« Le Bloc ne sert strictement à rien, sauf à justifier le fédéralisme », avait déclaré en 2014 le député péquiste de St-Jérôme, Pierre Karl Péladeau, que la bien pensance souverainiste avait aussitôt fermement et doctement recadré. Le novice politicien ne savait pas encore, de toute évidence, que dans le monde du péquisme, on ne remet jamais rien en question (sauf l’indépendance), et surtout pas ce qui ne fonctionne pas. Péladeau se ravala, tout le monde fut content et on s’efforça de faire comme si cet épisode n’avait jamais existé. Peu de temps après, de fiers militants indépendantistes élisaient PKP à la direction du PQ et s’investissaient en même temps au Bloc dans la joie et l’enthousiasme.Toute réflexion sur le rôle et la pertinence du Bloc était interdite et c’était parfait comme ça.
Le Bloc, après un autre résultat électoral mitigé en 2015, est aujourd’hui en proie à une violente chicane. On ne s’y entend plus, semble-t-il, sur le leadership de Martine Ouellet, ainsi que sur l’ordre des priorités: l’indépendance d’abord et la défense des intérêts du Québec ensuite? Ou le contraire? Ou un peu des deux mais sous un nouveau chef?
Dans tous les cas, cependant, on s’accorde pour dire que le Bloc peut facilement concilier ces deux priorités, quand on ne va pas jusqu’à soutenir que la défense des intérêts du Québec à Ottawa est, par essence, une démarche indépendantiste.
Ce discours, hérité des années de gouvernement péquiste post-référendaire, est une vue de l’esprit. Dans l’absence de démarche indépendantiste immédiate à Québec et alors que le PQ craint toute apparence d’une telle démarche, « défendre les intérêts du Québec à Ottawa », c’est, neuf fois sur dix, faire fonctionner le fédéralisme, et, une fois de temps en temps, soulever indirectement la question du statut constitutionnel du Québec et de l’indépendance, sans avoir les moyens d’y répondre.
C’est à cela, au fond, qu’aurait dû faire réfléchir la déclaration interdite de Pierre Karl Péladeau. La réflexion ne s’est pas faite, le PQ reporte toujours l’indépendance à la semaine des quatre jeudis et le Bloc, conséquemment, doit évoluer dans un corridor de pertinence extrêmement étroit, dont la finalité concrète ne peut être indépendantiste, que ce parti soit contrôlé par les vilains « pressés » ou par le fonctionnariat souverainiste traditionnel.