Le chanteur québécois Corneille lève le voile sur sa tragédie

Le FPR de Paul Kagame a assassiné la famille Nyungura

Premier article d’une série de deux

« La première des valeurs est à mes yeux la vérité, car une grande partie du monde d’aujourd’hui a été construite sur le mensonge. Nous devons rebâtir le monde avec la vérité. » — Cynthia McKinney

J’ai cherché dans toute la presse québécoise et je n’ai rien trouvé. Pourtant, la nouvelle est de grande importance et date déjà de plus de deux semaines. Dans une autobiographie qui parait ces jours-ci, un illustre Québécois, le chanteur Corneille Nyungura, confirme ce dont beaucoup se doutaient depuis longtemps : ce sont des terroristes du Front patriotique rwandais (FPR) qui ont assassiné son père, sa mère, ses deux petits frères et sa petite soeur dans la nuit du 15 au 16 avril 1994, à Kigali. Corneille venait d’avoir 17 ans et a survécu. Puis, de miracle en miracle, il a surmonté son chagrin, est venu chez nous et a charmé un immense public avec sa musique.

Le FPR, organisation politicoterroriste dirigée par Paul Kagame, est depuis toujours présenté par Radio-Canada comme l’armée de valeureux rebelles ayant arrêté le « génocide des Tutsis ». Pourtant, en avril 2006, Raymond Saint-Pierre et Johanne Bonneau avaient enquêté sur ce qu’ils appelaient « le mystère Corneille ». Ils en avaient fait cinq reportages et une introduction qui étaient regroupés à l’époque dans un dossier. On peut encore trouver ces reportages dans le site de Radio-Canada, mais aucun lien ne les unit plus les uns aux autres. L’un des reportages dit bien que, selon des témoins, « ce seraient des membres du FPR, le parti au pouvoir au Rwanda, qui auraient éliminé la famille de Corneille ».

L’analyse radiocanadienne du « mystère Corneille » n’est pas allée très loin et n’a pas eu de retombées, car la vérité sur l’assassinat de la famille Nyungura ne cadre pas avec le beau rôle qu’ont toujours voulu faire jouer au FPR les médias de la fédération canadienne, dans le scénario qu’ils ressassent depuis 1994. L’important, pour les patrons de presse, ce n’est pas l’information en soi, mais le récit qu’on en fait. Les évènements sont tantôt minimisés, tantôt amplifiés, tantôt créés de toutes pièces.

Dans une entrevue accordée au quotidien Le Parisien, à propos de son autobiographie, Là où le soleil disparaît, Corneille précise que ce sont des hommes armés du FPR qui ont tué sa famille.

Pourquoi le silence de Corneille ?

Incapable de gérer ses contradictions, Radio-Canada n’a pas voulu reparler des crimes du FPR dont Corneille a été victime. Mais qu’est-ce qui explique le silence de Corneille lui-même jusqu’à tout récemment ? Pour tenter de répondre à cette question, il faut se rappeler avant tout que le journaliste radiocanadien Léo Kalinda, d’origine rwandaise, est l’oncle paternel de Corneille, qui l’a retrouvé à Montréal après avoir échappé aux tueries. Or, Léo Kalinda a toujours été un fervent apôtre du FPR. Si, si, vous avez bien lu : l’oncle de Corneille est un partisan acharné et un habile propagandiste de l’organisation politicoterroriste qui a tué son frère, sa belle-soeur, ses petits neveux et sa petite nièce.

Attiser les chicanes de famille était certes la dernière chose que le jeune Corneille avait envie de faire après avoir retrouvé son oncle à des milliers de kilomètres du drame. Désireux de prêcher par l’exemple pour que la haine fratricide se dissipe et que les Rwandais se réconcilient, Corneille a préféré taire l’identité des bourreaux qu’il savait de la même allégeance que son oncle. Il s’est plutôt remis à chanter et a bâti la brillante carrière que l’on sait, avec élégance, inspiré par les disparus qu’il a toujours gardés dans son cœur. Un jour, il a rencontré Sofia, et deux enfants sont nés de leur union : un garçon qui va maintenant à l’école et une petite fille qui n’a pas encore un an.

