Histoires de mafia

La Commission d’enquête sur le crime organisé (CECO) qui fut instituée en 1972 a démontré que les libéraux collaboraient avec la pègre et la mafia.  On découvrit même que le ministre Pierre Laporte avait rencontré Frank Dasti et Nicola Di Iorio, deux lieutenants de la famille mafieuse Cotroni. La mafia désirait contribuer à l’élection de Laporte ;  elle espérait qu’il obtienne le siège de ministre de la Justice et qu’il se montre, à ce titre, tolérant à l’égard des affaires menées par la mafia.  On apprit également que le grand argentier de la famille Cotroni, William O’Bront, finançait très généreusement le parti libéral.  O’Bront avait trempé jusqu’au cou dans le scandale de la viande avariée.

La rencontre qui permit à Pierre Laporte de rencontrer la famille Cotroni avait été organisée par René Gagnon, un haut fonctionnaire du ministère de l’Immigration qui deviendra par la suite chef de cabinet de Pierre Laporte.  En 1970, René Gagnon s’engageait dans la course à la chefferie du PLQ, aux côtés de Pierre Laporte qui espérait remplacer Jean Lesage.  L’argent pour mener à bien cette opération se faisait rare.  Par conséquent, Jean-Jacques Côté (autre organisateur de Pierre Laporte) proposa de présenter Frank Dasti à René Gagnon.  Dasti était un tenancier de maison de jeu qui travaillait pour Nicola Di Iorio. 

La première rencontre eut lieu le 5 novembre 1969 au restaurant Moishe’s Steak House, à Montréal.  Nicola Di Iorio et Frank Dasti demandèrent à Gagnon, dans l’éventualité où le Parti libéral remporterait les prochaines élections, s’il avait l’intention de présenter un projet de loi légalisant les loteries et les casinos au Québec, secteur d’activité qui était alors sous l’emprise de la mafia.  Gagnon, lui, aborda plutôt  le sujet délicat qui concernait le financement du Parti libéral et l’aide que pourrait y apporter la mafia.

Le 16 avril 1970, René Gagnon organisa une réunion à son appartement.  Pierre Laporte était cette fois présent, de même que Frank Dasti et Nicola Di Iorio.  Di Iorio cassa la glace le premier :  « M. Laporte, on ne veut rien vous demander ;  on n’est pas ici pour demander quoi que ce soit.  On veut la paix ».  Di Iorio faisait naturellement référence aux descentes effectuées par la Sûreté du Québec et la Police de Montréal dans les bars de la mafia.  Il espérait que Laporte, qui acceptait l’aide financière de la mafia, ferait quelque chose contre ça.

Les élections générales eurent lieu le 29 avril 1970.  Pierre Laporte se fit élire dans Chambly.  Mais au grand dam de la mafia, il n’obtint pas le siège de ministre de la Justice.  Il accepta plutôt les fonctions de vice-premier ministre, de ministre du Travail et de l’Immigration.  René Gagnon, quant à lui, se présenta sous la bannière des libéraux dans la circonscription de Saint-Jacques.  Mais il perdit ses élections.  Il put ainsi devenir chef de cabinet de Pierre Laporte.  Dès la fin de la campagne électorale, Di iorio et Dasti recommencèrent à faire pression sur l’équipe de Laporte.  Le 3 septembre 1970, Dasti appella Gagnon pour se plaidre des coups portés par la police contre les affaires de la mafia.

Quelques semaines plus tard, la Crise d’Octobre éclata.  Pierre Laporte fut enlevé par le Front de libération du Québec.  Dasti cherchait à joindre Gagnon.  Il y parvint le 17 octobre 1970.  Dasti informa Gagnon que la mafia pouvait retrouver Laporte et neutraliser le FLQ.  Gagnon ne fut pas convaincu par les propos du mafioso.  Quelques heures plus tard, les autorités retrouvaient le corps de Laporte.  Cela ne mit toutefois pas un terme aux contacts entretenus par Gagnon avec la mafia.

Le 19 janvier 1971, Gagnon  se rendit au Club Métropole pour rencontrer à nouveau Di Iorio.  Celui-ci parla de ce FLQ qui avait osé menacer la mafia dans son communiqué et il aborda également le dossier des bars de la mafia visés par la police.  Gagnon semblait demeurer de glace.  C’est alors que Di Iorio menaça le libéral.  Il lui rappela qu’il avait en sa possession des documents qui feraient scandales s’ils devaient être diffusés publiquement, une manière comme une autre de le convaincre de faire enfin quelque chose pour lui et son organisation mafieuse.

Quelque temps plus tard, le péquiste Robert Burns découvrit le pot aux roses.  Il parla des liens entretenus par l’équipe de Pierre Laporte avec la mafia à l’Assemblée nationale.  L’histoire éclaboussa les libéraux et la mémoire de Pierre Laporte.

Le 10 décembre 1974, la Commission de police remit un rapport au ministre de la Justice.  La conclusion établissait que « le comportement de Gagnon […] s’assimile pour le moins à un début de conspiration et d’incitation à commettre des infractions répréhensibles ».  Mais Gagnon n’en paya jamais le prix.  Il put poursuivre ses activités, en toute quiétude, jusqu’à aujourd’hui.

Il ne quitta même pas le giron du PLQ.  En 1993, il fut nommé responsable des communications de Daniel Johnson qui espérait remplacer Robert Bourassa à la tête de son parti.  Entretemps, il fonda une firme de communication qui prit le nom de Gervais Gagnon.  Cette agence fut pointée du nom par le juge Gomery dans le cadre du scandale des commandites.  Grâce à Gomery, on apprit que la firme Gervais Gagnon avait donné pas moins de 46 390$ au Parti libéral du Canada de 1996 à 2003.  Simultanément, elle obtenait plusieurs contrats du gouvernement du Canada.  Selon un rapport que reçut le ministère du Revenu, la firme Gervais Gagnon faisait partie des trois agences qui ont profité d’un appel d’offres « clairement biaisé » à la Société canadienne des postes alors dirigée par André Ouellet.

