Les absents qui savent tout quand même

De tous ces trous-de-cul, on a notre maudit tabarnaque, de cinciboires de cincrèmes, de jériboires d’hosties toastées, de sacraments d’étoles, de crucifix de calvaires, de couleuré d’ardent voyage.
— Gérald Godin

Le 29 avril 2018, l’escouade de désinformation du régime fédéral s’est amenée à Drummondville avec ses caméras et ses micros, dans l’espoir d’assister en direct à la mise à mort d’une grande cheffe par ses troupes. Quelle ne fut pas la déception des vautours de ne rien avoir à déchiqueter du bec au terme de cette séance du Conseil général du Bloc Québécois! Pourtant, on leur avait annoncé que le drame était inéluctable. 

Le saboteur en chef s’est présenté tout sourire sur l’estrade, le matin, avec l’assurance de l’organisateur paroissial qui a compté soigneusement ses appuis, après avoir passé des semaines au téléphone à commérer, calomnier, comploter. La tension était à son comble parmi les militants. Devant la trahison qui prenait lentement forme sous leurs yeux, certains ne pouvaient contenir leur frustration, voire leur colère. Rien que pour finir par nommer un président d’assemblée et s’entendre sur un ordre du jour, il a fallu plus d’une heure de propositions, d’amendements et de sous-amendements.

Puis est arrivée Martine Ouellet. Ce fut la minute de vérité, le tournant décisif. Un moment que seul un être humain exceptionnel est capable de provoquer. Celle que l’on voyait déjà reniée a su, au contraire, faire résonner brillamment la voix de la liberté et rassembler tout le monde. L’indépendance n’est pas une idée qu’il faut cacher pour gagner des élections, au contraire, nous dit-elle avec une énergie contagieuse. Il faut la porter fièrement et intelligemment parce qu’elle rassemble beaucoup plus de Québécois que les tristes bannières de l’attentisme, de la résignation et de la gestion provinciale. Le Bloc Québécois a un rôle crucial à jouer pour préparer l’indépendance puisque les nouveaux pouvoirs que nous aspirons à exercer, comme nation souveraine, ne se trouvent pas à Québec, mais à Ottawa.

L’ovation a duré plus d’une minute. Les troupes de choc des médias de la servitude ont été privées de la nouvelle sanglante dont elles espéraient faire leurs choux gras. Tout le monde venait d’assister à une éclatante victoire de Martine Ouellet acquise par son brio et sa sincérité. Quelle déception pour les mangeurs de séparatistes! Il fallait vite avoir recours à une manoeuvre de diversion, et les directeurs de l’information qui manipulent le public jour et nuit ne manquent pas d’imagination à cet égard. C’est ainsi qu’ils ont décidé de miser sur ce que personne ne verrait, à part les délégués des circonscriptions au Conseil général, soit le huis clos. Il fallait le présenter comme une joute serrée, même si en fait, ce fut tout simplement la lente agonie du saboteur, de plus en plus isolé et en perte d’influence accélérée.

Les propositions du saboteur furent battues les unes après les autres. Dans deux cas, les votes ont été comptés, mais dans les autres cas, le président d’assemblée n’eut même pas à demander qu’on le fasse tellement la défaite était claire pour le camp des putschistes. Et pour ajouter l’insulte à l’injure, certains proposèrent d’ajouter une question, dans le référendum du 1er juin, pour que les membres puissent désavouer le saboteur. Cette proposition a été battue, mais le seul fait de la présenter a suffi pour qu’après le huis clos, le principal intéressé ne veuille pas rester au Conseil général et décide de s’enfuir la queue entre les jambes, même si la cheffe, magnanime, lui tendait fraternellement la main.

Les journalistes ont assisté au discours de Martine Ouellet mais pas au huis clos. Quant aux chroniqueurs dont l’opinion est censée être éclairante pour le public, ce dont il y a toutefois lieu de douter sérieusement, ils n’étaient même pas à Drummondville, sauf Caroline Saint-Hilaire, une cryptofédéraliste notoire qui ne rate jamais une occasion de dénigrer le projet indépendantiste à la télé. La conscience professionnelle la plus élémentaire aurait voulu que les journalistes parlent du discours et de la réaction enthousiaste de la salle, plutôt que de conjecturer sur ce qu’ils n’avaient pas vu. Même chose pour les chroniqueurs, qui se fient aux journalistes pour leur donner l’heure juste. Mais qu’à cela ne tienne! Faisons fi du professionnalisme et servons bien docilement nos maitres, se sont dit tous ces salariés. Dans la réalité virtuelle privilégiée par les médias, les absents savent tout quand même.

