L’organisation du Québécois dénonce depuis 10 ans cette année le sort qui est réservé aux vraies idées indépendantistes dans le monde des médias québécois. Cela nous a permis de nous faire bon nombre de nouveaux ennemis, n’en doutons point ; et ces ennemis sont puissants, n’en doutons pas davantage. Conséquence : nous avons de plus en plus de difficulté à percer le filtre médiatique qui est contrôlé – ai-je besoin de le préciser – par des propriétaires fédéralistes et de droite qui forment des directions de médias en conséquence. Ces directions veillent au grain: elles protègent le système et… les intérêts des propriétaires fédéralistes et de droite. Mais nous ne sommes pas les seuls à subir de tels traitements…
Partant de là, je n’ai aucunement été surpris de constater le traitement cavalier et injuste qui a été réservé à la sommité intellectuelle qu’est Brigitte Alepin par l’équipe de Tout le monde en parle, émission diffusée sur les ondes de Radio-Canada. Celle-ci a tout simplement été coupée au montage. Ses analyses ne se retrouveront donc pas en ondes, ce dimanche, lors de la diffusion de ladite émission pilotée par Guy A. Lepage. Mme Alepin dit des choses qui ne plaisent pas aux z’élites du grand capital, elles qui possèdent et contrôlent les médias d’ici. Grosso modo, elle dit que les compagnies et les riches ne paient pas assez d’impôts. Dans une entrevue publiée cette semaine dans un journal lock-outé de Montréal, voici ce qu’on rapportait à son sujet :
«Si on défiscalisait totalement Power Corporation demain matin, qui en profiterait?», demande-t-elle [Mme Alepin]. La famille Desmarais, bien évidemment, qu’on lui répond. Car ce ne sont pas toutes les entreprises qui créent de la richesse, il faut le reconnaître.
Tout pour plaire à Desmarais et ses sbires qui possèdent Gesca, donc La Presse, tous ceux qui sont le moindrement honnêtes et de bonne foi l’admettront. Qui plus est, Mme Alepin est publiée par une maison d’édition appartenant à Quebecor. Et l’on sait que Quebecor et Gesca (filiale de Power Corporation) sont engagés dans une lutte à finir pour le contrôle le plus total de l’information au Québec, et ce, au grand dam des citoyens qui sont conscients du problème médiatique du Québec et qui demeurent malgré tout attachés aux grands principes démocratiques.
Mais pourquoi est-ce que Radio-Canada devrait être offusquée des dires de Mme Alepin concernant La Presse et la famille Desmarais me direz-vous ? Hé bien, le rapport entre les deux acteurs médiatiques est bien simple à établir.
Il y a quelques années, grâce à la loi d’accès à l’information, j’obtenais la preuve que La Presse et Radio-Canada avaient signé un traité d’alliance au début des années 2000. Cette alliance impliquait un partage de ressources financières, humaines, structurelles et de contenu. J’avais dû me battre comme un déchaîné pour enfin obtenir de tels documents. Les avocats de La Presse ne voulaient pas lâcher le morceau, ils ne voulaient pas rendre public ledit document ; des avocats d’une compagnie privé décidaient ce qu’une institution publique et financée par l’argent des contribuables pouvait ou non rendre public, déjà là, ça puait le poisson pourri qui ne se lavait jamais les pieds ! Quant à elle, la bande responsable de l’accès à l’information à Radio-Canada me mentait comme autant d’arracheurs de dents. On m’a même chargé 350$ (que le citoyen que je suis a payé) pour partir à la recherche de l’entente secrète scellant l’alliance entre la société d’État et ladite compagnie privée qui aurait été supposément perdue. Bref, on me prenait pour le roi des cons.
Cela se passait en 2007.
Heureusement, au cours de cette même période, je suis parvenu – non sans mal car on m’a renvoyé chez moi la première fois, moi qui avais parcouru une heure de route pour accorder une simple entrevue de quelques minutes – à me rendre sur le plateau de l’émission de Christiane Charette à la radio de Radio-Canada. J’ai alors profité de l’occasion pour exiger, en ondes, une copie de l’entente secrète liant La Presse et Radio-Canada. Cela mit suffisamment de pression sur les « autorités » radio-canadiennes pour que ledit document (mais en partie caviardé) me soit enfin transmis. Mes doutes étaient confirmés. Radio-Canada et La Presse étaient des partenaires depuis des années et s’entendaient comme larrons en foire pour nous faire passer des vessies pour des lanternes. C’était un scandale sans nom !
Depuis, Radio-Canada se défend en disant que cette première alliance n’est plus. Ce qu’on ne dit pas chez Radio-Canada, c’est que cette première entente globale a été remplacée par une série d’ententes sectorielles unissant toujours Radio-Canada et La Presse. Mais cette fois, les censeurs dissimulent bien le secret. Ils refusent plus que jamais de remettre ces documents aux citoyens qui ont le droit, dans ce dossier comme dans tant d’autres, de connaître la vérité.
