En fin de semaine dernière a eu lieu un conseil national du Parti Québécois, à Saint-Hyacinthe. J’ai été bien heureux d’entendre Pauline Marois parler d’indépendance et de sa volonté de cheminer vers cet idéal. J’aurais aimé applaudir davantage, mais je ne le peux malheureusement pas. Et ce, parce que le message qu’a par la suite transmis à ses troupes Pauline Marois m’a déçu. Elle a fait la démonstration que le pays du Québec qu’elle semble encore envisager ne serait rien d’autre qu’une pâle copie du Canada, voire même de l’Alberta.
Mes cheveux se sont dressés sur ma tête lorsque j’ai entendu Pauline Marois plaider en faveur de l’exploitation du pétrole que l’on retrouve dans le gisement Old Harry, tout près du joyau que constituent les îles-de-la-Madeleine. À l’échelle de la planète, il m’est évident que les Québécois ont une grande responsabilité. Notre immense territoire national renferme certains des derniers habitats sauvages du monde. Nous avons l’obligation de les préserver le plus possible. Comme je trouve scandaleux d’envisager le harnachement de la rivière Romaine sur la Côte-Nord, l’une des dernières grandes rivières sauvages de la planète, et ce, afin de vendre de électricité à bon marché aux Américains, comme je trouve irresponsable de risquer une catastrophe naturelle tout juste à côté des îles-de-la-Madeleine, en plein cœur du golfe St-Laurent. À ce chapitre, le discours de Pauline Marois n’est en rien porteur d’avenir. Elle se fait tout simplement la porte-parole, à sa façon, de l’ancien régime énergétique, celui qui a amené l’humanité au bord du gouffre.
Le monde d’aujourd’hui est dans une impasse. Tous les grands experts en écologie de la planète l’affirment clairement, et nul ne peut les contester tout en demeurant de bonne foi. Nous marchons d’un pas accéléré vers le pic du pétrole, ce qui aura des conséquences très importantes pour toutes les sociétés humaines, elles qui devront être sevrées de ce produit. Le climat se réchauffe, les humains consomment trop, les habitats et les espèces disparaissent. C’est l’hécatombe. Il faut faire quelque chose. Et ça presse.
Envisager le pays du Québec en adoptant un angle énergétique, comme l’a fait Pauline Marois cette fin de semaine-ci, j’en suis. Mais cela doit être fait pour explorer des avenues neuves, pour rechercher de nouvelles solutions énergétiques qui pourraient contribuer au salut du monde. Ce n’est certainement pas en salivant à l’idée d’exploiter les réserves de gaz présentes dans le golfe du Saint-Laurent, ou en envisageant une exploitation plus efficace des ressources forestières ou en exigeant seulement de meilleures redevances sur l’exploitation des gaz de schiste, comme le propose le PQ de Marois, qu’on articulera un discours neuf dans ce monde qui a bien besoin d’être réorienté.
On entend souvent dire que le mouvement indépendantiste n’a pas su réinventer son discours. Le dossier énergétique nous offre une possibilité en or de le faire. Le PQ doit faire preuve de beaucoup d’imagination et d’intelligence dans ce dossier. Je suis sûr qu’il en est capable.
Je crois que ce parti devrait tout d’abord préconiser la nationalisation de nos ressources naturelles. Il est inconcevable qu’on laisse le privé faire de l’argent avec leur exploitation, exploitation qui se fait alors dans une seule optique : engranger le maximum de profits, au péril s’il le faut de la santé des habitats et des communautés humaines. Le PQ devrait également s’engager à investir un maximum d’efforts et d’argent dans le développement d’énergies dites alternatives. Les réserves de pétrole et de gaz sont en train d’être épuisées. Un jour ou l’autre, il nous faudra envisager sérieusement de fonctionner sans dépendre de ces produits, en élaborant des solutions de rechange. Le PQ et le mouvement indépendantiste devraient imaginer le Québec libre comme un chef de fil en cette matière.
On me reprochera peut-être de rêver en couleur, mais si ce pays du Québec ne permet pas de rêver à un monde nouveau, alors je me demande bien à quoi ça sert.
À bas le calendrier référendaire
Pauline Marois a également profité de l’occasion qui lui était offerte en fin de semaine dernière pour servir un camouflet à un ancien chef du Parti Québécois, Bernard Landry celui-là. Elle a dit que le PQ qu’elle dirige « organiserait un référendum au moment jugé opportun », contrairement à ce que réclame M. Landry, c’est-à-dire le retour de la position adoptée par le PQ qu’il dirigeait en 2005 et qui stipulait qu’un référendum sur l’indépendance doit être organisé le plus rapidement possible à l’intérieur d’un premier mandat péquiste.
À l’époque, j’étais derrière Bernard Landry. Et je le suis toujours. Je trouve que la formule retenue en 2005 est bien suffisamment souple sans qu’on ait besoin de l’assouplir encore davantage, en 2010, comme le veut le PQ de Mme Marois.
Ceci étant dit, et cela est vrai autant pour la position défendue par M. Landry que celle défendue par Mme Marois, le plus important en ce qui a trait à la stratégie référendaire, ce n’est pas tant le calendrier que les efforts qui doivent être faits avant de pouvoir se tourner vers le peuple pour lui demander son avis quant à la pertinence de libérer le Québec. Il n’y a que le travail acharné qui nous amènera à l’indépendance. Le simple fait de retenir une date – ou pas – pour tenir un référendum ne peut certes pas être considéré comme un travail sérieux en faveur de la libération québécoise.
Si Pauline Marois avait un réel programme quant aux gestes qu’elle compte poser afin de réaliser l’indépendance du Québec, on pourrait tout à fait s’accommoder de sa formule « du moment opportun ». À elle maintenant d’accomplir ses devoirs et de nous expliquer clairement et concrètement la nature de sa stratégie indépendantiste.