depuis lors le monde a changé et pas pour le mieux – déjà anti-climat et anti-biodiversité. C’est donc dire que la revendication des 250 000 augmenterait ce pourcentage de 22% à 28% ce qui est loin de renverser la montagne capitaliste mais au moins cette cible montrerait du doigt la porte de sortie conformément au programme Solidaire clamant par deux fois le « dépassement du capitalisme ». En fait la proposition de 250 000 de l’IRIS n’atteindrait pas ce 28% car elle comprend des nationalisations qu’elle revendique mais non Québec solidaire celui-ci se contentant de réclamer seulement celle de la poignée de centre hospitaliers de soins en longue durée (CHSLD) privés. Seraient inclus les résidences de personnes âgées (RPA) et la conversion des garderies subventionnées en centres de la petite enfance (CPE). Cette nationalisation améliorerait grandement la qualité de ces services et les conditions de travail des personnes employées. Par ricochet, cette précision démontre l’insuffisance qu’aurait une revendication de 125 000 et la modestie de la revendication de 250 000.

Soutenir la «normale» consommation ou soutenir les services publics vers la transformation climatique

L’IRIS pose ensuite la question du recrutement. Lors du premier énoncé de cette proposition à la fin mars, l’IRIS concevait la revendication des 250 000 comme une très urgente mesure palliative anti-chômage et en même temps de bonification temporaire anti-pandémie des services publics et communautaires. C’était l’alternative de gauche aux gargantuesques programmes de soutien de revenus des Libéraux fédéraux lesquels programmes visaient principalement à soutenir les entreprises sous forme d’abord de soutien à la consommation, dont les GAFAM et Walmart de ce monde sont les grands gagnants, et secondairement de financer les dépenses des entreprises même salariales dans bien des cas. Vite dit, le soutien des services publics pour la gauche, le soutien de la consommation pour la droite. Cet objectif de gauche reste valable étant donné un chômage qui reste élevé dans le contexte de la deuxième vague de la pandémie. Inutile de dire que Québec solidaire a alors complètement raté la cible allant jusqu’à la complaisance vis-à-vis la gestion pandémique de la CAQ… d’où la colère manifestée à l’occasion du CN de septembre.

Le texte de l’IRIS du 11 novembre revenant sur le sujet prend une autre couleur. Comme le dit le premier point saillant du rapport : « Une politique d’embauche massive au Québec permettrait à la fois de mieux répondre à des besoins essentiels et de contribuer à une relance économique qui profite à tous et toutes. » Et ceci dans le même sens qu’en mars où « elle visait à reconvertir une partie de la main-d’œuvre québécoise afin de répondre sans délai à la crise sanitaire et, à moyen terme, à l’urgence climatique ». De conclure le rapport : « La pandémie de 2020 marque certainement un tournant dans notre rapport à l’interventionnisme étatique. Cette fois-ci, plutôt que de se contenter de verser des sommes faramineuses à des entreprises privées à but lucratif, l’État peut soutenir la population et la démocratisation de l’économie par une politique d’embauches massives. Cette approche lui permettrait à la fois de mieux répondre à ses missions essentielles en amorçant une véritable transformation socio-économique. »

La revendication des 250 000, le concret et réel début du commencement de la transformation du monde

L’objectif principal n’est donc plus la résorption du chômage mais le refus du retour à la dite normale. Le recrutement des 250 000 se ferait chez les sans travail, les précaires du secteur privé et les personnes réfugiées. Il n’y a aucun problème de recrutement quand on y met les salaires décents, les bonnes conditions de travail et la pérennité de l’emploi comme on l’a constaté pour le recrutement des 10 000 personnes préposées aux bénéficiaires (PAB) au début de l’été afin d’éviter une deuxième hécatombe dans les CHSLD. Dans le secteur privé, les emplois précaires non essentiels abondent. Et il y a plein de personnes réfugiées qui sont ici sans papier ou qui cognent aux portes dont une grande partie est diplômée, diplôme que les égoïstes corporations professionnelles, avec la complicité gouvernementale, ne reconnaissent qu’au compte-goutte. Tout le reste n’est qu’une affaire de formation comme il a été possible de le faire cet été.

