Al-Qanada

Je regardais ces derniers jours deux débats à la fois désolants et représentatifs aux Communes: l’un sur le projet de loi C-4 et l’autre, sur la Libye. Désolants parce qu’il en transpirait une grande ignorance, et représentatifs parce qu’ils sont le reflet du monde d’injustice, de mensonge et d’exploitation sauvage dans lequel nous sommes maintenus.

Kiartourne don chezeux si sont pas contents

Avec le projet de loi C-4, le gouvernement Harper veut se donner les moyens de créer des camps de détention de réfugiés. Après avoir crevé de faim, puis avoir traversé l’océan sur une coquille de noix ou dans un conteneur, le réfugié qui débarquera dans un port du Dominion sera initié à la version conservatrice des droits de la personne. Il pourra être détenu pendant un an, sans bénéficier ni des services d’un avocat, ni d’un examen des motifs de sa détention. S’il a des enfants, ils pourront être détenus, eux aussi, ce qui leur fera de belles grandes vacances scolaires dont ils se souviendront toute leur vie.

Et une fois remis en liberté sur sa terre d’accueil, parce qu’on aura pu déterminer qu’effectivement, il devait fuir son pays pour sauver ce qu’il lui restait de peau, le réfugié «désigné» se verra interdire pendant cinq ans de demander la réunification de sa famille. Il devra se contenter de lire les courriels de sa femme et de ses enfants, qui lui parleront de leur vie bucolique sous les tentes de l’ONU avec quelques grammes de riz et de haricots par jour. Désigné pourquoi, le réfugié? Pour rien. Juste parce que, ce jour-là, le ministre faisait une crise de paranoïa néoconservatrice hallucinogène qui lui a donné le gout d’envoyer Blanche-Neige à Guantanamo.

La loi s’appelle Loi visant à empêcher les passeurs d’utiliser abusivement le système d’immigration canadien. Le raisonnement des conservateurs est d’une simplicité toute conservatrice: les réfugiés ayant bénéficié de l’accueil royal C-4 serviront d’argument de dissuasion pour les prochains réfugiés potentiels, et les passeurs de clandestins se retrouveront sans clients. Donc, c’est le principe d’Hiroshima: en sacrifier quelques-uns pour en sauver beaucoup. Les réfugiés se sentiront tellement mieux chez eux, avec un fusil sur la tempe, quand ils sauront l’enfer qui les attend de l’autre côté des plages de la Colombie-Britannique.

Monsieur Tremblay de la rue du Roi Georges, à Jonquière, est ravi. Depuis le temps qu’on lui rebat les oreilles avec les accommodements raisonnables. Harper: enfin un politicien qui met ses culottes. Il y a toujours bien des limites à laisser entrer chez nous des «étranges» qui se mettent des voiles ou des serviettes sur la tête et qui ne veulent pas manger du bacon comme tout le monde.

Monsieur Tremblay ne sait pas vraiment pourquoi il y a des réfugiés. Il ne peut pas le savoir parce qu’il lit Cyberpresse et écoute Radio-Cadna, qui lui apprennent autre chose. Par exemple, ils lui apprennent que le ministre délégué à l’asphalte a traité une députée adéquiste de «grosse crisse». Oooon! Même le voisin de M. Tremblay, qui est savant, ne peut pas savoir, lui non plus, ce qui provoque les afflux de réfugiés, parce qu’il lit les dépêches de l’AFP et de Reuters dans Le Devoir, un journal qui n’a pas les moyens d’envoyer des journalistes à l’étranger, donc qui doit se contenter de faire des copier-coller et de la mise en page.

Mais les députés fédéraux et la vaste majorité des journalistes ne sont en général pas diable mieux que M. Tremblay. Personne ne leur a expliqué d’où venaient les réfugiés, et ils ont tendance à faire de l’amnésie. Ils ont oublié déjà ce qui s’est passé avant-hier. Les plus gros mensonges de la dernière décennie, ils les ont tous oubliés ou, mieux encore, ils y croient encore. Et même quand ils s’en souviennent, ils ne savent ni additionner 1 + 1, ni faire les liens nécessaires. De sorte qu’ils gobent comme des automates toute la propagande que leur servent les humanitaires à gages au service de la guerre.

Hier la Côte d’Ivoire, aujourd’hui la Libye, demain la Syrie et l’Iran

Il est difficile, dans un monde qui subit l’influence énorme des médias du grand capital, de ne pas avoir l’air d’un hurluberlu lorsqu’on résiste à la désinformation. Pierre Duhaime, le PDG de SNC-Lavalin, en sait quelque chose. Quand il a osé rétorqué à Martin Patriquin, du Maclean’s, que la Libye était membre de la commission des droits de l’homme des Nations Unies et que les prisons construites par SNC dans ce pays ne servaient pas à détenir des prisonniers politiques, il a reçu une volée de bois vert de la part des moralisateurs patentés comme Jean-François Lisée.

