La culture québécoise est déjà diversité

S’il est un poncif néo-bobo qui m’exaspère, c’est bien la sempiternelle accusation de manque de « diversité » dans la production artistique et les médias québécois. Déjà que notre identité nationale doit subir de toutes parts l’assaut constant du rouleau compresseur anglo-américanisant, en plus faut-il qu’elle subisse de l’intérieur la pression de ceux qui sont incapables de faire la différence entre la capacité d’intégration — d’assimilation, devrais-je dire en dehors de toute rectitude politique — extraordinaire de l’Amérique anglaise et celle, famélique, du Québec français, largement ravalé au rang de communauté parmi d’autres sur son propre territoire.

Sans pays, détestée pour sa volonté de survivance par la communauté dominante, niée dans son existence même sauf quand il s’agit de lui trouver les pires travers, la nation dite « québécoise » ne peut que s’accrocher à l’image d’elle-même que lui renvoient ses poètes et ses porte-voix, très minoritairement issus d’une diversité à laquelle sa situation politique ne lui donne pas accès, pour se convaincre qu’à défaut d’un avenir bien long, elle a encore, disons, un modeste présent.

Ce frêle courant ethnoculturel sorti de l’Histoire, évanescent et strié de partout à tel point qu’on peut, en maints endroits, en mesurer presque physiquement l’hallucinante friabilité — en Outaouais, dans la Baie des Chaleurs, à Montréal, au nord-ouest de l’Abitibi et au Témiscamingue, dans les Cantons de L’Est, le sud de la Beauce, etc etc — ne veut bousculer personne, peut-être plus que quiconque sur la planète. Pourtant, ce n’est pas encore assez: on le voit trop à la télévision. Il est pressant de le traquer là aussi.

Aussi subconsciemment que confortablement convaincus de l’illégitimité identitaire québécoise, nos chantres de l’ouverture pestent, tempêtent et s’insurgent de se voir au centre de leur propre reflet, ne se rendant même pas compte que la culture québécoise telle qu’elle est aujourd’hui représente la diversité à cent-mille contre un devant le monolithe qui l’entoure, peut-être opportunément bigarré en surface, mais rigoureusement et uniformément anglo-américanisé sur le fond.

L’ouverture se joue à deux et, dans le cas de la prétendue diversité à l’anglaise qui sert de modèle à une certaine gauche outrée en permanence, présuppose un socle identitaire immensément puissant. Les pauvres créateurs québécois n’ont absolument rien d’une telle chose sous la main. Qu’on les laisse donc en paix incarner la diversité, la vraie, plutôt que de leur servir sans cesse l’exemple inutile et délétère de l’impérialisme déguisé en mosaïque.

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