Lendemain de veille

Je m’en confesse. J’ai passé de très beaux moments hier soir. À écouter les élections américaines, bien sûr. Pas que j’aime le triste sire de droite extrême qu’est Donald Trump. Mais bien parce que sa victoire ébranle les bien-pensants, ces z’élites déconnectées de la réalité du petit monde qui n’ont de cesse de nous chanter les vertus de la modération dite centriste pour mieux nous faire avaler les couleuvres que sont la mondialisation débridée, l’immigration qui l’est tout autant, et le serrage de ceinture pour les gagne-petits alors que les grosses poches se les remplissent toujours davantage. À nos dépens bien sûr.

Hier soir, ce sont les journaux, les politiciens de Wall Street qui rentrent en politique avec un portefeuille modeste pour mieux en ressortir le coffre de banque rempli de millions$ et les pseudo intellectuels multiculturalistes qui ont mangé une grosse platée de patate en poudre! Et c’était jouissif!

J’ai hier soir écouté les élections en me branchant à LCN. Bon sang que j’ai ri de voir la face de « l’analyste » politique qu’est Luc Lavoie se défaire d’instants en instants. À chaque nouvelle avancée de Trump, le roquet du système, « le planteur de poignards dans le dos qui était jadis au service de Mulroney », perdait de sa verve qu’il n’a jamais eu de toute façon. Car la victoire de Trump, c’est aussi la défaite des petits faiseux qui monopolisent les médias depuis trop longtemps. Pour nous faire croire à des contes de fées suintant l’austérité radicale qui s’écrivent à notre détriment de simples citoyens.

En pleine nuit, la retenue n’y était plus du tout. De son timbre de voix qui sent le vieux tabac, Lavoie demandait à son chum Mario (Dumont) de le rassurer sur ces lendemains qui déchantaient de minute en minute. Et Trump d’être ainsi présenté par ce même Lavoie comme un raciste, un misogyne, un abruti…un Mussolini (car oui, il l’a bien dit)!!! Le plus drôle, c’est que ces mêmes médias devront maintenant ravaler leurs paroles et composer avec ce président-loner-qui-ne-doit-rien-à-personne. Durant quatre ans. Au moins! Quel lendemain de veille pour eux quand même!

Maintenant qu’on a bien ri à contempler la bouille déconfite de Lavoie, il faut quand même prendre acte de tout ça. Parce que nos rires ne pourront pas toujours réconforter nos inquiétudes les plus vives.

Je ne reviendrai pas sur les frasques du pharaon à paillettes qu’est Trump. On a déjà bien suffisamment parlé de sa grossièreté dans les salons de thé, de ses relations tumultueuses avec la gent féminine, de ses mensonges et de sa propension à étiqueter ses adversaires à l’aide d’insultes peu édifiantes. Ça fait vendre des copies de journal tout ça, bien sûr. Mais ça ne l’a aucunement empêché de devenir président de la première puissance mondiale et d’avoir le doigt sur le petit bouton rouge. Ç’a n’a pas dérangé une majorité de gens au cours de la campagne. Et je ne pense pas que ça les dérange davantage ce matin. Alors passons.

Ceci étant dit, est-ce qu’il y a vraiment quelqu’un qui croit que Trump réalisera ses promesses? Toutes ses promesses? Surtout les plus farfelues comme celle concernant le mur devant séparer les États-Unis du Mexique et dont la facture serait refilée par Trump aux Mexicains? Ou qu’il pourra déchirer l’ALÉNA comme bon lui semble? Ou sortir de l’OTAN du jour au lendemain? Bien sûr que non. Maintenant que la campagne électorale est terminée, maintenant qu’il est président, il se fera expliquer deux ou trois trucs par ses conseillers, trucs qui concernent la réalité. Même s’il est un président plus fort que ne l’aura jamais été Obama, et ce, parce que les républicains sont majoritaires au sénat et à la chambre des représentants, Trump devra reculer dans bien des dossiers. Déjà, dans son discours de victoire d’hier soir, on a pu entendre un changement de ton chez lui. Il a dit qu’il sera le président de tous les Américains. De l’eau dans son vin, donc, il a commencé à mettre.

Mais je suis sûr qu’il ne reculera pas dans tout.

Il faut retenir que Trump est un climato-sceptique assumé et indécrottable. Pour étayer ses « analyses », il n’a qu’à dire qu’il fait froid à Los Angeles une journée donnée pour que cela devienne à ses yeux la preuve irréfutable que le réchauffement climatique n’est qu’une vaste farce. Il n’en a que faire des études scientifiques qui prouvent sans équivoque le contraire. Lui il ne veut pas croire au réchauffement climatique et rien ne l’y fera croire. S’il était seul à penser ainsi dans son parti, on pourrait se dire qu’il devra à ce chapitre aussi reculer et respecter les engagements des États-Unis en cette matière. Mais voilà, il est loin d’être le seul, dans le parti républicain, à penser ainsi. Il sera assurément encouragé à aller ici de l’avant.

La victoire de Trump, c’est assurément une très mauvaise nouvelle pour l’Accord de Paris qui vise à contenir le réchauffement de la planète en dessous des deux degrés celsius.

Cet Accord n’est pas vraiment contraignant pour les pays signataires. Il repose sur leur bonne volonté à consentir les efforts nécessaires pour que la planète ne devienne pas, d’ici quelques décennies, un vaste four où la vie ne pourra perdurer comme avant. Les États-Unis émettent environ 25% des gaz à effet de serre par année à l’échelle planétaire. Si les Américains reculent dans ce dossier en refusant de combattre sérieusement leurs émissions, bien d’autres pays pourraient être tentés de les imiter en se disant que leurs efforts seront de toute façon vains puisque le grand pollueur américain refuse, lui, de marcher dans le droit chemin. L’Accord de Paris prendrait dès lors le chemin de Kyoto.

Trump est aussi partisan du pipeline de TransCanada devant conduire le pétrole de l’Alberta aux raffineries du sud des États-Unis. Avec lui, le projet Keystone XL pourrait bien se réaliser. Pour le permettre, il n’aura qu’à dire aux Américains que ce projet créera de la richesse et des emplois (ce qui était pas mal son leitmotiv de campagne) pour mieux leur faire oublier que ces tuyaux pètent plus régulièrement qu’à leur tour, polluant au passage les réserves d’eaux potables.  Or, si l’on veut éviter une véritable catastrophe environnementale, environ 85% du pétrole des sables bitumineux qui se trouve encore dans les réserves albertaines devra rester dans le sol. Or, avec ce projet de pipeline traversant l’Amérique du Nord, le Canada pourrait, comme il le souhaite, doubler sa production de pétrole sale d’ici quelques années. Ce qui signerait à peu près l’arrêt de mort de la planète telle que nous la connaissons à ce jour.

Ce qui me désole et m’inquiète profondément, c’est que je ne vois malheureusement pas comment Trump pourrait être bloqué à ce chapitre.

Comme quoi, si le lendemain de veille des z’élites me fait bien rire, celui du climat me fait beaucoup moins sourire…

Posted in à la une, chroniques politique étrangère, Journal Le Québécois.

2 commentaires

  1. En plus, son election legitimise les actes violents et discriminatoire de tous les rednecks qui ont voté pour lui. J’ai pas non plus l’impression que ça va s’arrêter de si tôt.

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