Grâce à l’enquête Gomery, on découvrit également que la firme Gervais Gagnon a eu à son emploi le militant libéral et futur président du PLC au Québec et futur député de ce même parti, Pablo Rodriguez.  Il est entré à l’agence en 1996 comme vice-président et associé de la firme.  Il a participé activement à la campagne électorale de 2000 et a travaillé avec acharnement afin que Paul Martin devienne chef du parti.  M. Rodriguez fut par la suite accusé d’avoir milité pour le parti libéral du Canada pendant ses heures de travail.  En d’autres mots, on accusa la firme Gervais Gagnon d’avoir prêté l’un de ses employés à un parti politique, ce qui, en vertu de la loi électorale, est illégal.

Comme si ce n’était suffisant, Jean-René Gagnon a aussi été, pendant deux ans, actionnaire fondateur de la firme Oxygène 9.  Les liens serrés – à la limite de la légalité – qu’entretenaient cette firme et certains bonzes du Parti Québécois éclaboussèrent le gouvernement formé par Bernard Landry.

En 2009, René Gagnon a donné 3000$ au Parti libéral de Jean Charest.

Ces derniers jours, nous avons appris que la Régie du bâtiment a annulé, peu avant Noël, la license de l’entreprise Construction Rockburn.  Cette entreprise était dirigée par le bandit et trafiquant de drogue Nello Di Rienzo.

En 2006, Di Rienzo a été arrtêté dans le cadre de l’opération Colisée, opération dirigée contre la mafia.  Il fut arrêté en compagnie de son partenaire d’affaires Tony Tallarita.   En cour, les deux hommes ont été présentés comme les chefs d’une cellule mafieuse du clan Rizzuto spécialisée dans l’exportation massive de marijuana aux Etats-Unis.  La preuve a été faite qu’ils expédiaient régulièrement de 10 à 30 kilos par mois de marijuana en Floride et au Maryland.  Leur objectif était d’en expédier 100 kilos par mois ; ceci aurait représenté un profit de 675 000$ par mois.

À l’issue du procès, Di Rienzo a été reconnu coupable de gangstérisme et de complot pour trafic de marijuana.  Tallarita, quant à lui, est parvenu à obtenir, lors de négociations avec le ministère public, l’abandon des charges pesant contre lui. 

Malgré les démêlés des deux hommes avec la Justice, leurs compagnies ont obtenu de la Ville de Montréal de nombreux contrats totalisant une somme de 3,1 millions$.  Depuis 2005,Tallarita a obtenu des contrats des villes de Westmount, Terrebonne, Longueuil, Mont-Royal, La Prairie et Salaberry-de-Valleyfield.  Et ce, malgré le fait qu’une serre hydroponique a été découverte par les policiers, en 2005, dans le complexe commercial qui se trouve tout juste à côté des anciens bureaux de Pavage Tallarita.

C’est en 2000 que Di Rienzo s’est lancé en affaires avec Tallarita.  Di Rienzo a alors investi 125 000$ dans la compagnie de son bon ami.  Cette compagnie, c’est Pavage Tallarita. Quelques années plus tard, Di Rienzo a récupéré toutes ses billes pour les investir dans Construction Rockburn, compagnie qui comptait Tallarita parmi ses actionnaires jusqu’à la suspension de son permis.  Tallarita habite au 304 rue de Cambridge, à Laval, tout juste à côté de la maison de Di Rienzo.

En 2006 et en 2007 (donc après les accusations l’ayant concerné), Tony Tallarita (de Pavage Tallarita) a donné 1000$ au Parti libéral de Jean Charest.  En 2005, un certain Nello Di Rienzo a également donné 400$ au Parti libéral du Québec.

Le 30 décembre 2009, Dejean Victor et son frère Abel furent arrêtés à l’aéroport de Port-au-Prince alors qu’ils s’apprêtaient à prendre un vol d’Air Transat à destination de Montréal.  Les douaniers haïtiens avaient découvert qu’ils transportaient 2,35 kilos de cocaïne dans leurs bagages.  Les deux hommes ont été transférés à la prison de Port-au-Prince.

Ils y demeurèrent jusqu’au fameux tremblement de terre qui détruisit une bonne partie des infrastructures d’Haïti, dont la prison.  Les frère Victor purent ainsi s’enfuirent, comme le firent les 4000 autres prisonniers.

Dejean Victor est propriétaire de la compagnie Buffet Cristina sise à Montréal.  Il travaille également pour une résidence pour personnes âgées de la métropole québécoise.  Il est donc citoyen canadien. Ce qui fait qu’il a pu être rapatrié au Canada dans les jours suivant le séisme.  Il est depuis à Montréal.

Dejean Victor n’est pas un enfant de chœur, c’est le moins que l’on puisse dire, et ce, même s’il est un proche de certains acteurs politiques haïtiens et même s’il est bien vu dans la communauté haïtienne de Montréal.  Dans la nuit du 30 au 31 janvier 2010, les policiers ont dû se rendre à son domicile pour une affaire de voies de fait.  Au Québec, il fait aussi face à des accusations de fraudes fiscales.  Il doit passer en cour en juin prochain.

En 2009, Dejean Victor a remis 400$ au Parti libéral de Jean Charest.

 

 

 

 

 

 

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