Corneille est entouré au Québec de gens qui l’aiment, ce qui ne serait pas le cas s’il était au Rwanda, un pays gouverné par les assassins de sa famille. Nul besoin de se demander, donc, pourquoi il n’a jamais voulu y retourner et pourquoi il ne changera pas d’idée prochainement. Il n’a pas envie de finir en prison comme un autre chanteur populaire, Kizito Mihigo, qui est encore derrière les barreaux — il a été condamné à 10 ans de prison en 2015 — à cause d’une chanson où il a eu le malheur de dire qu’il fallait pleurer tous les morts, pas seulement ceux d’une ethnie. Au risque de s’attirer les foudres des adulateurs mythomanes de Kagame, Corneille a même décidé qu’il était désormais inutile de continuer de taire l’identité des criminels, puisque 22 ans après les terribles évènements de 1994, il est plus que jamais évident que la réconciliation ne pourra pas avoir lieu au Rwanda tant que le tortionnaire Kagame restera au pouvoir. L’oncle Léo l’admettra-t-il un jour ? Il est permis d’en douter.

À l’instar de son compatriote le désormais infréquentable Bugingo, Léo Kalinda n’a jamais reculé devant aucun mensonge pour promouvoir son maitre Kagame, cultiver la détestation des Hutus et entretenir les mythes les plus sordides. En 2006, la journaliste radiocanadienne Annie Hudon-Friceau signait un article intitulé « Léo Kalinda – Ce n’était pas dimanche pour les femmes à Kigali », à propos du film de propagande réalisé par son collègue Kalinda, Mères courage. Dans cet article, elle résume comme suit le récit que Léo Kalinda fait de son retour au Rwanda, en 1994 :

« Quand Léo et ses collègues arrivent à Cyangugu, la ville frontalière du Congo et du Burundi, ils croisent sur leur chemin une file de Hutus, machettes ensanglantées à la main, fuyant le Rwanda. »

Machettes ensanglantées à la main ? À beau mentir qui vient de loin. Léo Kalinda nous demande de le croire sur parole. En revanche, Jim Wooten, un journaliste du réseau ABC accompagné de son caméraman, a rencontré les mêmes Hutus en fuite, mais ce qu’il a vu, entendu et filmé ne ressemble pas du tout à la description lapidaire faite par Léo Kalinda et propagée par Radio-Canada. En 1994, deux-millions de Rwandais, très majoritairement des Hutus, ont fui leur pays pour ne pas se faire massacrer par les terroristes de Kagame. Lorsque Wooten a rencontré les Hutus en fuite, ils étaient en train de crever à petit feu au Zaïre.

Dans la région de Goma, au Zaïre, plus d’un million de réfugiés hutus sont décimés par la faim et la maladie. On jette 2 000 cadavres par jour dans les fosses communes. Mais ceux qui vivent encore préfèrent la perspective de cette mort et le peu d’espoir qu’il leur reste aux balles et aux obus du FPR. Reportage de Jim Wooten diffusé le 5 novembre 1994.

Deux ans après le reportage de Wooten, le FPR bombardera les réfugiés pour les forcer à rentrer au Rwanda. Quelques centaines de milliers d’entre eux choisiront de fuir plus loin vers l’ouest et de parcourir des milliers de kilomètres à pied, à travers les forêts du Zaïre. Dans Loin du Rwanda, un documentaire d’Hubert Sauper, on voit ces réfugiés hutus qui continuent d’agoniser, six ans et demi après le début de la guerre déclenchée par le FPR qui a ravagé leur pays. Beaucoup seront rattrapés et liquidés à la mitraillette par les terroristes de Kagame. Selon les amis canadiens de Kagame, le général Maurice Baril, l’ambassadeur Raymond Chrétien et Radio-Canada, ces réfugiés n’existaient pas. Tous les Hutus étaient rentrés de bon gré au Rwanda pour y être accueillis à bras ouverts par les gentils du FPR.