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Gilles Duceppe et ses coquerelles de parlement ont su profiter des tribunes qui leur ont été généreusement offertes dès la cuisante défaite de leur porte-parole au Conseil général du Bloc Québécois. Les nombreux militants favorables à Martine Ouellet n’auraient jamais droit à une pareille abondance de micros. Au Canada, la liberté d’expression est subordonnée aux désirs de l’oligarchie, dont les valets sélectionnent tendancieusement les citoyens ayant le droit d’être entendus. 

Dans la plus pure tradition de l’époque Duceppe, qui dirigeait le Bloc «avec une main de fer sans gant de velours», comme l’a rappelé Martine Ouellet, les ex-bloquistes, parangons de démocratie à géométrie variable, ont immédiatement annoncé qu’ils refusaient la décision de la majorité des délégués. Ils n’attendront pas le résultat du référendum du mois de juin, parmi l’ensemble des membres du Bloc, pour fonder leur propre parti. Ils se cherchent déjà un nom, une orientation et un chef, mais pour les relations publiques, ils n’auront pas à se faire de souci. Ils pourront compter sur une équipe déjà bien installée dans les salles de presse et prête à propager leurs idées de génie, dont la première serait bien évidemment la démission.

D’ailleurs, le nom qui leur siérait le mieux serait celui du Parti de la démission. Leur orientation, au sujet de laquelle ils ont déjà commencé à s’entredéchirer, devrait être l’apologie de la désertion, de la peur et du rétropédalage. Quant au chef, ils devraient naturellement s’en remettre à leur maitre à penser Duceppe, qui, lors de la campagne électorale de 2019, viendrait sermonner Martine Ouellet du haut de ses soixante-douze ans. De toute façon, quel que soit le chef de la Démission, il devra obéir à Duceppe et ne pas dire un mot du projet indépendantiste.

Ne pas parler d’indépendance est la condition sine qua non imposée par les médias pour offrir leurs tribunes aux politiciens québécois. L’un des députés démissionnaires, habitué de très longue date des points de presse d’Ottawa, me l’a dit clairement au téléphone, au début de mars. Lui a décidé qu’il fallait obéir à ce dictat au lieu de le dénoncer comme profondément antidémocratique. Mais alors, sommes-nous vraiment libres comme on essaie de nous le faire croire? Qui détermine la teneur des débats sur la scène politique? Les citoyens ou les médias de l’oligarchie?

Dans La Presse, le 28 mars dernier, Lysianne Gagnon écrivait ceci: 

Durant les trois derniers mois, le Bloc a été mentionné 16 173 fois dans les médias francophones québécois! On n’a jamais autant parlé du Bloc […] Qu’est-ce qui motive cet intérêt obsessionel, que ne justifie aucunement cette querelle interne […] et ce triste spectacle d’une poignée de députés affolés à la perspective de perdre leur siège aux prochaines élections? Comment se fait-il que dans un Québec où la souveraineté reste une sorte de beau rêve pour bien des gens, on en soit venu à traiter de folle la dernière résistante qui porte encore haut les couleurs de la souveraineté? Étrange paradoxe, que la psychiatrie sociale devrait creuser. 

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Ce dont il devrait être question, si la démocratie existait réellement et si les médias jouaient leur rôle de courroie de transmission de l’information pour éclairer les débats de société, c’est de la proposition principale du Bloc Québécois, Pour faire du Québec une république, qui a été préparée par Gilbert Paquette, Denis Monière et André Binette, de concert avec Martine Ouellet, et qui a été présentée le 29 avril 2018 à Drummondville. Comme l’a souligné Gilbert Paquette, il s’agit d’un programme novateur parce que «c’est la première fois qu’une proposition principale permet d’expliquer comment on va intégrer les pouvoirs fédéraux dans la future République du Québec et d’ainsi orienter les actions actuelles du Bloc pour la défense des intérêts du Québec en fonction de ces nouveaux pouvoirs».

La situation est donc très claire. Je le dis pour ceux qui, sous l’influence des médias malhonnêtes, n’auraient pas encore compris ce qui se passe et penseraient encore que la personnalité de Martine Ouellet a quelque chose à voir avec la crise. Cette histoire de personnalité est un écran de fumée destiné à masquer le véritable enjeu: Martine Ouellet sème la panique à Ottawa ainsi que parmi les cryptofédéralistes provinciaux et fédéraux, qui ne font qu’invoquer la souveraineté pour duper le peuple et se faire élire. Ces gens sont affolés. Pourquoi? Tout simplement parce Martine Ouellet et les troupes bloquistes sont sincères, convaincantes et déterminées lorsqu’elles parlent de liberté aux Québécois.