Sauf que ni M. Lisée, ni M. Patriquin, qui aiment récupérer n’importe quelle information sans la vérifier, quand ça fait leur affaire, ne sont capables de fournir des preuves du contraire à M. Duhaime. Et ni M. Lisée, ni M. Patriquin n’ont pris connaissance des analyses de Diana Johnstone (en anglais, mais elle parle français et était interviewée par Robin Philpot le 4 avril et le 30 mai 2011, à l’émission L’effet versant, sur CIBL) ou des reportages de Michel Collon, qui, lui, est allé sur place, en Libye, voir les massacres causés par les «frappes chirurgicales» de l’OTAN. Ils préfèrent les images formatées et les mises en scène de l’OTAN répétées des centaines de fois par les grands médias.

Les politiciens d’Ottawa aussi s’abreuvent aux mêmes sources de désinformation que les journalistes. Que c’était pitoyable, lundi dernier, pendant le débat sur la Libye, de les entendre tous, conservateurs, libéraux et néodémocrates, condamner les «atrocités commises par Kadhafi». Pas un seul n’a remis en question la prémisse voulant que Kadhafi soit un bourreau. Pas même un petit doute n’a été émis. Le discours de Jean-François Fortin, qui a annoncé que le Bloc Québécois était pour que l’OTAN continue de bombarder la Libye, était l’image même du suivisme politicien. J’en ai honte en tant qu’indépendantiste québécois.


La protection des civils libyens approuvée par le Parlement d’Ottawa

Et pourtant, le scénario appliqué en Libye est bien connu. C’est un scénario semblable à ce que les Ivoiriens ont subi et c’est ce qui a été tenté également en Syrie, où l’issue n’est pas certaine encore. Les États-Unis, la Grande-Bretagne, la France et leurs alliés ont infiltré en Libye des experts militaires, des mercenaires, des armes et des liasses de dollars pour perpétrer des attentats terroristes qui n’ont rien à voir avec les manifestations populaires et les mouvements d’opposition pacifique. Les bombardements de l’OTAN sont le prolongement du terrorisme au sol et constituent eux-mêmes indubitablement des crimes contre l’humanité.

Dès les premiers jours de l’insurrection soigneusement préparée de l’extérieur, les «manifestants pacifiques» tiraient sur des commissariats de police libyens avec des lance-roquettes. Les policiers et les militaires sont particulièrement visés, dans la stratégie de déstabilisation, afin de les démoraliser et de les inciter à trahir les autorités de leur pays en se «ralliant» au camp adverse.

Les procédés sont à peu près les mêmes dans tous les pays qui sont attaqués par la coalition impérialiste et terroriste occidentale pour s’approprier d’immenses réserves de pétrole, notamment celles du golfe de Guinée, du Soudan, de l’Afrique du Nord et de l’Asie centrale. On légitime les attaques en diabolisant les dirigeants du pays visé, au moyen d’un réseau sophistiqué d’humanitaires à gages, qui sont passés maitres dans l’art des opérations psychologiques. Ce n’est pas pour rien que Human Rights Watch et Amnistie Internationale sont très bien financés et que la Cour pénale internationale s’intéresse toujours aux cibles désignées par les États-Unis et leurs alliés.

Le site de l’OTAN regorge de propagande. Des moyens colossaux sont déployés pour créer des images et les diffuser, avec des récits fallacieux. L’OTAN a sa propre webtélé. On est très loin de l’époque de la Seconde Guerre mondiale ou même du Vietnam, où des journalistes comme René Lévesque se rendaient jusque sur les champs de bataille. Aujourd’hui, en Libye, les militaires de l’OTAN ont le contrôle total de l’information.


Bombardements humanitaires en Libye

Au coeur du dispositif occidental de désinformation se trouve l’ONU. Beaucoup de hauts dirigeants onusiens sont payés pour mentir effrontément et ont été même pris plusieurs fois en flagrant délit de mensonge, comme Ban Ki-moon, Alain Le Roy, Young-jin Choi, Roger Meece et Navi Pillay. J’ai pris connaissance cette semaine du rapport du Haut-Commissariat aux droits de l’homme des Nations Unies sur la Syrie, daté du 15 septembre 2011, et je peux vous assurer qu’il s’agit d’un autre morceau d’anthologie dans l’art du mensonge. Ce morceau est l’œuvre de Navi Pillay, la haute commissaire aux droits de l’homme de l’ONU.

