Pour une vraie refondation

Même si, manifestement, Catherine Fournier et Jean-François Lisée ne s’entendent pas sur ce que devrait être la suite des choses pour le Parti québécois (PQ), leurs analyses respectives des déboires péquistes ont en commun d’éviter la mise en cause d’un élément qui, entre tous, caractérise ce parti depuis près d’un quart de siècle : son inamovible attentisme en regard du projet d’indépendance.

En effet, l’incapacité récurrente du PQ d’après 1995 à faire de l’indépendance un engagement électoral concret ne peut pas être anodine. Il faut, à cet égard, prendre la juste mesure des choses : voici un parti politique qui dit avoir comme objectif fondamental l’indépendance du Québec et qui ne cesse d’annoncer, élections après élections, qu’il reporte toute démarche indépendantiste à plus tard.

Au-delà des raisons, bonnes ou moins bonnes, qui sous-tendent ce choix dit « stratégique », comment peut-on croire un instant qu’une dichotomie aussi nette et durable entre la raison d’être d’une formation politique et sa proposition dans les faits n’ait pas de conséquences, peut-être lourdes, sur sa cohésion et sa pertinence ? De la même façon, comment ne pas imaginer que cette perte de confiance manifeste du parti des Parizeau et Lévesque envers le projet d’indépendance n’ait pas eu d’effets néfastes sur la crédibilité de l’option elle-même ?

Un long attentisme

L’attentisme péquiste, quels que soient les noms successifs qu’on lui ait donnés au fil du temps – la recherche des conditions gagnantes, la gouvernance souverainiste, le référendum dans un hypothétique second mandat, etc. –, prend sa justification dans une conviction largement partagée, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de la famille souverainiste, selon laquelle l’appui à l’option indépendantiste est dans un état tel que le PQ ne peut qu’écarter tout engagement indépendantiste immédiat.

S’il est vrai que la popularité de l’option est aujourd’hui à des niveaux moyens sensiblement plus bas qu’il y a 20 ans, le récit d’un PQ l’ayant mise en veilleuse malgré lui est, pour le moins, inexact. En effet, dans l’ère post-1995, l’indépendance fut éliminée de la plateforme électorale péquiste dès 1998, c’est-à-dire longtemps avant que sa popularité s’étiole et qu’elle sorte de l’horizon immédiat ; elle n’y est revenue qu’une seule fois par la suite, sous le leadership mal établi d’André Boisclair.

Ceux qui n’ont de cesse de mettre les déconvenues péquistes sur le compte de la relative faiblesse de l’option souverainiste ne voient-ils pas qu’une autre analyse est possible ?

Que si le désengagement des souverainistes a précédé le fléchissement de l’option, peut-être un réengagement – au PQ ou ailleurs, peu importe – pourrait-il être suivi d’une remontée ? Ne voient-ils pas, en tout état de cause, que le pari de l’attentisme n’a pas fonctionné, ni pour le Parti québécois ni pour sa raison d’être ? Ne constatent-ils pas qu’en creusant eux-mêmes le sillon du souverainisme en veilleuse, ils ont été les précurseurs et la caution d’un François Legault qui ne pouvait, ultimement, que les battre au jeu du repli dans le nationalisme provincial ?

On aura beau déplorer l’usure de la « marque » péquiste, vouloir en changer ou au contraire la célébrer tout en rejetant le blâme de ses insuccès sur tout un chacun, il n’y aura pas de refondation ni de remise en marche qui vaille du mouvement indépendantiste sans volonté réelle de reprendre le flambeau de l’indépendance.

Les gens du PQ disent aujourd’hui vouloir faire de l’indépendance leur « priorité » ; cela est tout sauf nouveau. Depuis des années, ils soutiennent que cet objectif est leur priorité et que, comme il ne faut pas « parler de date » et que « les Québécois ne sont pas prêts », cette « priorité » se décline dans un horizon bon-gouvernementiste indéfini. Au-delà des questions de bannière, d’image et d’alignement sur les axes gauche-droite et identitaire, la vraie refondation de l’indépendantisme commencera le jour où ce raisonnement-là aura été formellement congédié.

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