Quand le Canada a voulu convertir son économie en économie de guerre, ce fut fait en 2 à 3 ans. Au sortir de la Deuxième guerre, il fallut au capitalisme, sous la poussée révolutionnaire mondiale, éviter le retour de la Grande crise des années 30 tout en accommodant le pic des naissances des «baby boomers» et reconstruire des sociétés dévastées ou à bout de souffle. La stratégie capitaliste de l’État-providence fit le travail … aux dépens des peuples racisés et en foutant en l’air le grand équilibre écologique terrestre. Après ce sauvetage raté voulant délivré l’humanité des guerres d’anéantissement réciproque, il s’agit maintenant de sauver la civilisation. On peut objecter que la proposition d’urgence de la direction parlant aussi offensivement de « réinvestissement historique dans les services public » est équivalente. Ce mot «historique» remplaçant ici le mot «massif» devenu trop usé est ce que l’on peut appeler un mot ballon, un signifiant vide dirait la théorie populiste de Laclau, qui peut être interprété à toutes les sauces pour satisfaire tout le monde mais qui n’engage à rien et qu’on oublie aussitôt employé. Tandis que la revendication offensive des 250 000, adossée à l’IRIS est un engagement sérieux et audacieux susceptible de créer enthousiasme et mobilisation.

Le rapiéçage de la gauche radicale avec la cime centre-gauche du parti sous prétexte de factice consultation

De commenter la direction de Presse-toi-à-gauche : « La gauche s’est vraiment piégée en liant la cible à 250 000 emplois au lieu de poser la nécessité de défendre une cible basée sur des chiffres précis sortis d’une collaboration avec les organisations syndicales, populaires, féministes et jeunes. » Voilà une invitation à noyer le poisson sachant que ces consultations, dans la mesure où elles auraient lieu, se feraient avec des bureaucraties concertationnistes, les seuls ayant les moyens de collecter et centraliser les données, recherchant le statu-quo marginalement amélioré. Pas de quoi avancer une alternative alors qu’il faut « un horizon qui redonne espoir aux syndicats du secteur public pour se remobiliser » pour reprendre les termes de l’intervention au CN du délégué d’Hochelaga-Maisonneuve. Il fallait avancer immédiatement un chiffre concret rompant avec les nébuleuses insignifiantes des «historique» ou «massif». Le chiffre de 250 000 s’imposait comme fer de lance parce qu’il avait déjà été voté au CN précédent à l’intérieur d’un fourre-tout et surtout parce que l’IRIS venait tout juste de revenir sur le sujet.

Le bilan du dernier CN par la direction de Presse-toi-à-gauche sent à plein nez le rapiéçage avec la direction du parti suite à la mise en quarantaine pandémique de son fonctionnement ayant laissé libre cours au bonententisme  e son aile parlementaire avec le gouvernement. Cette nébuleuse veut reprendre sa place de flanc gauche critique de la direction tout en la protégeant par la filtration de critiques internes et externes plus pointues. Dans son bilan, elle souligne « …le travail de la direction de QS avec les travailleurs et travailleuses essentiel-le-s et de celui du caucus des député-e-s sur les lignes de piquetage et dans les manifestations. » La  direction du parti a en effet organisé des rencontres virtuelles avec les travailleuses-travailleurs du secteur public membres du parti. (Cette méthode «consultative» découverte durant la pandémie est en passe de devenir un moyen de contournement des instances décisionnelles du parti.) Mais la direction n’a fait aucune proposition eu égard à la convention collective du demi-million de ces travailleuses-travailleurs alors qu’il se fait tard dans le processus de négociation. (Yvan Perrier, Négociation dans les secteurs public et parapublic : Devrons-nous conclure à une occasion manquée pour Québec solidaire ?, Presse-toi-à-gauche, 23/11/20). Pourtant Québec solidaire aspire à gouverner le Québec. Avant que n’éclate la pandémie, cette négociation était déjà le point nodal du mandat caquiste. La pandémie en a accentué l’importance tant ces travailleuse-travailleurs sont au cœur du travail essentiel de la société. Ces rencontres ont plutôt l’air d’exercice de relations publiques pour sauver la face sans se compromettre.

Une « ouverture à la réalité autochtone »! Voilà où mène l’aveuglement volontaire

Ce bilan affirme que « [l]a reconnaissance d’une commission nationale autochtone et la volonté de traduire la plate-forme du parti dans les différentes langues autochtones montrent une ouverture à la réalité autochtone… » Au diable le refus du parti d’appuyer la lutte des Anishnabés – des barrages de routes secondaires qui ont duré un mois – de la Réserve faunique La Vérendry pour le contrôle de la chasse à l’orignal sur leur territoire historique. Parce que, de justifier le député de Laurier-Dorion suite à mon intervention au CN, la chasse étant légitime il faudrait un compromis ! En un mot, leur consentement préalable et éclairé de la Déclaration de l’ONU sur leurs ressources naturelles ne s’applique pas ! À noter aussi que le parti n’avait pas soutenu les barrages de solidarité au Québec des Kanyen’kehà:ka et des Mi’kmaw envers les Wet’suwet’en bloquant en Colombie britannique la construction d’un gazoduc. Pas plus qu’il n’a dénoncé le racisme violent envers les Mi’kmaw de la Nouvelle-Écosse au sujet de leur droit de pêche, affaire qui a aussi résonné mondialement.

