Le réfugié Ivan Apaolaza Sancho est en grève de la faim depuis la soirée de jeudi, 2 octobre dernier, dans une prison montréalaise. Il est détenu sans procès depuis Juin 2007 au Centre de détention Rivière-des-Prairies à Montréal.
Depuis sa grève de la faim, il a été placé en isolement dans une cellule de 1m par 3m, sans toilettes, et souillée de sang et de selles. Les autorités de la prison ont retiré ses lunettes, ses vêtements, et ses livres. Ils limitent ses appels téléphoniques, l’empêchant de facto de communiquer avec les personnes qui l’appuient, de même qu’avec ses avocats. On lui a interdit de parler une autre langue que l’anglais ou le français au téléphone, ce qui l’empêche de communiquer avec sa mère et son père.
« En me plaçant en isolement, les directeurs de la prison de RDP me font déjà subir de la torture psychologique, préparant la torture physique à laquelle je ferai face en Espagne. Ils essaient de me briser mentalement afin de faciliter ainsi la torture physique qui suivra » a ajouté aujourd’hui M. Apaolaza Sancho, lors un bref appel téléphonique qui fut interrompu après cinq minutes.
La semaine dernière, M. Apaolaza Sancho a appris que son application pour l’Évaluation de risque avant retour (ERAR) avait été rejetée. Cette décision ouvre la voie à la déportation de M. Apaolaza Sancho vers l’Espagne, où il risque la détention incommunicado, et la torture. La date du 17 Octobre a été fixée pour sa déportation.
« Nous avons déposé une demande de révision [de l’ÉRAR] à la Cour fédérale. Nous allons également demander un sursis, mais il n’y a aucune garantie que la Cour Fédérale acceptera. Si la Cour refuse, il n’y a rien qui puisse empêcher la déportation de M. Apaolaza Sancho, à part une intervention directe des ministres fédéraux » a expliqué Me. William Sloan, l’avocat de M. Apaolaza Sancho.
La décision négative rendue suite à l’ERAR minimise la pratique de la torture en Espagne, un fait pourtant largement documenté. Celle-ci n’a accordé que peu de poids au cas pourtant bien établi de Unai Romano, un jeune Basque qui fut brutalement torturé. La décision admet que la CISR a reconnu qu’une présumée complice de M. Apaolaza Sancho a déjà probablement été torturée mais, sans explication, refuse de reconnaître qu’il fait face à une risque semblable.
«En Espagne, la torture et les traitements cruels et inusités, sans être pratiquées de manière systématique ne se confinent pas à des actes isolés. Plusieurs éléments préoccupent vivement la Ligue des droits et libertés relativement aux traitements que subira monsieur Apaolaza Sancho en Espagne : à la détention secrète ou incommunicado, à la pratique de dispersion ou de transfert continuel des prisonniers détenus pour terrorisme par les autorités espagnoles s’ajoute le fait que cette personne risque d’être fort probablement perçu par les autorités comme une source importante de renseignement puisque douze personnes sont toujours recherchées en lien avec le complot auquel il est présumé avoir participé. » a affirmé hier Me. Denis Barrette, porte-parole de la Ligue des droits et libertés, lors d’un point de presse.
« J’ai connaissance d’ami.e.s et de membres de ma famille qui ont subi la torture. Une des premières choses dont je me souviens de mon enfance est de voir mon oncle alité après avoir été torturé pendant 10 jours. Et j’ai plusieurs ami.e.s qui ont été torturé.e.s et ensuite, à cause de déclarations faites sous la torture, qui ont passé huit, dix ans en prison. Je sais cela, et au pays Basque, je pense que tout le monde est au courant que ça se produit. Amnistie Internationale a dénoncé ce fait, le secrétariat de l’ONU contre la torture l’a dénoncé. Je ne vois pas ce qu’on peut dire de plus », a dit M. Apaolaza Sancho en entrevue le 30 septembre dernier.
«Ce n’est pas seulement la torture. Ce sont aussi les conditions de détentions des prisonniers Basque en Espagne … Ce sont les détentions prolongés qu’ils imposent pour … n’importe quoi, en fait, même si tu ne commets pas de crime, même si on n’a rien prouvé, on dit que tu es membre d’une parti politique illégal maintenant et tu peux faire face à dix ans d’emprisonnement. Moi, je peux faire face à 20 ans en prison » a ajouté M. Apaolaza Sancho.
En mai 2008, le commissaire Louis Dubé de la CISR a ordonné que M. Apaolaza Sancho soit déporté sur la base d’allégations présentées par le gouvernement espagnol, et ce, bien qu’aucune preuve n’ait été mise de l’avant pour soutenir ces allégations. La seule information utilisée pour demander la déportation de M. Apaolaza Sancho est contenue dans les mandats d’arrêt de la police espagnole — qui n’ont jamais été corroborés. Le Commissaire Dubé a reconnu que les mandats étaient basés sur une déclaration faite sous la torture, notamment la seule information qui lierait M. Apaolaza Sancho à l’ETA, un groupe nationaliste basque armé considéré comme un groupe terroriste par le Canada.
Alors que M. Apaolaza Sancho craint la torture en Espagne, sous la loi canadienne, il est privé du droit de demander l’asile politique au Canada parce que le commissaire Dubé l’a jugé inadmissible sur la base de questions de « sécurité ». La Cour Supérieure du Québec a refusé d’entendre une motion d’habeas corpus déposée par M. Apaolaza Sancho.
La Charte des droits garantie pourtant à toute personne le droit de remettre en question une détention illégale par le biais d’une motion d’habeas corpus.
Source: Comité Liberté pour Ivan, libertepourivan@gmail.com
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L’an dernier, lors de mon passage à Donostia en Euskal Herria, j’ai rencontré les avocats de M. Sancho. Comme son dossier ne s’est en rien amélioré, l’heure est venue de dénoncer le Canada pour sa collaboration écoeurante avec l’Espagne qui torture sans ménagement les militants indépendantistes basques!
Patrick Bourgeois