Ce que les censeurs de Radio-Canada ne peuvent toutefois pas contrôler, ce sont les bourdes commises par les professionnels de l’information qui oeuvrent pour l’empire. Alors que je me débattais comme un diable dans l’eau bénite pour faire connaître la vérité concernant l’alliance unissant La Presse et Radio-Canada, Philippe Cantin, l’un des boss de la salle de presse de la putain de la rue Saint-Jacques (dixit Olivar Asselin), m’a accidentellement fait parvenir un courriel qu’il destinait à l’un de ses collègues. Dans ce courriel, qui était une réaction à l’un des communiqués que nous avions émis et qui dénonçait Nicolas Sarkozy pour son parti pris fédéraliste, Cantin disait attendre des nouvelles de Pierre Tourangeau avant de bouger dans un dossier donné. Or, Pierre Tourangeau était le boss de l’information à Radio-Canada. Voici le libellé du courriel en question :
As-tu lu cela ? La frange pure et dure déclare la guerre à Sarkozy et promet d’aider les « peuples en lutte européens abandonnés par la France ». Ce serait bien si on parlait à Parizeau et à d’autres indépendantistes très très convaincus. Il va sûrement y avoir des débats déchirant au PQ. Et on pourrait reparler à Duceppe – qui n’a vu aucun lien avec la souveraineté – dans les propos de Sarko et Marois – qui a refusé de commenter autre chose que son discours. Avec les titres de demain – même dans Le Devoir !-, comment réagissent-ils ? Je persiste à croire que les propos de Sarko auront une influence majeure dans le débat national. Ils marquent une telle rupture avec le seul pays du G-8 jusque-là officiellement sympathique à l’idée de souveraineté du Québec. Quel journal, mon vieux. Pas pour rien que tous nos rivaux nous plantent à la moindre occasion, c’est tout ce qui leur reste. Lundi, je veux aussi m’occuper d’un topo radio sur la F1 à Rad-Can hier. L’idée générale était de démolir l’article de Domenjoz. Incroyable ! Si Tourangeau nous appelle, on peut les aider aussi.
Quand j’ai reçu ce courriel signé par Philippe Cantin, je lui ai répondu afin d’apporter de l’eau à mon moulin et pour persister à dénoncer Sarkozy. Cela a semblé effrayer ce dernier qui constatait de ce fait la bourde qu’il avait commise en dirigeant vers moi des informations que je n’aurais jamais dû avoir entre les mains. Il m’a appelé illico pour me demander de ne rien faire avec son courriel, car il contenait des preuves dans le dossier Radio-Canada-La Presse. Mais la vérité est plus importante que Philippe Cantin. J’ai par conséquent révélé le contenu de son courriel dans l’un de mes livres et je le fais également, ici, sur Internet.
Dans le même contexte, j’ai eu un échange courriel avec Pierre Tourangeau que j’ai par ailleurs toujours trouvé fort sympathique, d’où le ton « amical » de l’échange rapporté ci-bas :
Salut Patrick,
Ai lu tes divagations. Tu as un sacré sens de l’humour. Je serai au salon du livre de Québec en soirée le vendredi et le samedi. J’espère qu’on pourra se voir.
Salut farceur…
Amitiés,
Pierre
Dans ce courriel, Pierre Tourangeau réagissait à mes analyses concernant La Presse et Radio-Canada. Il prétendait que je parlais à travers mon chapeau, comme bien d’autres le faisaient à cette époque-là. Mais, malheureusement pour lui et les autres, ce n’est pas ce que le courriel de son collègue Philippe Cantin laissait entendre. Contrairement à ce que M. Tourangeau prétendait, j’étais pile sur la vérité. Encore une fois.
Un peu plus tard, j’ai porté plainte contre Radio-Canada auprès du commissaire à l’accès à l’information du fédéral, et ce, parce que les responsables de l’accès à l’information refusaient toujours aussi obstinément de répondre favorablement à mes demandes. Je désirais obtenir les ententes sectorielles, et chez Radio-Canada, on ne répondait même plus à mes demandes.
En 2011, ma cause se trouve en suspens car le commissaire traîne Radio-Canada devant les tribunaux pour violation à la loi d’accès à l’information. D’ici ma mort, j’imagine que j’obtiendrai enfin réponse à mes questions et que l’on connaîtra enfin le contenu des ententes sectorielles unissant La Presse et Radio-Canada…Après tout, on a encore le droit d’être optimiste…C’est d’ailleurs « tout ce qu’il nous reste »…
Dans de telles circonstances, sachant que Power Corporation, propriétaire d’un organe de propagande qui s’appelle La Presse, désire plus que tout que les z’élites politiques baissent encore davantage la pression fiscale qui frappe les riches et les compagnies, peut-on imaginer que Tout le monde en parle était libre cette semaine de faire une place à la télé d’État à Brigitte Alepin, associée qu’elle est de par son livre à Quebecor, pour qu’elle tienne un discours allant dans le sens contraire des intérêts de La Presse et de ses propriétaires qui sont des alliés précieux de Radio-Canada ? On peut en douter très sérieusement, malgré ce qu’en dit Guy A. Lepage. Soyons-en bien conscients: ce dernier est tout à fait libre de faire ce qu’il veut, tant que le boss ne dit pas le contraire…