Encore une fois, le débat sur le voile

Dans le sillage de l’intervention tonitruante de la nouvelle ministre responsable de la condition féminine, « [l]e hidjab revient au cœur de la joute politique québécoise » (Le Devoir). Il est certes raisonnable de dire que le voile est un signe d’oppression. Il est aussi raisonnable de dire que la laïcité de l’État justifie que certaines fonctions interdisent le port de signes religieux. Mais il est aussi raisonnable de dire que cette interdiction est une atteinte au droit d’expression. Comme il est raisonnable de dire que le port du voile dans les pays occidentaux peut être un signe de contestation de l’islamophobie ou une protestation contre la mode sexiste ou une expression légitime de sa foi.

Il fait aussi sens d’admettre que le port du voile peut être coercitif. Cela justifie un soutien étatique aux groupes communautaires et ONG qui peuvent venir en aide à ces femmes et aussi une implication des services sociaux et à la limite du système de justice même avec ses gros sabots. Mais cela ne justifie pas que l’État ou qui que ce soit décide à la place de ces femmes ! Cela justifie toutefois la légitimité du débat sur le dogme religieux et encore plus sur sa politisation comme menace à la démocratie et en particulier aux droits des femmes. C’est le cas en Arabie saoudite et en Iran (fondamentalisme musulman) mais aussi en Israël (judaïsme sioniste), en Inde (l’hindouisme ultra-nationaliste du parti au pouvoir), au Myanmar (le bouddhisme extrémiste justifiant le génocide des Rohingyas) et aux ÉU (le christianisme sectaire très influant au sein du Parti républicain).

Comment alors trancher ? Sur le terrain politique. En Occident, depuis 2001 (l’attentat terroriste du World Trade Center), l’islamophobie est à la fine pointe du racisme. Au Québec aussi comme en témoignent le massacre terroriste de la Mosquée de Québec et le développement des groupes d’extrême droite de type La Meute. Dans ce contexte exacerbé, toute répression publique ou privée, même symbolique, d’un élément de la culture arabo-musulmane ou réputée tel contribue à la montée de l’islamophobie.

Cette nouvelle réalité historique l’emporte sur toute nostalgie, crispée sur un patrimoine souvent factice, du combat contre l’hégémonie idéologique de l’Église catholique d’il y a un demi-siècle. D’autant plus qu’on a à faire maintenant à des religions minoritaires. Il faudrait se rappeler qu’aucune coercition légale n’a contraint les religieuses à enlever leur voile. Ce fut l’effet d’un vent de libération nationale et d’émancipation sociale. Voudrai-t-on par la guerre aux signes religieux revenir paradoxalement à l’homogénéité du Québec de la Grande noirceur, un enfer du silence pour les femmes, les LBGT quand ce n’était pas les enfants victimes de pédophilie.

La montée islamophobe, traînant à sa suite l’antisémitisme et le racisme contre les noirs, appelle la prédominance politique de la liberté d’expression interdisant toute restriction au port de signes religieux. Prédominance politique n’est pas prédominance absolue pour autant. Se voiler le visage, par exemple, va à l’encontre de l’humaniste communicabilité. Ce comportement peut être politiquement toléré sur la place publique mais non imposé en toutes circonstances et certainement pas quand la communication, dont l’identification, est nécessaire et non seulement dans les services publics.

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