La crise de la covid-19 en est une du capitalisme globalisé et humanocide

La sortie de crise appelle la mobilisation pour la planification démocratique

De la « conquête » de la nature depuis la révolution néolithique proviennent les maladies contagieuses portées par les microbes des animaux sauvages, qui s’y étaient accommodés, forcés de s’installer sur nos terres défichées suite à la destruction de leur habitat. Le capitalisme, dernier mode de production en date de l’humanité divisée contre elle-même, a accéléré ce transfert fatidique en détruisant ou en subsumant les modes de production antérieurs dont la base était agricole ce qui supposait quand même une civilisation imbriquée dans la nature aussi humanisée soit-elle. Par contre, le capitalisme rompt avec la nature en la conquérant… croit-il. L’industrialisation de l’agriculture épuisant les sols, polluant les eaux et relâchant massivement des gaz à effet de serre (GES), y compris en amont et en aval, en est la cristallisation. Couronne cette épopée jusqu’à engendrer l’anthropocène, la globalisation capitaliste de tous les secteurs, jusqu’à la brevetabilité du vivant et de l’intellect, de toute la petite production artisanale et agricole détruite, incorporée ou subjuguée, et de tous les coins de pays soumis au talon de fer du libre-échange.

« Depuis 1940, des centaines de microbes pathogènes sont apparus ou réapparus dans des régions où, parfois, ils n’avaient jamais été observés auparavant. C’est le cas du virus de l’immunodéficience humaine (VIH), d’Ebola en Afrique de l’Ouest, ou encore de Zika sur le continent américain. » Jusqu’ici, la combinaison de leur taux de contagion et de leur taux de mortalité n’avait pas été assez dévastatrice pour susciter une pandémie malgré l’austérisation à flux tendus pour ne pas dire le charcutage des systèmes de santé particulièrement dans les pays dit du Sud sous la houlette du FMI. Ce qui devait arriver est arrivé. Malgré un taux de contagion épeurant en plus asymptomatique et muant ce qui fait de la détection un casse-tête, le taux de mortalité de la COVID-19 est heureusement loin d’être celui d’Ebola ou même du SRAS mais il est plus élevé que la grippe saisonnière ou H1N1 en particulier pour les personnes âgées et plus encore pour celles ayant des problèmes pulmonaires et cardiaques. Et surtout il n’y a pas et il n’y aura à brève échéance ni remède ni vaccin quoique la découverte rapide de sa génomique en promet à moyen terme. Toutefois, les découvertes scientifiques et technologiques biaisés par la satisfaction de la demande solvable avant tout et ralentis par les dit droits intellectuels de la brevetabilité ne peuvent, quand ils n’empirent pas le mal, qu’atténuer ses dégâts tout comme pour la crise climatique retarder la venue de la terre-étuve.

N’est pas au rendez-vous une planification même minimale sur fond d’austérité, de pénurie et de panique

Contrairement à la planification centraliste et bureaucratique de temps de guerre par l’État capitaliste au profit des grandes entreprises et pour des buts de victoire guerrière découlant de la compétitivité inter-impérialiste, celle minimale à la mode néolibérale de la pandémie de ce coronavirus laisse se créer des pénuries au niveau de
l’approvisionnement de stocks vitales d’équipement médical tout en mettant sur pied de publics services d’urgence boiteux. À la pénurie de solution hydroalcoolique pour la population, d’ensembles de diagnostic et de protection pour le personnel médical et de ventilateurs pour les grands malades s’ajoutent des services de référence téléphoniques qui débordent dès les premiers jours ce qui anticipe la suite de la chaîne de prise en charge congestionnée dès le décollage de la courbe exponentielle des gens touchés par la COVID-19. L’État de l’austérité et de l’accumulation du capital avant tout, en réaction plutôt qu’en pro-action au point d’enrager l’OMS, envisage ni encadrement serré de certaines entreprises clefs leur donnant des directives de production, de prix et de clientèle, encore moins leur étatisation, ni rationnement même minimal en magasin face à des tablettes vides — heureusement certains commerces font le service minimum — encore moins au bénéfice des actrices clefs du secteur de la santé de qui on exige prise de risque et longues heures de travail.

Les gouvernements, la Chine et la Corée du sud exceptées, étant apeurés par la vérité crue de la prolifération des cas, toutes les raisons sont bonnes pour freiner le nombre de diagnostics, grâce à un test pourtant rapide et facile à administrer, jusqu’à ce que le nombre de morts la laisse à deviner par comparaison avec les ratios morts/cas attestés les plus fiables. Car la vérité dévoilerait à la fois le manque de ressources du système de santé pour généraliser à temps les tests de diagnostic et pour soigner adéquatement les malades de la COVID-19 soit en quarantaine chez eux soit à l’hôpital pour les 15 à 20% les plus atteints sans perte de revenu quelque soit leur niveau de protection sociale et leur statut d’emploi. L’État préfère appeler les gens à faire eux-mêmes des démarches au sein d’un système improvisé et grippé comptant peu de points de services ou qui s’étendent trop lentement avec la perspective d’une quarantaine inquiétante sans soutien humain et sans trop savoir l’ampleur de leur soutien de revenu malgré les promesses politiciennes. Faut-il alors s’étonner que s’installe un sentiment de panique jusqu’à l’irrationalité de l’accumulation de papier de toilette même si la légitime peur de la mort y est pour beaucoup. Sans compter que ce chaos oublie l’angoisse des gens seuls, handicapés et pauvres tout en laissant aux femmes la tâche de recoller les pots cassés à la clinique comme à la maison.

