Les provinciaux

En prenant connaissance du projet de loi fanatique C-288, qui prévoit que quiconque empêche une personne de déployer le drapeau du Canada est passible d’une peine maximale de deux années d’emprisonnement, je me disais dernièrement que les fédéralistes inconditionnels doivent au fond être heureux que Jean Charest soit l’obsession de Pauline Marois. De cette façon, les Québécois ont les yeux rivés sur le mauvais téléroman de la corruption libérale et oublient le système parfaitement légal qui les asservit. Le projet indépendantiste est ainsi relégué loin derrière la nécessité de «faire le ménage» dans les «affaires de la bourgade», comme le dirait le directeur de L’Action nationale, Robert Laplante.

Les partis souverainistes devraient suivre plus attentivement ce qui se passe à Ottawa pour trois raisons: 1) ils y trouveraient régulièrement de nouveaux arguments pour l’indépendance du Québec; 2) ils se familiariseraient avec les champs de compétence fédéraux, dont ils devront s’occuper après l’indépendance;  3) les partis souverainistes qui envisagent de gouverner une province pendant plusieurs années, plutôt qu’un pays, éviteraient d’être pris au dépourvu devant les mauvaises surprises que leur prépare Ottawa. Voyons à ce sujet ce qui se passe au Parlement fédéral ces jours-ci.

Défendre le projet d’indépendance plutôt que les intérêts d’un peuple dépendant

Lorsque, dans les législatures passées, le Parlement du Canada étudiait les moutures antérieures du projet de Loi sur la représentation équitable (C-20), en vue de modifier les règles de révision du nombre de députés et de la représentation des provinces à la Chambre des communes, le Bloc Québécois s’y opposait farouchement. Et, chaque fois, je trouvais que le Bloc, alors fort d’une cinquantaine de députés, ratait une bonne occasion de faire de la pédagogie. Le Québec est minoritaire et isolé aux Communes de toute façon. Qu’il ait 24 % des sièges (75 sur 308) ou qu’il en ait 23 % (78 sur 338), il reste impuissant devant la nation anglo-canadienne, qui lui impose ses volontés. À quoi bon vouloir freiner l’érosion du poids du Québec dans un système politique qui fait déjà de lui un pion?

Surtout qu’en fait, la position du Bloc est antidémocratique. Comment refuser à l’Ontario, l’Alberta et la Colombie-Britannique un nombre de députés proportionnel à la population de ces provinces? Le Bloc et les autres partis souverainistes devraient plutôt saisir l’occasion pour expliquer à la population qu’il n’y a d’autre avenir pour la nation québécoise, dans la fédération canadienne, que la minorisation et la dépossession graduelles. Le concept de statuquo n’est qu’un mythe fédéraliste. Aujourd’hui, l’adoption du projet de loi C-20 est inéluctable, et je n’entends personne, ni à Québec, ni à Ottawa, nous rappeler que nous avons un choix simple: ou bien nous optons pour l’indépendance, ou bien nous poursuivons notre cheminement vers l’insignifiance et l’impuissance.

Larguer des bombes ou promouvoir la paix?

Ottawa militarise le Canada de plus en plus. L’argent des contribuables québécois sert à massacrer des peuples qui ne nous ont rien fait, dans des guerres impériales qui sont présentées hypocritement comme des opérations de défense de la démocratie ou des droits de la personne, mais dont l’objectif est clairement d’ordre économique. Le grand capital occidental, en particulier le complexe militaro-industriel et les requins de la finance, pousse ses marionnettes Harper, Obama, Cameron et Sarkozy à utiliser l’argent des contribuables pour s’approprier des ressources qui gonfleront ses profits et serviront d’argument du désespoir contre les puissances émergentes, en particulier la Chine.

Sans les dépenses militaires, les dettes des États occidentaux seraient beaucoup moindres, et le contribuable ordinaire s’en trouverait nettement mieux servi. Pourtant, on remarque une absence totale de sens critique et de vision de la part de beaucoup de chefs de file souverainistes dans le dossier des relations internationales et de la défense.

