Lettre ouverte à Denis Monière et Jocelyn Beaudoin
Dans le contexte du projet de fusion entre Option nationale et Québec solidaire, des voix dissidentes appellent à la refondation du parti. La présente lettre veut alimenter la réflexion sur le rôle essentiel que peut jouer Option nationale à certaines conditions.
D’un point de vue pratique, l’élection d’un gouvernement majoritaire d’Option nationale qui déclarerait l’indépendance n’offre aucune chance de réussite. Un indépendantisme qui se fonde sur la pédagogie est voué à l’échec. La modification du statut constitutionnel du Québec n’est pas une affaire de démonstration mais de lutte politique. Une lutte dont le succès est impensable sans la mobilisation massive des Québécois francophones et peut-être des Canadiens francophones, soit tous « les descendants des vaincus », une expression que l’on peut qualifier de « constitutionnalisée » tant elle a été employée par George Brown.
L’histoire récente nous donne un bel exemple de la façon dont peut s’enclencher une telle dynamique de mobilisation. En 1989, après des années de négociations, le Canada anglais renia encore une fois sa parole, une nouvelle volte face qui sonna la mort de l’accord du lac Meech. Cet événement entraîna la plus puissante vague autonomiste-indépendantiste de tous les temps. C’est le parti libéral de Robert Bourassa qui était aux commandes de cette mobilisation sans précédent. Jacques Parizeau lui prêta tout de suite allégeance, « Mon premier ministre », dans l’espoir que Bourassa poursuive le combat. Naturellement Robert Bourassa, à l’instar des chefs péquistes placés devant des situations comparables, ne fit rien de concret pour assurer la montée en puissance de ce formidable mouvement et le faire aboutir.
Dans cette idée de refondation, propice à la révision de ses options, Option nationale devrait tirer les leçons de cet événement pour revoir complètement sa stratégie. La mobilisation politique en faveur de nos droits et libertés ne peut réussir que dans la foulée d’une dynamique de revendications à l’endroit du Canada sur un sujet d’intérêt national, une dynamique qui concourt à l’unité au-delà des partis, comme ce fut le cas dès l’annonce de l’échec de l’accord du Lac Meech.
Dans cet esprit, il faut considérer les prochaines élections de 2018 non comme une occasion de reprendre le bâton du pèlerin de la pédagogie ou de témoigner de la persistance de l’idée d’indépendance, mais comme une occasion d’amorcer un nouveau cycle de revendications. Pour ceux qui mettent au premier plan la montée en puissance des revendications nationales et non l’élection d’un parti provincial, le seul choix qui s’offre à ces patriotes est de donner leur vote au parti qui regroupe la vaste majorité des nôtres.
Après des décennies de petites défaites et de reculs, les Québécois doivent se redonner confiance. Ils veulent s’assurer que nous pouvons encore « faire nation ». Il y a une certaine urgence à se présenter au Canada et au monde comme un bloc et de retrouver intérieurement la certitude que nous pouvons encore agir collectivement au plan national. C’est le premier pas pour maîtriser notre destin.
Vu sous cet angle, les objections quant au programme de la Coalition avenir Québec (CAQ) sont secondaires. Son autonomisme et sa capacité de mobilisation suffisent pour justifier un appui tactique. Les contradictions nationales, faut-il le rappeler, n’existent pas du fait de leurs formulations dans un programme politique en particulier, mais du fait de l’existence même du Canada. Et ces contradictions sont appelées à occuper à tout moment le devant de la scène. Les inégalités statutaires entre deux nations seront encore l’occasion de nouveaux contentieux qui prendront éventuellement des formes « crisiques ». Comme le Parti québécois a renoncé officiellement au combat national et qu’il est fortement discrédité sur ce terrain après avoir laissé passé toutes ses chances, le choix de la CAQ est celui qui offre présentement les meilleures possibilités d’enclencher une nouvelle dynamique par le remplacement des libéraux et la fin du Parti québécois – un autre parti autonomiste d’ailleurs – comme parti identifié à l’avancement de nos intérêts nationaux. En plus, la CAQ jouit de l’avantage de ne pas être associée à cinquante ans d’échecs.
L’élection massive d’un gouvernement de la CAQ offre la meilleure possibilité de relancer à court terme la lutte nationale et en particulier, potentiellement plus prometteur, le contentieux constitutionnel avec le Canada. Il s’agit là d’un combat qui n’a jamais été mené sur les bases du Common Law, approche qui pouvait le mieux avantager le Québec.
Le rôle d’Option nationale ? Faire ce que le RIN n’a pas fait mais aurait dû faire après la création du Parti québécois : se convertir en mouvement politique de masse pour éclairer les enjeux et éventuellement forcer le jeu. Comme encourager le prochain gouvernement à recourir à la clause dérogatoire pour bien marquer son affirmation nationale. Pierre Bourgault dira dans son livre Moi je m’en souviens que la dissolution du RIN avait été la plus grave erreur politique de sa vie. Il voyait le tort qu’avait causé la disparition d’un noyau d’indépendantistes organisés; ils finirent marginalisés dans un parti politique autonomiste. Pour Option nationale, la refondation consisterait à sortir de la marginalité à laquelle l’orientation actuelle le condamne pour s’inscrire immédiatement dans le jeu de la politique qui compte.