Le profit rend aveugle sur la perspective d’une économie d’urgence planifiée et rationnée

Si les conséquences sanitaires sur la population occupent la une médiatique, celles économiques sur l’accumulation du capital préoccupent d’abord le 1%… mais pas avant d’utiliser le prétexte de la COVID-19 pour vendre à la va-vite ce capital fictif devenu décidément trop boursouflé face à une économie grosse d’une crise de surproduction en attente d’un déclencheur. Les opportunités profitables de quelques entreprises dans le marasme actuel ne compensent pas les bris et étirements des chaînes globales et régionales de valeur à flux tendus et les ruptures de stock que ne résoudra aucune politique monétaire laxiste à part requinquer temporairement la valeur du capital fictif. Telle ne serait pas cependant une politique budgétaire et fiscale soutenant le pouvoir d’achat par la compensation à 100% de la perte de revenu de travail sans égard à la couverture légale initiale, par des prêts sans intérêt aux PME quitte à faire des rajustements subséquents contre les abus et pour éviter des banqueroutes et par une ponction sur les grandes entreprises et les couches riches, plus importante sur celles financières et les grandes fortunes, suffisante pour financer l’ensemble des politiques d’urgence sanitaire et économique.

Tout temporaire que soit ce désordre, on peut penser que la bourgeoisie apprécierait encore le raccourcir contre la volonté de leurs gouvernements traumatisés par la perspective d’une crête à l’italienne ou à la Hebei qui feraient sauter leur système de santé, malade d’austérité au départ, avec le risque concomitant de perte de contrôle, peur partagée par les gens d’affaires ce qui assure la prééminence politicienne dans la gestion de la crise. Sans compter, pensent-ils, qu’il faudra bien compter sur l’État pour compenser les entreprises touristiques, du voyage, de loisirs sociaux… en tout cas les plus grandes too big to fail. Quant aux petits poissons, ils seront gobés par les plus gros. Et pas question pour le patronat de fermer les entreprises non essentielles où forcément on se côtoie ce qui permettrait l’opération d’un transport en commun allégé où chacun prendrait les distances prescrites. Le profit avant tout rend aveugle sur la perspective d’une économie d’urgence de production planifiée et contrôlée de produits essentiels, de services publics boostés et financés par une fiscalité de circonstance aux dépens de ceux qui en ont les moyens et de quarantaine généralisée affectant aussi les productions non essentielles.

L’indicible possible barbarie au bout de la pandémie si la mobilisation sociale n’y voit pas

Comment cependant ne pas entendre l’indicible. Quand l’épidémie se généralise à plus ou moins 50% de la population, comme le prévoient maints experts à moins de prendre des mesures coercitives à la chinoise dès le départ, il devient inutile de séquestrer les gens. Ayant laissé voir que les autorités ont fait auparavant leur possible, il ne reste plus à soigner que les très malades du mieux que le système le peut. Et se disent à voix basse les stratèges lucides du capital, adieu les personnes âgées les plus précaires, les gens à la santé la plus fragile et les plus marginaux incapables de suivre la cadence, spécialement nombreux à la périphérie des pays impérialistes et dit émergents. Toutes et tous sont inexploitables au bénéfice, c’est le cas de le dire, du dieu moloch Profit maximum qui impose sa loi d’airain de la concurrence. Telle est la monstruosité de ce capitalisme « pur » qui ne tolère aucune entrave ni celle de la loi naturelle des grands équilibres écologiques ni celle de la loi humaniste de la liberté, de l’égalité et de la solidarité. Pour aller jusqu’au bout de la destruction de la civilisation construite dans le paradoxe de l’humanité divisée contre elle-même, le capitalisme débuterait par la suppression de celles et ceux devenus incapables le servir mais que la contrainte sociale l’oblige à entretenir vaille que vaille. Cette politique barbare, le gouvernement du Royaume-uni la pratique ouvertement.

