Elles relèveraient de l’autoritarisme causant une dépression économique!
La direction Solidaire propose l’abandon de la cible intermédiaire (2030) de réduction des gaz à effet
de serre (GES) du programme pour une cible indéterminée plus réduite qu’elle révélera, un de ces
jours, sans être entérinée par un congrès, même pas par un conseil national1. Sans vergogne, elle
prétexte que ce petit coup d’État se justifie du fait que cette cible provoquerait rien de moins qu’une
« dépression économique » et qu’elle relèverait « d’une méthode autoritaire et centralisée »! Pourtant
cette cible découle en droite ligne des objectifs de température de l’Accord de Paris. Ce serait donc les
cibles de l’Accord de Paris versus la démocratie et versus le bien-être social, rien de moins. On n’est
pas loin ici de la chasse aux sorcières de la guerre froide contre les écologistes conséquents.
Les cibles de hausse maximale de la température terrestre moyenne d’idéalement de 1.5°C, d’au pire
2°C, à l’horizon 2100 sont la norme fixée par l’Accord de Paris généralement acceptée sauf par les
climato-sceptiques trumpiens. Officieusement, les concomitantes réductions de GES ont été calculées
par Climate Action Tracker (CAT)2 pour les États seulement. CAT est un consortium de recherche
germano-néerlandais dont les évaluations des plans nationaux inadéquats liés à l’Accord de Paris font
autorité et sont souvent citées. Plusieurs dizaines de ses analystes sont des scientifiques faisant partie du
GIEC. C’est la cible canadienne de la CAT pour 2030 que Québec solidaire a adopté à son congrès du
printemps 2016. À noter que cette cible est conservatrice car elle se norme sur le 2°C et non sur le 1.5°C et
qu’elle ne tient pas compte de la pollution des plastiques et autres hydrocarbures non énergétiques. On est
loin ici d’une cible aventuriste.
Contrairement aux assertions de la direction Solidaire, l’atteinte de cette cible est plus facile pour le Québec
que pour le Canada comme élaboré dans mon article cité. En résumé, le Québec ne produisant pas de
pétrole et d’automobiles et consorts n’a pas besoin de faire une reconversion majeure de son économie
comme l’Alberta et l’Ontario ; il dispose d’un surplus hydroélectrique ; par rapport au Canada, il a déjà
parcouru le tiers du chemin [(18 + 9) / (18 + 67)] le Canada étant à moins 18% par rapport à 1990, le
Québec à plus 9% et la cible à plus 67%. Quant aux obstacles techniques, financiers et politiques, il n’y en a
aucun d’infranchissable comme explicité dans mon article cité reposant principalement sur les affirmations
de la Commission sur les enjeux énergétiques du Québec de 2013 et ses suites logiques, sur les révélations à
propos des paradis fiscaux et les travaux fiscaux de la Coalition mains rouges, et sur le legs historique de
l’économie de guerre canadienne qui a démontré la possibilité d’un rapide retournement économique.
La direction de Québec solidaire oppose la lutte climatique basée sur des connaissances scientifiques
généralement acceptées à sa conception de la justice sociale et de la démocratie. Celle-ci repose sur le
respect du cadre du marché sous le contrôle d’une poignée de transnationales, financières et autres, dont 90
d’entre elles sont responsables d’un peu moins des deux tiers des GES historiques (1854-2010)3. Malgré que
le programme dise que « Québec solidaire reconnaît que les économies capitalistes modernes sont des
ensembles complexes essentiellement axés sur le profit et l’accumulation de richesse », la proposition de la direction préfère s’appuyer sur la partie appelant à « vise[r], à long terme [je souligne], la
socialisation des activités économiques ». La direction ignore que l’adhésion du parti à l’urgence d’agir
pour sauver la civilisation, implicite aux cibles température de l’Accord de Paris, a de facto modifié la
perspective du volet socio-économique du programme tout comme de sa stratégie.