Si le Québec était indépendant, suivrait-il aveuglément les consignes diffusées par les organes de l’ONU, les ONG et les médias pilotés depuis Wall Street? Enverrait-il sa jeunesse crever en Afghanistan? Financerait-il des terroristes en Côte d’Ivoire? Bombarderait-il des civils sous prétexte de les «protéger» en Serbie ou en Libye? Pour l’instant, tout me porte à croire que Pauline Marois et Jean-François Fortin, par exemple, ne comprennent strictement rien aux enjeux internationaux et que l’incompréhension est tout aussi abyssale dans leur entourage.

Au moment de l’accession du Québec à l’indépendance, il faudra prendre une série de décisions d’une importance cruciale. Par exemple, le Québec servira-t-il de pompe à pétrole pour la machine de guerre étasunienne, conformément à l’ALENA? Se joindra-t-il à l’OTAN, avec les énormes dépenses et couts humains qui découlent d’une telle adhésion? Si la question parait simple pour la moyenne des ours désinformés, elle ne l’est pas du tout lorsqu’on sait qu’en réalité, l’OTAN est une organisation terroriste.

Se dissocier des entreprises guerrières et promouvoir la paix est une politique qui peut être viable, même lorsqu’on se trouve aux portes des États-Unis, mais il faut être conscient des risques, des alliances et des stratégies qu’elle suppose. Je ne crois pas que les petits adorateurs du Kosovo et pourfendeurs de Kadhafi au PQ et au BQ aient la moindre idée de ce qui les attend, et cette inconscience représente un grand danger.

Soit dit en passant, les néophytes du NPD qui représentent le Québec à Ottawa n’ont pas plus de jugement que péquistes et bloquistes. Par exemple, dans le dossier de l’attribution des contrats de construction des navires de guerre, non seulement ils ont les mains liées et ne peuvent pas défendre le Québec, sous peine de se mettre à dos le Canada anglais, mais, à l’instar de la députation bloquiste, ils n’ont même pas posé les questions fondamentales qui auraient dû être adressées au gouvernement, au sujet de ces contrats: pourquoi faut-il que les retombées économiques passent par des dépenses militaires? Les navires de guerre serviront-ils vraiment à défendre le territoire canadien ou seront-ils dépêchés un peu partout dans le monde, comme les F-18, pour dompter les mauvais clients de Wall Street?

L’élection des sénateurs

Les politiciens québécois qui ont comme projet de faire la gouvernance souverainiste d’une province pourraient avoir l’air fous lorsqu’ils devront prendre acte de la Loi sur la réforme du Sénat (projet de loi C-7), qui prévoit l’élection des sénateurs à condition que le gouvernement provincial choisisse de tenir les élections aux frais des contribuables. Donc, ou bien nous continuons de laisser le premier ministre du Canada choisir des insignifiants comme Josée Verner, Roméo Dallaire et Larry Smith pour représenter le Québec au Sénat ou bien nous élisons nous-mêmes les sénateurs à nos frais et nous consentons par la même occasion à participer à notre asservissement.

J’ai bien hâte de voir ce que le Parti Québécois fera si jamais il prend le pouvoir sans que Jean Charest ait eu le temps d’adopter une loi provinciale sur l’élection des sénateurs. Fera-t-il lui-même de l’État québécois une sorte d’acteur subsidiaire des institutions fédérales, auxquelles le Québec a été intégré de force en 1867 et 1982? Participera-t-il à l’entreprise de fausse démocratisation conservatrice de ces institutions pour détourner encore une partie de nos ressources vers la construction d’une autre nation et la dilution de la nôtre? Refusera-t-il de jouer le jeu d’Ottawa, auquel cas il aura le mauvais rôle de s’opposer à la démocratie et de laisser le tout-puissant premier ministre du Canada nommer d’autres serviteurs grassement rémunérés du système qui nous conduit à notre perte?

Le projet de loi C-7 est un piège pour le Québec, mais, comme nos politiciens souverainistes ont l’attitude très provinciale par les temps qui courent, je serais plutôt étonné qu’ils s’en soient déjà aperçus.

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