Du capitalisme « pur » qui laisse faire la mort à la planification démocratique en passant par celle autoritaire

Il est trop tôt pour que le jury se prononce sur l’efficacité anti-épidémie de la Chine autoritaire et répressive mais aussi se souvenant des vertus de la planification. Peut-être y a-t-il là le demi-consentement d’un peuple ayant accédé récemment (et inégalement) à la consommation de masse grâce, paradoxalement, aux acquis anti-impérialistes de sa révolution sur fond de son rapport de force démographique ? Serait-il possible que le succès de la République populaire de Chine, certes à confirmer, affirme par la pratique qu’au moins pour résoudre des crises, la planification dictatoriale vaut mieux la démocratie néolibérale… tout au moins si elle origine d’une révolution anticapitaliste bureaucratisée ? Reste à trouver la voie de la planification démocratique ? La critique anarchiste de l’État a l’avantage de démontrer, de par son caractère bureaucratique, son côté dictatorial et pas seulement de l’État capitaliste. Le revers de la médaille, cependant, est de suggérer que la démocratie est une béatitude sans contrainte collective ce qui paradoxalement rend cette critique récupérable par la pensée unique néolibérale allergique elle aussi à la contrainte étatique… sauf celle répressive de l’État profond.

Y a-t-il une voie anticapitaliste pour dompter une pandémie permettant de minimiser la souffrance tout en renforçant chemin faisant la loi humaniste ? La critique ci-haut ne manque pas d’en suggérer dont la planification partielle de produits cruciaux aux dépens du sacro-saint marché, annonciateur de celle générale pour éviter la catastrophe de la planète-étuve. La participation citoyenne pouvant canaliser la panique, cette planification étendue aux services de santé et sociaux peut mobiliser un tas de gens par l’intermédiaire des organisations de la société civile ou directement par le gouvernement. Que ce soit d’anciennes employées de la santé, retraitées ou libérées de leur travail actuel, ou des travailleurs rendus disponibles par les ratés temporaires de l’économie qu’on forme sommairement pour tester systématiquement la population, pour soutenir les gens en quarantaine, individuelle ou territoriale, ou même pour produire du matériel nécessaire en pénurie, ce serait là donner le goût de la mobilisation citoyenne climatique dans le cadre d’un plan démocratique. Loin d’un attentisme vis-à-vis l’État néolibéral qui ne veut rien savoir de mobiliser les organisations populaires, l’exemple italien montre que la gauche radicale et les syndicats combatifs peuvent lever l’étendard de la lutte contre la COVID-19 en commençant par la critique alternative de la politique d’urgence gouvernementale particulièrement envers les gens marginalisés et racisés.

L’internationalisation de la loi humaniste demeure le casse-tête de la critique-alternative anticapitaliste. On constate que la pandémie précipite le chacun pour sa nation y compris au sein de l’Union européenne quand ce n’est pas le chacun pour sa province ou son état au sein du Canada et des ÉU. L’exemple de la Chine qui aide l’Italie par du matériel et du personnel expérimenté est un exemple à souligner indépendamment des motifs intéressés de ce « beau geste ». À la gauche de réclamer cette coordination pour que les chaînes de valeur se transforme en chaîne d’entraide sans empêcher le rapatriement des productions essentielles. La solidarité a à s’étendre aux populations éloignées et isolées dont celles autochtones habituellement laissées à elles-mêmes tout comme aux prisonniers, en promiscuité forcé, qui doivent être libérés pour la plupart sans oublier les sans abris et ménages entassés souvent de personnes réfugiées à ne pas renvoyer, particulièrement si la COVID-19 les touche, pour qui il faut réquisitionner les logements vides nécessaires, y compris ceux liés à Airbnb et les condos spéculatifs. Le noyau dur de l’internationalisme consiste à presser le citron de la Finance mondial, y compris immobilière, à coups d’imposition du capital mais aussi de gel au moins temporaires des divers paiements de dette sous toutes ses formes et sous toutes les latitudes (dette publique, hypothèque, loyer, réquisition des hôtels pour loger les malades légers qui autrement devraient contaminer leurs familles ou colocataires) pour qu’elle crache le motton en attendant son expropriation pour fournir les billions nécessaires aux investissements climatiques.

 


Annexe : La (non-)politique de Québec solidaire

Communiqué de presse : « La porte-parole de Québec solidaire, Mme Manon Massé a garanti au premier ministre sa pleine et entière collaboration :  »La santé publique passe avant la politique. [Je souligne] Nous avons tous et toutes un rôle à jouer pour prévenir la propagation du coronavirus. » […] La porte-parole a également demandé aux Québécois et aux Québécoises de respecter les directives de la santé publique : « Lavez-vous fréquemment les mains, placez-vous en isolement 14 jours après un voyage à l’étranger et restez calmes. Résistons aux préjugés : tout le monde peut être porteur du virus. »

D’ajouter la présidente du parti dans sa lettre aux membres : « À l’heure actuelle, Québec solidaire collabore entièrement avec la Santé publique et le gouvernement. En tant que parti politique, nous avons de grandes responsabilités et devons prendre la situation avec le sérieux d’un parti qui aspire à prendre le pouvoir et gouverner. Je sais que je peux compter sur vous tous et toutes pour faire preuve de calme et de solidarité. C’est en nous serrant les coudes (et en respectant les directives de la Santé publique) que nous nous en sortirons. »

Dans son podcast, le porte-parole du parti laisse dire sans commenter à sa jovialiste invitée épidémiologiste que la meilleure défense contre la COVID-19 est d’être en bonne santé.

Nulle part ne trouve-t-on l’ombre de la moindre critique.

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