Évidemment, personne ne lit les rapports de ce genre. On se fie plutôt à ce qu’en disent les médias. Mais si vous avez quelques minutes, prenez le temps de feuilleter celui-là. Regardez le contraste entre ce qu’affirment sans ambages les auteurs, dans le corps du texte, et les réponses sérieuses, détaillées et étayées du gouvernement syrien, qui se retrouvent en annexe, où Mme Pillay espère qu’elles seront oubliées. Les auteurs du rapport n’ont pas mis les pieds en Syrie et se sont appuyés, pour faire leur travail, sur des sources qu’ils qualifient de fiables, mais qui ne sont rien d’autre que des opposants malhonnêtes partis en mission justement pour propager des mensonges à propos du gouvernement.

Le gouvernement syrien pointe du doigt notamment ce que les menteurs onusiens et les médias ont raconté, au début de la crise, concernant les évènements dans la ville de Jisr al-Choughour. Au début de juin, des terroristes lourdement armés y ont attaqué le quartier général de la Sécurité et massacré tout le personnel. En tout 120 personnes sont mortes dans cet attentat. Leurs cadavres ont été empilés à plusieurs endroits dans la ville, par les terroristes, avec de la machinerie lourde, puis ont été enterrés.

Une partie de la population, terrorisée, a fui à la frontière avec la Turquie, mais est revenue aussitôt que les autorités ont réussi à rétablir l’ordre à Jisr al-Choughour, ce qui est du reste une preuve que le véritable danger ne vient pas du gouvernement, mais des terroristes que rencontre de temps à autre l’ambassadeur des États-Unis en Syrie, sans doute avec des instructions et des mallettes diplomatiques bourrées d’argent.

Les organisations d’humanitaires à gages, comme Amnistie Internationale, et les médias du grand capital, comme Radio-Canada, ont laissé entendre que les combats contre les terroristes à Jisr al-Choughour avaient comme toile de fond une répression violente des «manifestants» et des «civils», par le gouvernement syrien, tout en affirmant ne pas pouvoir vérifier les informations. Pourtant, les cadavres des victimes des terroristes qui se trouvaient dans les charniers ont été déterrés en présence de journalistes et de diplomates étrangers. Le tout a été filmé, et le gouvernement syrien a transmis le film à Mme Pillay.

La parole des menteurs onusiens n’est pratiquement jamais mise en doute. Les médias leur tendent le micro et retranscrivent leurs communiqués mot pour mot, peu importe les preuves que des observateurs très bien placés peuvent leur fournir. Les rapports mensongers de l’ONU deviennent de saints évangiles, et quiconque ose affirmer le contraire devient un hérétique. Les contradicteurs des menteurs onusiens sont muselés ou discrédités. C’est ainsi qu’on finit par faire avaler toutes sortes de mensonges au public et à créer, dans l’esprit des gens, une perception du monde qui est le contraire de la réalité. Les vrais terroristes sont à Washington, Paris, Londres et Ottawa, mais bien peu de gens en sont conscients.

Quoi qu’il en soit, dans le cas de la Syrie, la partie s’annonce plus serrée pour l’Empire étasunien parce que l’objectif véritable est le pétrole de la mer Caspienne. Au sud de cette mer se trouve l’Iran, allié de la Syrie, qui est depuis longtemps dans le collimateur de l’OTAN et qu’on accuse de vouloir éventuellement et hypothétiquement se fabriquer des armes nucléaires. Évidemment, ce sont encore des mensonges pour justifier la guerre. Au nord de la mer Caspienne se trouve la Russie. Une attaque contre l’Iran serait très mal vue par la Russie, qui a déjà montré les dents lorsque l’OTAN a voulu s’installer en Georgie.

D’ailleurs, au Conseil de sécurité, la Russie refuse toute forme de sanctions contre la Syrie. Elle invoque déjà l’exemple libyen, où la résolution sur la «protection des civils» a donné lieu à une opération militaire et un carnage de grande envergure. Si l’OTAN veut bombarder la Syrie, elle devra probablement se passer de légitimation onusienne officielle. Parions que, pour cette prochaine «mission libératrice», Israël sera appelé en renfort, avec ses armes nucléaires.

Mais Israël pourrait le regretter, car l’Iran vient d’annoncer qu’il s’est doté de nouveaux missiles sol-air conçus par sa propre industrie, et non achetés aux fabricants d’armement occidentaux. De plus, l’Iran s’est rapproché du Pakistan, qui est une puissance nucléaire, rappelons-le. Pour couronner le tout, une attaque contre le Pakistan sera désormais considérée comme une attaque contre la Chine, qui a les moyens, avec ses sous-marins nucléaires indétectables et armés de missiles balistiques, de frapper durement les États-Unis et leurs alliés.