Une démocratie interne Solidaire de plus en plus atrophiée et menacée d’extinction

D’affirmer ce bilan « [n]éanmoins 60 propositions [sur la démocratie interne] ont été faites, ce qui constitue une contribution non négligeable en ce début de débat sur la question. » Ces recommandations non votées faites par un comité sans pouvoir interne et sans concret processus d’implantation et de suivi finiront sur une tablette. Il y a un sous-texte au code d’éthique et à la politique de prévention et de résolution des conflits présentés tous deux au CN tout comme à la décision de supprimer un collectif problématique sur la laïcité : attention à la dissidence et à la critique, on vous a à l’œil ! Après le dépôt de ce rapport et du vote d’exclusion à l’encontre de contre-propositions plus conciliantes, la proposition de reconnaissance du droit à la dissidence au sein de Québec solidaire, normalement banale afin de confirmer ce droit, a été adoptée par la peau des dents nécessitant même une étonnante reprise du vote. Pourtant ce droit à la dissidence est reconnu par les statuts. Est-ce que l’obsession étouffante de l’individualisme des «safe space» et la hantise des collectifs est en voie de remplacer l’analyse et le débat politique centré sur la critique des idées et non sur la stigmatisation des personnes ?

On note d’ailleurs que n’a pas été élue la plupart des personnes reconnues pour leur point de vue quelque peu iconoclaste, par exemple ayant déclaré leur appui au Collectif antiraciste et décolonial très critique envers la direction du parti, et sollicitant un poste contesté. Comment d’ailleurs expliquer le phénomène suivant ? Plus le niveau de pouvoir interne est important, moins les postes sont contestés. Aucun des cinq postes du Comité de coordination nationale (CCN ) n’a été contesté et en plus aucune des cinq personnes sortantes ne se représentait. Plus de la moitié des postes à la Commission politique (CP) n’a pas été contesté. Par contre au Comité de vie démocratique, comité sans aucun droit de représentation au congrès, CN ou CCN, ce fut la bousculade. On peut invoquer l’implication plus lourde des postes du CCN mais en contrepartie cette lourdeur devrait être compensée par la notoriété et le pouvoir, selon les statuts du parti, attachés à ces postes. N’est-ce pas parce que ces notoriété et pouvoir ont été transférés de facto à l’aile parlementaire ne laissant plus que de non rémunérées tâches ingrates et anonymes… sauf pour la présidente du parti qui a plus que démontré qu’elle était acquise corps et âme à l’aile parlementaire et non à renforcer le parti de la rue ?

Une politique défensive si peu de gauche tentant de s’approprier une mobilisation sans rien lui ajouter

L’orientation de la direction du parti pour la campagne politique votée par le CN, au lieu d’être offensive en ouvrant la porte vers un projet de société de plein emploi écologique, se cabre sur la défensive anti-austérité.  Elle repose principalement sur les trois impôts « bouclier contre l’austérité » qui rapporteront neuf milliards annuellement. (Pourquoi ne pas avoir donné cette information au CN ?) Une telle revendication a certainement sa place dans la campagne pour montrer que des sources de financement existent. Mais quelle modestie d’imposer les millions des petits millionnaires au niveau d’un minable un dixième de un pourcent de leur fortune et même ceux des quelques milliardaires québécois à seulement 3%. Et pourquoi un impôt majoré de 50% sur les profits des entreprises seulement temporaire ce que cache l’appellation populiste « impôt pandémique » ? Quant à l’écotaxe résiduelle sur le carbone, ce n’est qu’une régressive taxe indirecte glorifiée qui sera prestement refiler par les entreprises polluantes aux contribuables. Ces impôts, équivalents à 7% des dépenses publiques du Québec, ne seraient suffisants, et encore, que pour le maintien du statu quo dans un contexte de récession économique et de dépenses supplémentaires contre la pandémie.

Sentant peut-être que la proposition d’urgence de la direction, procédure habituellement réservée à des points nouveaux imposés par la conjoncture et non à chambouler ce qui s’est avéré être l’épine dorsale du CN, était déficiente en capacité mobilisatrice, la direction du parti soutenait les associations qui proposaient plutôt de faire de GNL-Québec, cette combinaison d’un long gazoduc et d’usine de liquéfaction pour l’exportation, la priorité de la campagne politique alors que cet enjeu fait déjà l’objet d’une campagne majeure, en fait la grande campagne écologique de l’heure au Québec, par le mouvement écologique. C’était là non seulement défoncer prétentieusement une porte ouverte mais offrir à la direction un marche-pied pour s’opposer à la revendication des 250 000 alors qu’il y avait moyen de proposer cette dernière comme la concrétisation du bidon « réinvestissement historique dans les services public » de la proposition d’urgence, urgence évidemment pour contrer la revendication des 250 000. En plus, celle-ci aurait été un apport précieux à la campagne GNL-Québec à qui il manque une alternative. Car comme me l’avait confié il y a quelques années un militant qui achevait une longue marche autour de la Gaspésie contre l’exploration pétrolière, la majorité populaire est plutôt contre le pétrole mais aussi pour un bon emploi dans cette région-ressource en déclin démographique. Sans alternative crédible, ce qui est autre chose qu’un plan grandiose de lendemains qui chantent à la ZÉN-Québec du Front commun pour la transition énergétique, un tiens vaut mieux que deux tu l’auras.

