Un trou dans la frégate

Le 21 novembre 2011, La Presse canadienne nous annonçait que le gouvernement du Canada avait décidé de maintenir une frégate dans la Méditerranée pour participer à une «opération antiterroriste de l’OTAN». Tiens, tiens, après le massacre des Libyens et la destruction d’une bonne partie de leur pays, sous les ordres du lieutenant-général Bouchard, le gouvernement aurait décidé de se convertir aux bonnes œuvres.

fregate
La frégate NCSM Vancouver. NCMS signifie «navire canadien de Sa Majesté».

Mais, dites-moi, vous avez entendu parler de terroristes qui sévissent en Méditerranée, ces jours-ci? Pendant les massacres, des Libyens, en particulier de race noire, ont dû prendre la mer à la nage ou dans des embarcations de fortune, pour essayer d’échapper aux tueurs du Conseil national de transition. Certains sont morts parce que les navires de l’OTAN ont refusé de les aider. Mais de terroristes en mer il n’a jamais été question.

Dans leur sagesse infinie, nos dirigeants doivent savoir des choses que nous ne serions pas capables de comprendre. Le monde est très dangereux. Pour votre sécurité, fiez-vous à Peter MacKay et à la doctrine des frappes préventives. Tuons tout le monde avant qu’ils nous tuent.

Et tant qu’à tuer… euh, pardon, tant qu’à protéger des civils, aussi bien bombarder là où il y a du pétrole et d’autres ressources pour renflouer nos États en faillite. Après la Côte d’Ivoire et la Libye, sur fond de mise en scène de printemps arabe, le prochain objectif des «protecteurs unifiés» est la Syrie. Les cris d’indignation des humanitaires à gages devant la prétendue répression dans ce pays reposent sur des mensonges, mais ces cris ne mentent pas quant aux intentions réelles de l’OTAN.

Sans avoir mis les pieds en Syrie, la Commission des droits de l’homme de l’ONU, Human Rights Watch et Amnesty International empilent les faux rapports reposant, par exemple, sur des entrevues au téléphone avec des témoins fantômes. Ces mensonges servent à fabriquer le récit fictif justificateur de ce qui suivra. Le scénario est le même qu’en Libye. Kadhafi ne massacrait pas sa population, pas du tout, mais il n’obéissait pas aux maitres du monde, donc il fallait le remplacer.

Pour la même raison, il faudra remplacer Bachar el-Assad, un très mauvais client de Wall Street, qui est susceptible de ne pas vouloir remettre gratis tout le pétrole de son pays à Total, BP et Exxon Mobil, même si on lui en fait l’injonction. Le point de vue véritable du peuple syrien, qui a manifesté en grand nombre son appui à Bachar el-Assad, à plusieurs reprises et dans plusieurs villes, comme Damas, Alep, Lattaquié et Tartous, ne doit pas être pris en compte.

Et surtout, il faut que Radio-Canada et les autres médias menteurs occultent cet appui et mettent plutôt l’accent sur des manifestations de quelques centaines de personnes, peut-être deux-mille ou trois-mille, dans des rues étroites. Ces manifestations sont présentées faussement comme si les manifestants étaient plus d’un million. Ce n’est pas pour rien que Birgul Ayman Guler, vice-présidente du principal parti de l’opposition en Turquie, est revenue d’un voyage de quatre jours en Syrie, avec 37 autres femmes, en disant que les médias occidentaux mentent à propos de la Syrie. Ça s’est passé à la fin d’octobre. Vous en avez entendu parler à Radio-Canada?

http://www.youtube.com/watch?v=av1HHsQT24I

Manifestation pro-Assad en octobre 2011. Les manifestants sont clairement des centaines de milliers. Les Syriens sont en colère contre les médias étrangers parce que ceux-ci étouffent leurs voix pour empêcher les contribuables occidentaux qui paient les bombes de l’OTAN de savoir la vérité.

Sauf que la Syrie n’est pas la Libye. Ce sera un adversaire d’autant plus coriace pour l’OTAN et ses alliés monarchiques du golfe Persique que, derrière la Syrie, se profilent la Russie, l’Iran, puis le Pakistan et la Chine. Après avoir dénoncé la folie meurtrière de l’OTAN en Libye, ces pays ne reculeront plus. Si certains en doutaient encore, malgré le double véto russe et chinois au Conseil de sécurité, les bruits de botte des derniers jours ont dissipé tous ces doutes.

Pendant qu’en Turquie, les Français entrainent des insurgés, ou plutôt des terroristes, et que l’armada de l’OTAN, rassemblée près des eaux territoriales de la Syrie, se prépare à lancer ses missiles et ses avions assassins pour répondre aux appels relayés par l’Agence France Presse, les Russes envoient des navires de guerre faire des «exercices prévus depuis un an» en Méditerranée, y compris le porte-avion Admiral Kuznetsov, une machine de guerre autrement plus redoutable que les aéroports flottants des États-Unis.

Les Russes ont une base navale à Tartous, en Syrie, où ils gardent du personnel en permanence et où ils peuvent ravitailler leurs navires et en faire la maintenance à loisir. La présence russe en mer et sur terre compliquera beaucoup le travail de l’OTAN. Pire encore, les Russes viennent de livrer 72 missiles de croisière à la Syrie, et ce qui nous est révélé n’est sans doute que la pointe de l’iceberg. Le missile Yakhont est un missile supersonique antinavire capable de déjouer les tirs ennemis et le brouillage électronique pour atteindre sa cible.

http://www.youtube.com/watch?v=won0A9ooTts

Quel serait l’effet du missile Yakhont sur la frégate canadienne?

Manifestement, les Syriens comptent vendre leur peau chèrement et sont appuyés par des alliés puissants. Qu’à cela ne tienne, le gouvernement pétrolier du Canada est prêt à risquer la vie des militaires canadiens, y compris bon nombre de Québécois. Voilà pourquoi les conservateurs ont rendu un hommage inusité le 24 novembre aux militaires canadiens revenus de Libye. Il s’agit d’encourager les troupes, car le pire est encore à venir.

Si, pour se défendre, le brave peuple syrien assiégé fait un trou dans la frégate canadienne avec un missile, je tiendrai Stephen Harper et Peter McKay criminellement responsables de la mort des soldats qui périront éventuellement ainsi que des blessures qui seront causées à d’autres soldats. Ni le Québec, ni le Canada ne sont attaqués par la Syrie. Le peuple souverain de la Syrie n’a besoin ni de nos admonestations de moralisateurs, ni de nos bombes pour se gouverner. Les forces armées des pays démocratiques sont destinées à défendre les peuples de ces pays, et non à semer la mort, comme l’OTAN le fait.

Dans une entreprise très risquée qui pourrait déclencher la Troisième Guerre mondiale, Obama, Sarkozy, Cameron et Harper veulent attaquer la Syrie pour des raisons immorales de renflouage du grand capital sauvage, qui croit avoir le droit divin de régenter le monde et de sacrifier des vies comme bon lui semble sur l’autel de ses profits.

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Ceux qui veulent entendre la voix très éloquente du peuple syrien nous parler (en anglais, cependant) de la désinformation de nos médias, complices du terrorisme dans leur pays, peuvent regarder ce qui suit.

http://youtu.be/VLrgeaBhod4

http://youtu.be/6nzw4lIlTZM

Posted in chroniques politique étrangère, Journal Le Québécois.