Ah oui, les élections !

De toute ma vie, je n’ai jamais voté pour un autre parti que le Bloc Québécois ou le Parti Québécois.  Je ne commencerai certainement pas cette année. Hors de question pour moi de faire comme certains souverainistes et voter pour le parti centralisateur qu’est le NPD. Mais l’envie de déposer dans l’urne un vote-à-la-Michel-Chartrand me tente pas mal cette fois-ci, je dois bien l’avouer. 

Qu’est-ce qu’un tel vote ?  Bien simple.  Afin d’expliquer ses propres intentions électorales, Michel Chartrand avait coutume d’utiliser une formule humoristique.  De ce fait, il mettait en scène sa mère et lui, au bureau de vote:

       Alors Michel, pour qui vote-t-on ?

       Mère, ces gens-là nous veulent tous du bien, alors nous allons tous les appuyer !

Magnifique façon de dire qu’il allait annuler son vote.

Pourquoi ai-je envie d’annuler mon vote cette année, une première dans ma vie de citoyen québécois appelé à décider de qui est le mieux à même de nous représenter, que ce soit au fédéral ou à Québec ?  Tout simplement parce que le Bloc – dans sa mouture actuelle et dirigée d’une main de fer et autoritaire qui affiche un non respect certain envers la base militante – m’énerve de plus en plus, et ce, parce qu’il ne sert que fort mal la cause indépendantiste.

J’ai pourtant toujours été en désaccord avec les militants qui clament que le Bloc ne sert à rien d’autre que de faire fonctionner le Canada et que le temps est venu qu’il se saborde enfin pour ainsi permettre à ses députés de rentrer au Québec pour y lutter pour l’indépendance.  J’ai toujours répondu à cela qu’un Bloc Québécois décidé à travailler vraiment pour l’indépendance pourrait être super efficace en agissant à partir de la capitale ennemie.  Les Bloquistes pourraient prendre exemple des députés du Sinn Féin ai-je souvent dit.  Ces gens-là ne passent pas leur temps à jouer au bon petit député anglais.  Ils s’assurent d’utiliser les ressources de l’adversaire afin de combattre le système politique qu’il leur impose.  Enfin, c’est comme ça qu’ils ont longtemps agi, même si c’est pas mal moins vrai aujourd’hui.

Si tous les députés bloquistes s’assuraient de siéger le moins souvent possible à Ottawa, question de consacrer tout ce temps au combat indépendantiste, si les députés bloquistes utilisaient les ressources monétaires du fédéral pour financer le mouvement indépendantiste, je me dirais que le Bloc sert vraiment à quelque chose, qu’il est un rouage important du combat pour la liberté que nous menons, ici, au Québec.  J’ai espéré des années durant que M. Duceppe et ses troupes finissent par le comprendre.  Ce n’est jamais arrivé.

Serait-ce, finalement, que les militants qui exigent le sabordement du Bloc ont raison ?  Que le Bloc rêve bien davantage de liberté 55 que de souveraineté du Québec, et que dans de telles circonstances, il est une nuisance plus qu’autre chose ?  Je ne sais pas.  Peut-être.

Et cette année, c’est encore pire qu’avant.  Gilles Duceppe s’est lancé tête première en élections en nous parlant encore une fois de la possibilité de s’allier à des partis fédéralistes afin de faire tomber l’horripilant gouvernement conservateur de Stephen Harper.  Moi aussi je déteste Harper et les idées qu’il met en branle.  Mais cela ne doit aucunement nous obliger à nous associer à des fédéralistes pour le combattre.  Un moment donné, il faut demeurer fidèle à ses « rêves de jeunesse » comme on dit (mais il est vrai que les rêves de jeunesse de M. Duceppe ne sont pas ceux auxquels on penserait d’emblée, alors qu’il est pourtant question du chef d’une formation souverainiste).

