Notre rencontre avec Jean-Martin Aussant

Que faire dans les circonstances, voilà la question que tous les indépendantistes de bonne volonté se posent. Reprendre le PQ à l’interne, en chahutant ou en investissant les instances délaissées il y a longtemps ? La tâche semble lourde, désagréable et même dangereuse. Une telle reprise de contrôle impliquerait une lutte à mort avec l’establishment actuel et accentuerait les cassures déjà existantes. Autant du point de vue de l’opinion publique que des structures militantes, l’abordage pourrait bien se solder par la prise de contrôle d’une épave électorale. La rumeur dit que c’est dans un projet du genre que se lance Bernard Drainville, nous verrons bien. Attendre la prochaine défaite électorale et l’éventuelle démission de Marois ? Suite à une telle défaite, nous ne serions toujours pas présents à l’interne du PQ et si le parti reste viable, d’autres apparatchiks auront la main haute pour reprendre les rênes et continuer. Pierre Curzi serait de ceux qui se voient ainsi reprendre le flambeau des mains d’une Pauline démissionnaire. 

Un homme hier relativement méconnu du public a attiré l’attention dernièrement en ne proposant rien de moins que la formation d’un nouveau parti indépendantiste. L’idée de Jean-Martin Aussant n’est pas nouvelle. Régulièrement des initiatives de ce genre prennent forme, sans toutefois arriver à grand-chose de sérieux. Nous avons donc décidé de le rencontrer, question de voir ce qui se cache derrière la cravate et de juger de ses projets directement. Avec quelques militants du RRQ-Québec, j’ai donc rencontré M. Aussant le 22 août. Les membres du Bureau politique avaient proposé quelques questions à poser auxquelles nous avons ajouté certaines interrogations qui nous étaient propres.

D’abord, il convient de confirmer que Aussant a quitté le PQ et n’y reviendra pas dans les conditions actuelles. Si Marois démissionne, il n’exclut pas de se lancer dans la course à la chefferie du Parti. Autrement, il a sérieusement l’intention de fonder un nouveau parti, mais ne le fera que s’il juge pouvoir se lancer avec des appuis importants. Certaines rencontres qui se tiendront d’ici la fin août devraient être déterminantes pour la suite des choses, à ce qu’il nous a dit. Pour lui, le PQ actuel est trop concentré vers une prise du pouvoir qui se ferait sans trop parler du projet indépendantiste.

Le parti qu’il fonderait serait fermement indépendantiste, et l’ébauche de la plateforme sur laquelle il travaille serait basée sur des gestes forts, comprenant entre autres l’établissement d’un rapport d’impôt unique. Ces gestes seraient suivis par un référendum portant sur la constitution. Dans les statuts du parti serait intégrée une option de fusion avec tout autre parti partageant des buts similaires, advenant que le Parti Québécois se réoriente sérieusement ou que d’autres partis s’engagent aussi dans cette voie. Jean-Martin Aussant est en faveur de l’école obligatoire en français (excluant la minorité anglophone historique) jusqu’à 18 ans ou l’obtention d’un premier diplôme professionnel, ce qui de fait créerait l’entrée au cégep en français. L’obligation s’étendrait à l’obtention d’un premier diplôme pour les Québécois immigrés, sans égard à l’âge. De même, la question des ressources naturelles et d’une reprise de contrôle de l’État québécois sur Hydro-Québec est importante pour lui. Un gouvernement Aussant abolirait les dons privés aux partis politiques pour établir un système de financement étatique des partis politiques. Le Parti d’Aussant se limiterait à se financer à même de très petits dons individuels jusqu’à l’établissement d’une telle politique.

À ce jour, il a reçu quelques milliers d’appuis de partout au Québec. Il n’a pas formellement d’équipe constituée. Il n’y a pas non plus de structure particulière d’établie pour son parti. Si formation de parti il y a, elle devrait se faire d’ici les six prochains mois, démarrant possiblement aussi tôt qu’à l’automne.

À propos du RRQ, Aussant dit reconnaître la pertinence d’un tel mouvement, mais s’inquiète des dérapages possibles lors des événements d’actions directes (manifestations, désobéissances civiles, etc.). Il déplore la situation de quasi-duopole médiatique au Québec. Le parti d’Aussant n’exclurait pas la participation à des activités militantes sur le terrain, mais n’irait donc probablement pas aussi loin que le RRQ en la matière.

D’un point de vue personnel, Jean-Martin est ouvert, sympathique et blagueur. Il n’a pas la langue de bois et aborde les questions directement.

S’il lance réellement un parti avec l’attitude et le programme qu’il nous a présenté, monsieur Aussant a une longue route devant lui. Il sera de la responsabilité des militants indépendantistes d’être à ses côtés avec toute leur énergie et toute leur détermination. De gré ou de force, les indépendantistes motivés ont été mis au ban de leur mouvement depuis trop longtemps maintenant. Nous avons collectivement été relégués à un rôle de critique des incompétents qui ont contrôlé notre mouvement. Notre devoir collectif est de prouver que nous pouvons faire plus intelligent, plus fort, que nous pouvons vaincre. 

Pour lire la biographie de Jean-Martin Aussant.

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