Les méthodes du FPR

Le FPR s’arrange toujours pour mettre ses crimes sur le dos du camp adverse et pour présenter ses victimes comme des bourreaux. C’est une ruse de guerre et la stratégie habituelle de la CIA et du Département d’État, qui l’enseignent à leurs élèves. Le FPR est un premier de classe et un champion de la duperie et de l’inversion des faits. Le témoignage récent de Corneille en est la preuve. Selon Corneille, son père, Émile Nyungura, une figure importante de l’opposition politique au Rwanda, a cru que les gens armés qui ont fait irruption dans la demeure familiale, au cours de la nuit fatidique, étaient des soldats de l’armée rwandaise. Il leur a dit qu’il ne cachait pas de « cafards » chez lui, puisqu’il était un sympathisant du gouvernement. Il croyait ainsi protéger les siens, mais les gens armés ont ouvert le feu, tuant immédiatement toute la famille sauf Corneille, qui a pu se cacher sous un canapé en profitant de la noirceur.

Le FPR savait qu’il n’avait aucune chance de remporter les élections prévues dans les accords de paix d’Arusha. Au début de 1994, il n’a pas voulu participer au gouvernement de transition à Kigali, comme il s’y était engagé. Paul Kagame disait à ses hommes que la victoire était au bout de leurs fusils. Voilà la raison pour laquelle le FPR a abattu l’avion présidentiel, le 6 avril 1994, puis s’est mis à assassiner les opposants politiques. Des témoignages concordants le démontrent, y compris, dorénavant, celui de Corneille.

Dans les semaines, les mois et les années qui ont suivi, le FPR, c’est-à-dire l’organisation que l’on présentera comme l’armée « qui a arrêté le génocide », a continué de massacrer des civils, mais pas uniquement des opposants politiques. Le FPR a tué des centaines de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants innocents. Marcel Gérin et Gloria Martinez, des témoins oculaires des massacres du FPR qui ont échappé de justesse à la mort au mois d’avril 1994, en plein coeur du prétendu génocide des Tutsis par les « extrémistes hutus », disent avoir roulé pendant trente kilomètres dans le sang des victimes du FPR. Ils ont vu des milliers de cadavres flotter sur les lacs et les rivières : tous des victimes du FPR.

Marcel et Gloria, qui parlent kinyarwanda et swahili, ont entendu les terroristes du FPR dire : « Nous gagnerons la guerre avec leurs uniformes et leurs méthodes », c’est-à-dire en se faisant passer pour des forces de sécurité rwandaises. N’est-ce pas exactement ce qu’ils ont fait chez Corneille Nyungura ? Marcel et Gloria ont vu de leurs yeux le FPR massacrer des Rwandais tantôt avec des machettes, tantôt avec des armes à feu. Ils ont échappé miraculeusement à la mort, comme Corneille, et sont devenus des témoins très crédibles, qui ne semblent toutefois aucunement intéresser les journalistes habitués de copier et coller les mêmes mantras tenant lieu de vérité autorisée et ayant comme fonction de légitimer le pouvoir des meurtriers de masse du FPR.

Cette propension du FPR pour les déguisements ne l’a pas gagné soudainement, en 1994. Entre 1987 et 1989, le FPR, qui était en fait une excroissance de l’armée ougandaise, se livrait à ses premiers attentats terroristes sur le sol rwandais, en préparation pour son invasion d’octobre 1990 et la guerre atroce qui allait suivre. Laissons parler à ce sujet Pierre-Claver Nkinamubanzi, président du Congrès rwandais du Canada :

« Venus de l’Ouganda et déguisés en gendarmes, [les terroristes du FPR] ont fait beaucoup de razzias dans la région de Ruhengeri. Les Rwandais étaient au courant, surtout ceux des régions frontalières avec l’Ouganda et la Tanzanie. Mon oncle fut victime de ces incursions en juillet 1989. Il porta plainte contre la gendarmerie, et l’enquête révéla que tous les gendarmes étaient dans leur campement à Ruhengeri, le soir de la razzia en question, qui était la septième du genre dans la région. Mon oncle fut tué par le FPR en 1997. »

Dans le deuxième article, « AB Minerals : le modèle d’affaires canadien à l’oeuvre en Afrique  », il sera question du pillage de la RDC par Paul Kagame et ses complices d’Ottawa et Toronto.