Une brèche que n’ont pas voulu voir les collectifs anticapitalistes par distraction idéologique ou ouvriériste

La passivité des collectifs anticapitalistes du parti qui sont demeurés silencieux devant l’enjeu est à questionner. On peut certes saluer l’utilité informative du site web de l’un, l’implication syndicale de l’autre et la propagande, au bon sens du mot, du troisième. Cependant l’opportunisme du premier vis-à-vis la direction du parti et le sectarisme des deux autres les ont rendu aveugles à la brèche que la Commission politique avait ouverte au CN de septembre en faisant de la revendication des 250 000 un des thèmes de la campagne politique et cela contre la volonté de la direction du parti qui était allée jusqu’à tenter sans succès de faire renverser la décision. C’est cette brèche que la circonscription d’Hochelaga-Maisonneuve, une des plus nombreuses du parti, voulait élargir pour enfin pénétrer sur le terrain de l’alternatif projet de société qui manque tant aux luttes défensives contre l’austérité et contre les hydrocarbures. D’autant plus que par ailleurs la direction du parti a renoncé à refondre son condescendant Plan de transition vis-à-vis le capitalisme vert.

Soulignons aussi l’abandon par la nébuleuse Presse-toi-à-gauche de la revendication des 250 000 après l’avoir appuyée dans un premier temps. Il est cocasse que cette nébuleuse lance maintenant un collectif « Révolution écosocialiste », après leur échec du plus modestement nommé « Réseau écosocialiste » qui n’a jamais rien accompli ni pratiquement ni théoriquement. Le bilan du dernier CN par la direction de ce groupe, issue d’un opaque fonctionnement par cooptation, n’est qu’un Canossa envers la direction du parti. Comme quoi il faut bien distinguer la ronflante radicalité idéologique de la dure et concrète radicalité politique qui est autre chose qu’une fuite en avant. Le piège du programme maximum des discours du dimanche comme contrepartie du programme minimum de la main tendue au centrisme électoraliste n’a rien à voir avec les revendications transitoires qui ouvrent des brèches vers une société de pendre soin des gens et de la terre-mère.

Y a-t-il une lumière au bout du tunnel ?

Le chemin est tout tracé pour un verticalisme électoraliste de centre-gauche qui finira dans le marais du social-libéralisme. Celui-ci n’a que faire de « [l]’angle mort [de] la place de l’indépendance aux prochaines élections » pour reprendre les termes de la direction de Presse-toi-à-gauche. Sauf pour les discours du dimanche, un parti se transformant à vue d’œil en machine électorale n’a pas de place pour l’indépendance qui est pas définition une rupture pas plus qu’il n’a de place pour un Plan climat qui rompt avec le capitalisme vert. Sous les coups combinés de l’électoralisme menant inexorablement vers le centre, de l’identitarisme de gauche se réfugiant dans ses isolants espaces clos, de l’opportunisme ou du sectarisme fuyant chacun à sa manière le débat politique s’amenuise l’espace politique de la démocratie interne au sein de Québec solidaire.

Il faudra compter avec la résurgence de la lutte sociale pour réanimer ce parti se sclérosant. Si la grande lutte du secteur public fait du sur place, les luttes syndicales dans le secteur privé paraissent reprendre du poil de la bête principalement avec la victoire du syndicat des entrepôts pharmaceutiques de Métro-Jean Coutu, une grande entreprise de l’épicerie-pharmacie qui a vu croître ses bénéfices pandémiques et dont le provocateur lock-out et l’embauche illégal de briseurs de grève lui sont retombés sur les pieds. Le même samedi où se tenait le CN de Québec solidaire a simultanément vu trois manifestations. Pendant qu’à Québec « [q]uelque 150 personnes ont manifesté samedi pour dénoncer le plan vert du gouvernement Legault » (Radio-Canada), à Montréal « [u]ne centaine de manifestants et quelques groupes militants écologistes déplorent que la cause environnementale demeure dans l’ombre de la crise sanitaire » et « [u]ne soixantaine de personnes ont manifesté samedi après-midi devant le bureau montréalais de François Legault en solidarité avec les travailleurs essentiels immigrants, qui doivent continuer d’être au front malgré l’incertitude par rapport à leur statut. » (La Presse). Cependant le CN de Québec solidaire n’en a salué aucune.

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