Je suis un peu tanné d’entendre parler de Donald Trump comme d’un fou, un imbécile, un gros épais, une nouille, à chaque scandale que son comportement grossier fait apparaître dans l’actualité. On ne compte plus les « analyses » de son état mental dérangé. Je suis loin d’être pro-Trump, il me révulse!, mais ça me semble bien court et commode pour ceux qui ont intérêt à ce qu’on s’en tienne à la personnalité du président. Voilà un écran de fumée aux conséquences potentiellement graves. Si Trump savait très bien ce qu’il faisait? Et s’il nous endormait tous?
En ce sens, ce qui se passe aux États-Unis avec Donald Trump présentement me fait penser à ce qui s’est passé au Québec après le référendum volé de 1995. Jean Chrétien était alors au pouvoir à Ottawa et tout ce qu’on entendait c’était qu’il était un bouffon, un gros cave, une grosse tarte, un débile. L’essentiel de la critique indépendantiste du pouvoir à Ottawa était de dénoncer Jean Chrétien l’imbécile, le tata, le pas-de-classe. Tout le reste tombait dans les limbes. C’était toujours la gueule croche et le manque de manières à Chrétien. Mais que faisait donc l’imbécile pendant ce temps-là?
Eh bien, il agissait avec force, le supposé demeuré : plan B, commandites, invasion des champs de compétences du Québec, préparation de la partition en cas de victoire référendaire, loi sur la clarté, bourses et médailles pour acheter nos athlètes, nos universitaires, nos artistes, etc. Il était à l’offensive, le cave, et il avançait sur tous les fronts pendant qu’on riait de sa gueule croche. Il savait très bien ce qu’il faisait et il devait être bien content que toute l’attention soit portée à ses airs d’habitant consanguin.
Moi, avec Pierre Falardeau et très peu d’autres, j’ai toujours dit à l’époque qu’il était très très intelligent, Chrétien, et qu’il était en train de nous fourrer sur toute la ligne. Aujourd’hui, que constate-t-on? Qu’on ne s’est pas encore relevés de cette offensive fédérale post-1995 qui amena reculs, sur reculs, sur reculs pour le Québec et le mouvement indépendantiste. Et on recule encore (un référendum dans un deuxième mandat… Chrétien doit rire en estie!).
Pour revenir aux USA, ce qui se passe aujourd’hui avec Trump me semble un peu du même ordre. On n’en a que pour les coups de gueule du président américain sur Twitter, ses sautes d’humeur, les énormités qu’il profère contre les médias, les femmes et bien d’autres comportements abjects. Bien sûr qu’il faut dénoncer ces emportements indignes, ces propos vulgaires, ces outrances, etc. Sauf que, pendant ce temps, l’action des USA, notamment à l’étranger, passe complètement sous le radar.
Pendant qu’on discute du dernier journaliste que Trump a humilié, on ne parle pas de l’action des USA pour renverser les régimes de gauche en Amérique latine. Pendant qu’on invite psychologues et psychiatres à se questionner sur son état mental, aucun spécialiste pour discuter des appuis de Trump à la politique d’occupation israélienne en Palestine. Et l’action des USA en Europe de l’Est, notamment en Ukraine? Et l’armée américaine qui veut réoccuper l’Irak après la chute de Daesh? Et l’action des USA en Afrique? Etc. La liste pourrait être longue.
Les tyrans ne sont généralement pas des imbéciles. Et Trump est, selon moi, loin d’être imbécile. Ses sorties intempestives me semblent au contraire bien calculées. Distillées avec régularité pour se maintenir dans l’actualité et faire oublier tout le reste. Vous pensez vraiment que Trump se maintiendrait à la présidence s’il ne faisait pas l’affaire du complexe militaro-industriel américain? Et si Trump est véritablement dément et qu’il ne sait pas ce qu’il fait, se pourrait-il que les intérêts militaires, industriels et pétroliers aient trouvé en lui le parfait bouffon pour distraire la galerie tandis qu’ils font leurs saloperies dans l’ombre?
Avant, on se laissait endormir par le beau sourire et le bon sens de l’humour d’Obama, le président « cool »; maintenant, on se laisse endormir par les énormités et les grossièretés d’un président repoussant qu’on semble bien aimer détester. Et toujours on passe à côté de l’essentiel : la politique impérialiste des USA dont ils ne sont (n’en déplaise aux fans d’Obama le « cool ») que les deux faces d’une même médaille. Comme chez nous, de Chrétien à Justin, on a les deux faces d’un même néocolonialisme canadien.
Bref, un peu moins d’analyse psychologisante et beaucoup plus d’analyse politique et stratégique serait de mise pour comprendre ce qui se passe aux USA autour et au-delà de la personne du président. Tant qu’on ne fera que discourir sur la santé mentale de Trump, les requins de Wall Street, du Pentagone et de la CIA pourront continuer tranquilles de ronger les chairs des damnés de la Terre.
Ça aussi, c’est scandaleux.
Pierre-Luc Bégin
C’est exactement la réflexion que je me faisais ce matin avant de vous lire! ( En moins bien structuré, bien sûr!)
Quelle excellente analyse M. Bégin. Je pense de même que sous ses airs de grand béta, se cache un fin renard qui teste, analyse et sonde d’abord son entourage national et plus. Dans un but précis. D’abord maintenir son empire. Ensuite l’agrandir jusqu’à plus soif. Et enfin accéder à la domination absolue. Du moins c’est ce qu’il pense. En se servant des relations qu’il a établies tout autour de la planète tout au fil des années (n’oublions pas qu’il a tout de même 70 ans). Mais comme toujours- du moins depuis longtemps- les MSM ont toujours et tentent toujours de jouer sur une(des) image(s) pour nous faire prendre des vessies pour des lanternes. Cet homme peut paraître idiot, dans son but proposé, mais ne l’est sûrement pas…
Désolé. Ce n’était pas une réponse à Jacques Lessard avec qui je suis tout-à-fait d’accord, mais un commentaire indépendant.
Merci pour vos commentaires.