Vous voyez le joli tableau qui se dessine? Les faucons et les psychopathes du Pentagone, de la CIA et de Wall Street se sont montrés tellement agressifs, sanguinaires et arrogants ces dernières années, y compris après leur incursion de mai 2011 au Pakistan, qu’il y a sérieusement lieu de s’inquiéter. Des guerres extrêmement meurtrières sont à prévoir et risquent d’engendrer des déplacements importants de population. En fait de vagues de réfugiés, nous n’avons encore rien vu, et Stephen Harper le sait.

Ottawa, succursale de l’Empire terroriste

Ce que les médias n’expliquent pas à M. Tremblay, de Jonquière, c’est que les réfugiés qu’Ottawa veut mettre dans des camps de détention viennent de pays attaqués par les terroristes de l’Empire étasunien et de ses succursales. On déclenche des guerres qui ne sont rien d’autre que des opérations terroristes pour faire main basse sur des ressources naturelles, en se servant du prétexte de la lutte contre le terrorisme, de la promotion de la démocratie ou de la défense des droits de la personne. C’est ce qu’ont subi les réfugiés congolais, irakiens, ivoiriens, libyens et syriens, qui se trouvaient très bien chez eux avant les massacres et qui n’auraient jamais voulu normalement quitter leur patrie. Le gouvernement Harper n’aurait pas besoin de l’inhumain projet de loi C-4 pour endiguer les flots à venir de réfugiés, si ce n’était des bombes payées avec nos impôts que nos militaires larguent sur des pays qui ne nous ont rien fait.

Au lieu de parler à M. Tremblay de la destruction bien réelle causée par les balles et les bombes canadiennes en Afghanistan et en Libye, on lui fait croire que le monde est rempli de barbus prêts à se faire exploser n’importe où au nom d’Allah. Mais qu’en est-il au juste du terrorisme islamiste?

L’attentat de Nairobi? Le procès des terroristes fut l’occasion, pour le gouvernement de Bill Clinton, de forger le mythe al-Qaïda. Al-Qaïda n’a jamais existé ailleurs que dans les manipulations de la CIA. Croire à Ben Laden qui se cache dans une grotte avec son armée de talibans ou croire au Père Noël et son atelier de lutins au pôle Nord, c’est pareil.

Le 11 septembre 2001, n’en parlons même pas, car on ne sait pas vraiment qui a fait le coup et qui a été complice. On sait seulement que ces attentats sont entourés de mensonges grotesques et d’un voile d’occultation médiatique.

Les trains de Madrid? Voilà un bon exemple de ce que les habitants de la Côte d’Ivoire, de la Libye et de la Syrie ont dû supporter à répétition, tantôt sous les bombes des puissances occidentales, tantôt sous les tirs des terroristes armés par elles et protégés par des casques bleus censés maintenir la paix. L’effroi d’un jour à Madrid est le quotidien des villes que l’Empire veut «libérer» des griffes de supposés dictateurs, comme à Abidjan, en Côte d’Ivoire, à Syrte, en Libye, ou à Jisr al-Choughour, en Syrie.

Il est certain que, si M. Tremblay comprenait cela, il ne serait pas d’accord. Le terrorisme des puissances occidentales et de leurs complices repose sur un élément crucial: la désinformation systématique des populations qui financent ce terrorisme sans le savoir. Les gens doivent être persuadés qu’ils sont dans le camp des bons. Sans la désinformation, l’édifice de la terreur s’écroule, et le grand capital occidental ne peut plus piller comme il le fait actuellement.

M. Tremblay vit dans un État terroriste sans le savoir. Al-Qanada n’a plus d’argent pour les hôpitaux, les écoles et les universités, mais il a beaucoup d’argent pour acheter des machines à tuer, construire des prisons et mettre des réfugiés dedans. L’avenir nous glisse entre les mains, comme je vous le disais au début de cette chronique, et le grand capital veille, avec ses médias menteurs, à ce que nous demeurions impuissants à l’égard de notre destin. Ses résultats financiers en dépendent.

Personnellement, j’y vois une excellente raison de réaliser l’indépendance du Québec demain matin. Mais, pour y arriver, nous ne pourrons certainement pas compter sur nos politiciens adorateurs de l’ONU et des ONG à gages, Ces pauvres niais ne sont même pas conscients de la désinformation et, de toute façon, ils ont besoin des médias pour flatter leur égo.

Posted in chroniques politique étrangère, Journal Le Québécois.