Surtout qu’en parlant de coalition, M. Duceppe fait obligatoirement référence au Parti libéral du Canada.   Ce parti-là a été le pire adversaire du Québec depuis des décennies.  Les commandites, la loi sur la clarté référendaire, le vol du référendum de 1995, l’empiètement des champs de compétence du Québec, le rapatriement de la constitution de 1982, et tutti quanti. 

Je veux bien croire que le Parti conservateur est une calamité.  Mais serait-ce vraiment mieux avec le Parti libéral du Canada ?  J’ai comme de gros doutes, alors moi, les arguments consistant à dire qu’il faut à tout prix bloquer les conservateurs, très peu pour moi !  Il n’y a que dans l’indépendance que le Québec trouvera un peu de répit, mais à ce projet, le Bloc de M. Duceppe ne consacre à peu près pas d’énergie.  CQFD donc ?

En 2008, j’étais demeuré quand même ouvert à l’idée que proposait le Bloc et qui consistait à s’acoquiner avec Stéphane Dion afin de faire tomber Harper, en donnant ainsi naissance à une coalition gouvernementale contre-nature.  Je me disais que cela parviendrait peut-être à faire tellement rager le Canada anglais qu’une intense crise politique émergerait et que le mouvement indépendantiste en retirerait des bénéfices. 

Ceci étant dit, je précise qu’une fois ne doit pas devenir coutume. Je ne suis certainement pas d’accord à ce que cette histoire de coalition devienne la nouvelle religion électorale qui anime le Bloc Québécois, et une partie du mouvement souverainiste par le fait même.  Cette année, il n’y a aucune raison pour que Gilles Duceppe parle de ce projet de coalition qu’il est le seul à envisager.  Ça commence à être pas mal gênant de le voir aller, c’est le moins que l’on puisse dire.  Et un Bloc qui nous fait honte, je ne vois pas en quoi « c’est bon pour le Québec » !

Gilles Duceppe m’a aussi fait rager lorsqu’il a fait preuve d’une grande veulerie en refusant de se prononcer pour les cégeps en français obligatoires.  En se défilant, il nous a pris pour des cons;  il a affirmé sans gêne aucune qu’il ne prenait pas position par rapport à des sujets qui concernent les compétences de l’Assemblée nationale.  Foutaises !  Il passe son temps à le faire…enfin quand il ne parle pas de coalition avec les libéraux fédéraux, ces grands ennemis du Québec.  Si M. Duceppe n’a pas même les couilles de se prononcer sur le sort du projet défendu avec acharnement et courage par Pierre Curzi et concernant les cégeps en français, et ce, dans un contexte où tous se rendent bien compte que le français fout le camp, on se demande vraiment à quoi peut bien servir le Bloc.  À nous parler du blé d’Inde de l’ouest peut-être…

Mais en même temps, je me dis qu’un net recul du Bloc aurait des conséquences pour le mouvement indépendantiste.  Les oiseaux de malheur crieraient à en perdre la tête que le séparatisme est mort, qu’il est temps de tourner la page, que l’on peut enfin tous s’entendre comme larrons en foire et bla bla bla.  On connaît la chanson…  A-t-on besoin de cela, dans les circonstances actuelles ?  Pas vraiment.

Alors voilà où j’en suis.  Je ne suis pas vraiment décidé par rapport à ce que je ferai au moment d’aller voter au fédéral.  Si, à l’instar de ce qui se passe à Québec, il y avait un autre parti souverainiste à Ottawa que le Bloc, ma décision ne serait pas difficile à prendre.   Mais tel n’est pas le cas.  Alors que faire ?  Annuler mon vote ou voter pour le Bloc à M. Duceppe en me bouchant le nez ?

Je vous propose donc un petit jeu :  commentez ce texte et convainquez-moi de voter – ou pas – pour le Bloc. Avec votre aide, je finirai peut-être par y voir plus clair…

 

Posted in chroniques politique québécoise, Journal Le Québécois.