Le programme du parti spécifie qu’il faut procéder à la « nationalisation de grandes entreprises dans
certains secteurs stratégiques » dont la finance, le transport et l’énergie sont le noyau dur. Comme les
plans nationaux découlant des cibles de température de l’Accord de Paris ne sont pas à la hauteur, tant
s’en faut4, il appartient aux Solidaires de pousser pour accélérer le rythme dès le premier mandat et non
pas de jeter la serviette comme le fait à coups de graphique la proposition au CN. Il est consternant que
la direction Solidaire ne retienne de l’Accord de Paris que la partie mise en oeuvre imposée par la droite
y compris les marché/taxe carbone, ce qui lui sert à justifier leur acceptation, dite temporaire, à
l’encontre du programme. Elle va jusqu’à annoncer la hausse graduelle de cette taxe et pseudo-taxe
régressives ce qui tiédit l’ardeur populaire envers la lutte climatique et pour la biodiversité.
S’esquiver en prétendant rejeter à terme cette soumission envers le « marché » des transnationales au
moment de l’indépendance découle de la même logique que la lutte contre le déficit pour créer les
« conditions gagnantes » du gouvernement Bouchard. On ne gagne pas la confiance populaire en
appliquant des politiques réactionnaires. On ne réalise pas l’indépendance par la seule lutte
parlementaire dans les institutions, ce que la direction de l’indépendantisme catalan a appris à ses
dépens elle qui n’a pas misé sur la mobilisation populaire pourtant constamment au rendez-vous. Cette
stratégie défaitiste est celle de la direction Solidaire qui s’en tient à un processus constituant hors sol.
La cible de réduction des GES des deux tiers par le moyen d’une planification démocratiquement
décidée peut tout autant retourner une structure économique en deux ou trois ans que le patronat
canadien et québécois l’ont fait pour leurs fins guerrières au seuil de la Seconde guerre mondiale. Et si
on n’aime pas les comparaisons guerrières, citons le gouvernement étasunien qui face à l’avance
soviétique dans la course spatiale n’a pas hésité à embrigader les plus grandes entreprises sous l’égide
de l’étatique NASA afin d’alunir les premiers. Les temps (pré-)électoraux ne sont pas faits pour cacher
ces défis mais pour les clamer et les expliquer de sorte à semer l’enthousiasme à la Sanders et Corbyn
pour gagner le pouvoir politique afin de procéder sans plus tarder à mettre en place un plan de plein
emploi écologique dont mon article cité trace les grandes lignes à prendre ou à réviser.
Pour créer les conditions gagnantes d’une assemblée constituante indépendantiste, il est impératif de
commencer sans délai à briser le carcan fédéraliste. Non seulement faudra-t-il dire immédiatement non
aux marché/taxe carbone mais il sera nécessaire de prendre le contrôle de l’épargne nationale avant que
Bay Street fasse les poches au peuple québécois par un coup de la Brink’s au centuple. Et il faut bien se
mettre dans la tête que la seule façon d’éviter un scénario catalan d’arrestation et de répression
policière, ou un scénario grec d’asphyxie financière ou une répétition de l’Octobre 70 c’est de
mobiliser le peuple québécois, non voilé et voilé, à la manière de la grève générale de 1972 avant,
pendant et après les élections. C’est cette détermination qui contaminera les peuples canadien et
étasunien qui bloqueront l’interventionnisme de leur gouvernement respectif.
C’est au parti d’amorcer la pompe, maintenant, en profitant pour se faire de la période électorale. Le
défi de la réduction des émanations de GES des deux tiers en 2030 est le socle de cette campagne pour
le plein emploi écologique. La porte d’entrée en sont les revendications du zéro hydrocarbure et de la
gratuité du transport public sur dix ans. L’enjeu : le « dépassement du capitalisme » tel que proclamé
dans le programme du parti et non le capitalisme vert réclamé de facto par la direction du parti. La
méthode : la démocratie souveraine du congrès et non pas la démocratie à l’envers d’un obscurs et
secret comité d’experts chèrement payé qui impose sa volonté au parti par direction interposée.
