Maintenir la cible de réduction des GES à 67% et non la réduire à 45%

Le projet de plateforme pour l’élection de 2022 du parti s’en tient à la cible du GIEC d’une baisse de 45% des GES à l’horizon 2030 par rapport à 2005 (ou par rapport à 1990 puisque par hasard les émanations de GES du Québec sont les mêmes pour les deux années). Rappelons que le congrès Solidaire de 2016 avait fixé une cible de 67% que le Conseil national du printemps 2018 a réduit à 45% pour motif d’urgence afin de se conformer au plan de réduction de GES de 2018 jamais ni discuté dans les instances de base du parti ni encore moins ratifié par un congrès ou un CN. Comme depuis lors le parti a renoncé à ce plan, le motif d’urgence a disparu et la décision du congrès de 2016 devrait être rétabli. (À remarquer que la cible de 67% est toujours celle inscrite au programme publié sur le site du parti à ce jour.) À tout le moins, le prochain congrès de novembre devrait être saisi du dilemme pour trancher d’autant plus que le programme, surtout pour des items de cette importance, relève statutairement du congrès.

La cible de 45% est aussi problématique quant au fond. Elle relève d’une recommandation du GIEC-ONU comme étant le minimum mondial nécessaire pour avoir deux tiers de chance que latempérature terrestre ne dépasse pas 1.5°C en 2100, ce qui est déjà joué à la roulette russe. Cette moyenne est établie sur la base d’une moyenne mondiale d’un ensemble de scénarios prévus qui ne tient pas compte de la responsabilité historique des anciens pays industrialisés, principe établi au Sommet de Rio en 1992. Cette cible pour le Québec signifie donc que Québec solidaire rejette ce principe officiel d’équité historique. Cette cible est d’autant plus insuffisante qu’elle ne tient pas compte non plus des trois secteurs manquants commodément exclus de l’Accord de Paris sur le climat : le militaire et les transport maritime et aérien internationaux. Pas plus qu’elle ne tient compte que le Québec importe plus de GES qu’il n’en exporte, de la Chine par exemple, pour satisfaire son économie basée sur la consommation de masse.

De plus, tous les scénarios du GIEC impliquent une importante augmentation du nucléaire et la majorité implique le recours à des technologies d’apprentis-sorciers de captage-enfouissement des GES et de forestation gargantuesque aux dépens des peuples autochtones et des paysans. Or le programme Solidaire spécifie qu’il « [é]liminera la filière nucléaire au Québec… » et « [r]ejèter[a] les fausses solutions techniques qui n’engagent pas de réelles réductions d’émissions des gaz à effet de serre (les agrocarburants, la géo-ingénierie, le stockage du carbone, etc.). »

Derrière cet ensemble de scénarios est embusquée une stratégie de dépassement de la cible de 1.5°C en 2050 pour soi-disant y revenir en 2100 grâce à la capture-séquestration et au nucléaire en supposant que ces très dispendieuses et très risquées technologies soient mises au point à temps. Cette stratégie de dépassement « temporaire » ne tient aucun compte des probables franchissements de points de bascule (effet albédo, fonte des glaciers de l’Antarctique et du Groenland, fonte du pergélisol, disparition des forêts tropicales, intensification des feux de forêt…) pour lesquels il n’y a pas de retour en arrière. D’autant plus que les événements extrêmes des dernières années, pires que prévus particulièrement cet été, suggèrent que la limite de 1.5°C n’est absolument pas à dépasser alors que le GIEC annonce qu’elle le sera plus rapidement qu’anticipé.

Pour vaguement tenir compte des insuffisances de la cible moyenne du GIEC, les cibles officielles telles qu’annoncées lors de la conférence internationale de la présidence Biden en avril dernier par les plus importants pays et ensemble de pays anciennement industrialisés dépassent 45%… sauf celle du Canada. Ces cibles officielles, traitées il est vrai de « bullshit » par Greta Thunberg tellement elles sont des paroles en l’air sans plan d’action sauf des fausses solutions, sont pour l’Union européenne 55% par rapport à 1990 — 52% par rapport à 2005, pour le Royaume-Uni 68% / 1990 — 62% / 2005, pour les ÉU 43% / 1990 — 50% / 2005, pour le
Japon 54% / 1990 — 50% / 2005. Quant au Canada abonné au pétrole bitumineux et au gaz de schiste, il se contente de maintenir la cible officielle du GIEC-ONU d’une baisse d’au plus 45% par rapport à 2005 (32% par rapport à 1990). C’est donc dire que la cible de Québec solidaire serait non seulement la même que celle du Canada pétrolier qui pourrait bien devenir celle du gouvernement du Québec d’ici les prochaines élections étant donné la pression internationale en vue de la COP-26 de Glasgow et après. Il est vrai que rajuster la cible à 67% nécessiterait de préciser un plan d’action crédible pour ne pas faire partie de la « bullshit » dénoncée par Greta Thunberg. Autrement la jeunesse écologique risque de s’apercevoir du discours du dimanche Solidaire à la mode GND et se détourner de Québec solidaire pour plutôt se laisser séduire par le nouveau parti Climat-Québec de Martine Ouellet ou tout simplement voter pour le parti abstentionniste.

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