Il n’y a jamais eu de contradiction entre la défense des intérêts du Québec et le projet de faire du Québec une république. On peut très bien exiger un traitement équitable pour le Québec tout en expliquant aux contribuables que, si le Québec était indépendant, nous n’aurions pas à réclamer notre propre argent au gouvernement de l’autre nation, qui vient puiser chaque année 50 milliards dans nos poches. Le chantier de la Davie, le meilleur en Amérique du Nord, aurait autant de contrats que ceux d’Halifax et de Vancouver. 

Ceux qui invoquent une prétendue contradiction entre la défense des intérêts et l’indépendance sont de mauvaise foi. Tout comme Gilles Duceppe était de mauvaise foi lorsqu’il a ordonné à ses députés de cesser d’acheter de la publicité dans le journal indépendantiste Le Québécois. Tout comme, en 2009, il était très malhonnête lorsqu’il s’est attribué le mérite d’avoir fait annuler la reconstitution festive de la bataille des plaines d’Abraham alors qu’en réalité, ce mérite revenait à Pierre Falardeau et à l’équipe du Québécois. Tout comme le jupon de Gilles Duceppe a largement dépassé lorsqu’il a appuyé l’ancien ministre libéral Denis Coderre contre la future mairesse Valérie Plante.

Si les absents qui savent tout quand même ne cessent de nous inonder de leur propagande dans les médias, c’est qu’ils sont payés pour ce faire. Leur gagne-pain dépend de leur obéissance et leur fourberie. Dans la République du Québec, il faudra que le peuple se réapproprie le droit à une information équilibrée et complète qui ne sert pas à laver les cerveaux au profit de gens très riches. La démocratie ne peut exister sans que le droit à l’information et la liberté d’expression soient respectés.

 

Posted in à la une, chroniques politique québécoise, Journal Le Québécois.

10 commentaires

  1. La censure a toujours été le moyen préféré des gros media pour contrer la résistance aux collaborateurs …

  2. Merci M. Desgagné de nous donner enfin un son de cloche concernant cette rencontre dont les media dominants n’ont pas été foutus de rendre compte de façon la moindrement décente. Le lendemain, j’ai été étonné du silence relatif qui avait entouré cet événement. J’en ai tout de suite déduit que Martine s’en était bien sorti car depuis un bon moment, je sais qu’il faut interpréter à contrario ce qui est propagé par les mediamensonges. « Ne croyez en rien tant et aussi longtemps que ce n’est pas officiellement démenti », (C. Cockburn). Cette lamentable saga ne fait que confirmer ce pénible constat: L’adversaire le plus redoutable s’est toujours trouvé dans nos propres rangs. La division, ta traîtrise, le collaborationnisme, l’opportuniste, la duplicité, voilà « notre » grand ennemi. Et merci aussi pour cet extrait de lecture du grand Godin est de son mémorable poème qui est d’une actualité toujours aussi brûlante.
    j.aubé

    • « L’adversaire le plus redoutable s’est toujours trouvé dans nos propres rangs. La division, ta traîtrise, le collaborationnisme, l’opportuniste, la duplicité, voilà “notre” grand ennemi. »
      Tout à fait juste

  3. Merci!
    Mes espoirs souverainistes voient un peu mieux le soleil ce matin.
    Moi qui est né « british subject » et veux mourir citoyen québécois.

    Bravo à Martine et à ceux qui l’ont appuyée!

  4. Excellente analyse de ce qui s’est réellement passé à Drummondville et quelle belle manière de le dire. Merci!

  5. Tellement, que Martine a une poursuite d’entamée contre la radio-canette remplie de fédérastes à presque 100%. Cette action courageuse qu’elle mène avec l’avocat Guy Bertrand un fidèle indépendantiste, nous démontre qu’elle n’a pas peur des précédents. Ce qui augure qu’elle devienne enfin la vraie leader dont on souffre l’absence depuis déjà une couple de décennies.

  6. Dire qu,en 1995 nous étions à moins de 1% de réussir une majorité et que 23 ans plus tard ,on soit encore sous ce contrôle Fédéral!! Incroyable!!

    • Il faut aussi admettre que le temps n’a rien arrangé, on est passé à un ti-poil….et jamais plus le timing ne se représentera. Nous sommes devenus trop hargneux, trop individualistes, trop désabusés.
      Trop moutons, trop riches ou trop pauvres.

  7. L’énergie et la volonté de la salle pour l’indépendance c’est ce qu’il nous faut encourager mais dans la bonne direction. Tant que les membres du Bloc ne brise pas ces liens avec le PQ leur victoire est une victoire à la Victoire à la Pyrrhus. Le véhicule de l’indépendance est QS comme l’on compris les membres d’ON. L’indépendance n’est pas une coquille vide elle doit s’appuyer sur les contenues riche des luttes des masses laborieuses, elles sont la force par ou passe le changement.

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