L’auteur est journaliste citoyen et a publié de nombreux articles sur les conflits et les interventions occidentales en Afrique. En 2011, il s’est rendu dans les camps de réfugiés ivoiriens d’Afrique de l’Ouest. Il a été placé récemment sur la liste noire du régime de Paul Kagame, au Rwanda, pour avoir publié des informations qui contredisent la propagande de ce régime sur la violence endémique au Rwanda et en République démocratique du Congo depuis 1990.


Cynthia McKinney

Cynthia McKinney est la première femme noire élue à la Chambre des représentants des États-Unis en Géorgie (1997-2003, 2005-2007). Elle a aussi été candidate à la présidence des États-Unis pour le Parti vert en 2008. Sondiscours au Rhodes Forum, en 2015.

Les cafards

Corneille emploie le mot « cafards » dans sa description de l’assassinat de sa famille, pour rendre en français le mot kinyarwanda « inyenzi ». Cette traduction est trompeuse parce qu’elle cache le sens et l’origine véritables du mot « inyenzi », que Corneille ne semble pas bien connaitre, peut-être en raison de son jeune âge à l’époque de la guerre au Rwanda. Si le mot « inyenzi » veut effectivement dire « cafard », il est faux de penser qu’il servait à déshumaniser les Tutsis en les comparant à de vulgaires insectes qu’on écrase.

En fait, l’acronyme « INYENZI » est le nom que se donnait une milice tutsie lourdement armée qui a compté jusqu’à 1 200 hommes et qui a souvent attaqué le Rwanda entre 1962 et 1968, tuant et terrorisant la population hutue, ce qui lui a laissé un très mauvais souvenir. « INYENZI » est une contraction de l’expression « INgangurarugo yiYEmeje kuba ingeNZI », soit « le combattant de la milice Ingangurarugo qui s’est donné pour objectif d’être le meilleur ». L’un des fondateurs de cette milice, Aloys Ngurumbe, se félicitait d’avoir trouvé avec ses complices un acronyme correspondant au nom d’un insecte qui se multiplie facilement et qui disparait et apparait partout, surtout là où on l’attend le moins.

Lorsque Paul Kagame et son FPR ont envahi le Rwanda, en octobre 1990, la population rwandaise s’est mise à vivre de nouveau un cauchemar semblable à celui de la milice INYENZI des années 1960. C’était d’autant plus traumatisant qu’en 1972, la population hutue du Burundi voisin avait subi de terribles massacres aux mains de l’armée et de milices tutsies. Ces massacres avaient fait plus de 100 000 morts, et une marée de réfugiés hutus avait déferlé sur le Rwanda.

Voyant les terroristes exclusivement tutsis du FPR tuer, violer et piller, à partir de 1990, la population hutue est devenue très méfiante envers les Tutsis, car il y en avait effectivement qui aidaient l’envahisseur à commettre ses nombreux crimes de masse. N’oublions pas qu’en mars 1994, juste avant l’attentat ayant déclenché les massacres, environ un million de Rwandais ayant fui la zone occupée par le FPR étaient massés autour de Kigali dans des camps de déplacés d’où l’on sortait une centaine de cadavres par jour.

Bref, ce sont des terroristes tutsis qui se sont donné eux-mêmes le nom de « cafards » ou « INYENZI ». Ce nom a été repris pour désigner les terroristes du FPR et leurs collaborateurs, et non l’ensemble des Tutsis.

Posted in chroniques politique étrangère, Journal Le Québécois.