Dans toute cette polémique du dernier mois, autour de SLÀV et sur l’esclavage, il y eut une bonne quantité de gens pour qui la tâche principale semblait être de maintenir la question raciale au centre de l’enjeu. Afin de rendre le sujet aussi simpliste que démagogique, plusieurs se sont donné pour mission de présenter l’esclavage comme une pratique collective issue des personnes qualifiées de « blanches » sur celles qualifiées de « noires ». L’esclavage et le servage qui sévirent pendant plusieurs milliers d’années en Europe, de l’antiquité à l’époque moderne, n’auraient aucune importance, puisque les descendants d’esclaves européens, devenus serfs puis aujourd’hui prolétaires, seraient coupables au même titre que les grandes familles qui se sont enrichies dans le commerce triangulaire.
Les centaines d’années qui se sont passées depuis la fin de cette pratique barbare ne seraient pas non plus suffisantes pour que l’accusation soit limitée aux contemporains de cette pratique, puisque l’écart de richesses entre nations « noires » et « blanches » actuelles s’expliquerait (selon eux) essentiellement par l’esclavage. Inutile de rappeler qu’il n’y a aucun lien entre l’esclavage et la richesse des nations, puisque le développement du capitalisme à imposé son abolition, mais qu’importe, puisque dans leurs têtes de justiciers racistes les « blancs » sont jugés collectivement coupables du sort collectif des « noirs ».
Pourtant, à l’intérieur des représentants médiatisés des afros-descendants du Québec, un son de cloche différent aurait pu être présenté. Soit celui du rappeur de Québec Webster. Même s’il ne semble pas avoir mis autant de nuance que l’on aurait souhaitée dans ses dernières interventions publiques, il est intéressant de rappeler sa pratique pédagogique réconciliatrice, lorsqu’il faisait ses tournées historiques des personnalités esclavagistes de la ville de Québec.
Je la qualifie de « réconciliatrice » puisqu’au contraire du discours de ceux qui vont jusqu’à interdire aux « blancs » la possibilité de commémorer l’esclavage dans leurs arts, celui-ci n’hésitait pas à présenter la pratique de l’esclavage dans toute sa complexité et ne tombait pas dans les amalgames racistes[1]. Webster va jusqu’à briser ce grand tabou des justiciers sociaux, c’est-à-dire que la responsabilité de la traite transatlantique se verrait à la pâleur de notre peau. Tout en niant que l’élite africaine de l’époque put également bénéficier de ce commerce, comme pour tout autre. La guerre des classes en Afrique est pourtant bien plus évidente qu’ici!
Dans le présent contexte, il est souhaitable qu’une personnalité comme Webster ait le courage d’avouer qu’il est lui aussi l’héritier de cette pratique, puisque, selon lui, son propre père est issu de la noblesse wolof sénégalaise, qui a longtemps pratiqué le commerce et l’esclavage d’êtres humains[2].
L’idée dernière ce constat n’est pas de se donner ou d’enlever des points de bonne conduite à sa généalogie, puisque nous n’en avons aucunement la responsabilité. Cependant, il bien de rappeler que ce n’est pas des « hommes blancs » qui ont eu et/ou se sont enrichi sur la traite transatlantique, mais surtout des « hommes riches » et leurs familles. Si ces hommes riches étaient majoritairement blancs, les seigneurs d’Afrique n’étaient certainement pas sans responsabilités dans l’affaire !
Le crime que constitue l’esclavage n’est pas une responsabilité, qui doit retomber sur les épaules d’une quelconque collectivité ethnique ou religieuse. Surtout pas au Québec, où la richesse s’est faite essentiellement sur le dos du prolétariat francophone. Non, l’esclavage est un crime qui concerne l’ensemble de l’humanité. Il s’agit d’un héritage collectif qui doit nous servir d’élément de base à la compassion que nous devons aux présentes victimes de l’exploitation capitaliste. Le Québec n’est certes plus cette nation exploitée de jadis, mais, comme les descendants d’esclaves, nous conservons cette mémoire en nous et souhaitons le respect.
Si nous voulons sortir grandis de cette histoire, nous devons cesser d’entretenir les mauvais prophètes, qui (appuyés par ces tabloïdes « putaclics » et leurs richissimes propriétaires) aime à diviser les masses laborieuses sur des bases aussi inopérantes que la « race » afin que jamais nous ne soyons capables de leur faire face. Cette réduction racialiste du problème a uniquement pour aboutissement de nuire au vivre ensemble et engendre la haine. Les victimes du capitalisme actuel doivent s’unir bien au-delà des races et des frontières, afin de faire face à l’esclavage salarial contemporain.
Commémorons les crimes d’hier, mais gardons en tête ceux d’aujourd’hui. Nous avons encore tant à bâtir !
[hr gap= »30″]
[1] « Je ne le fais jamais pour culpabiliser, mais pour démontrer que nous avons une histoire plurielle depuis les débuts de la colonie. » Webster
[2] « Mon père faisait partie de la noblesse sénégalaise, dans l’empire wolof. Ils avaient des esclaves. Du côté de ma mère, c’est fort possible » Webster