À la résolution capitularde de la direction Solidaire, je propose la suivante capable de nous sortir du
cul-de-sac de notre actuelle campagne-spectacle dont l’effet de contagion est douteux hors de la bulle
de nos membres et sympathisantes comme le montrent jusqu’ici les sondages.
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Attendu que le programme du parti stipule clairement que « Afin de rattraper le retard
accumulé par rapport à nos engagements internationaux et afin de contenir la hausse
moyenne de la température mondiale à 1,5 degrés Celsius, il faut accélérer la transition
énergétique pour la période entre 2018 et 2030 de façon à atteindre 67% de réduction en
dessous du niveau de 1990. »;
Attendu que la partie de la plateforme concernant les cibles intermédiaires adoptée par le
CCN et non par le congrès de 2017 contredit le programme;
Attendu que le CCN veut un chèque en blanc du CN pour faire connaître une cible 2030 à un
moment donné et que cette cible contredira le programme;
Attendu que le programme proscrit les marché et taxe carbone que le CCN veut appliquer
soi-disant temporairement au lieu d’en faire un enjeu de lutte contre le carcan fédéral;
Attendu que la planification étatique sous l’égide du patronat pour convertir l’économie
canadienne en économie de guerre en moins de deux ans a été un succès;
Attendu que le Québec malgré les politiques néolibérales des Libéraux et du PQ a déjà
parcouru, relativement au Canada, le tiers du chemin;
Attendu que les très importants surplus hydroélectriques du Québec ont déjà résolu le
problème de la disponibilité énergétique sans émanation de GES;
Attendu que la matrice industrielle du Québec est déjà axée sur la production d’équipements
de transport en commun et pas du tout d’automobiles et de camions légers;
Il est résolu
1. de réaffirmer que la seule cible GES 2030 est celle affirmée par le programme;
2. d’affirmer que cette cible est atteignable par une mobilisation sociale dans le cadre
d’une planification démocratique s’imposant au marché contrôlé par les
transnationales;
3. d’appeler à cette mobilisation sociale dans le cadre de la campagne électorale sur la
base des slogans-revendications « Laissons les hydrocarbures dans le sol » et
« Transport commun gratuit sur dix ans ».
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Notes:
1 Petit coup d’état en préparation pour passer à la droite des Libéraux, Marc Bonhomme, Le Québécois, 12/04/18
2 Climate Action Tracker’s Assessment of Canada’s INDC — paragraphe “Fair Share” : « Afin d’être cohérent avec la plupart des approches de partage d’effort et être évalué «suffisant», le Canada doit fixer un objectif 2030 plus ambitieux consistant à réduire les émissions industrielles de GES d’au moins 73% inférieures aux niveaux de 2005 (67% inférieurs aux niveaux de 1990). […] Selon les approches de partage d’efforts multiples, pour atteindre une part équitable des réductions d’émissions, les émissions du Canada devraient être négatives d’ici 2050. » (ma traduction)
3 Tracing anthropogenic carbon dioxide and methane emissions to fossil fuel and cement producers, 1854–2010, Richard Heede, Climate Change, 10/13
4 New life for the Paris climate deal, The Economist, 14/12/17 : « Les gaz à effet de serre libérés par l’humanité ont déjà réchauffé la Terre de 1°C ou plus depuis les années 1870. […] ils devraient progresser de 2% en 2017, après trois années de quasi-stabilité. […] Le rapport de l’ONU sur les ‘‘Emissions Gap’’ de cette année, publié en octobre, montre que le premier ensemble d’engagements climatiques soumis par 164 pays correspond à un tiers des réductions d’émissions nécessaires pour maintenir le réchauffement en dessous de 2°C . » (ma traduction)