Le prochain conseil national introspectif et disciplinaire de Québec solidaire

Un défi pour les démocrates du parti et la militance pour un parti de la rue

Pour le prochain conseil national (CN) de Québec solidaire à la fin novembre, l’ordre du jour proposé invite à se concentrer sur la régie interne du parti à l’exception, pour la campagne politique, d’une seule heure sur 1.5 jour de réunion alors que la conjoncture de profonde crise crie pour un plan de relance anti-pandémie et pro-climat sans compter les débats suscités par les mobilisations anti-racistes. Et la majeure partie de cette régie concerne la discipline dans le parti ce qui n’invite nullement à l’approfondissement de la démocratie interne dans le sens de stimuler les débats. On constate aussi que la direction veut prolonger l’expérience des webinaires qui lui avait si bien servi pour mettre en quarantaine la démocratie interne au printemps dernier et qui lui permet un contact populiste et non statutaire à la Podemos avec les membres par-dessus la tête des associations locales et de leur militance. Pour combler la mesure, la direction du parti a réinterprété arbitrairement et étroitement l’amendement voté de la Commission politique, soutenu par cinq ou six associations de circonscriptions, concernant les revendications de la campagne politique, amendement dont elle a clairement laissé voir au dernier CN qu’elle n’en voulait pas et qu’elle ignore depuis lors (Voir sur mon blogue « Assistons-nous à la normalisation verticaliste de Québec solidaire en tant que parti social-libéral nationaliste, un NPD à la québécoise ?, 12/10/20).

Cet ordre du jour mériterait d’être contesté pour l’axer sur nos priorités stratégiques. Ce CN se distingue aussi par de nombreuses élections qui ont suscité l’appel à une réunion des Solidaires pour la démocratie interne (SDI) sur ce seul sujet. Ces élections concernent cinq postes au Comité de coordination national incluant le Secrétariat national mais excluant les postes-clefs des deux porte-parole et de la présidence élus dorénavant pour quatre ans. S’ajoutent douze des quatorze postes de responsables de commissions thématiques à la Commission politique, les quatre postes au Comité démocratie participative et le poste de responsable aux élections internes. Comme d’habitude les quelques candidatures déjà annoncées le sont, sauf erreur, sur une base individuelle. L’occasion est belle pour SDI et la militance pour un parti de la rue de se faire la main en présentant une équipe au moins sur quelques postes et, le cas échéant, soutenir l’une ou l’autre candidature déjà connue. Encore faudrait-il s’entendre sur une plateforme de quelques revendications nettes, précises, concrètes, irrécupérables débloquant la démocratie interne et surtout pavant la voie au plan de relance et à la lutte anti-raciste. Ce sont là d’ailleurs les deux côtés de la même médaille car c’est le refus d’écouter les décisions de la base, comme en témoigne le dernier CN, qui entraîne le ratatinement de la démocratie interne.

Pour les aspects programmatiques il me semble que le dernier CN a tracé la voie ce que pourrait compléter les revendications de la manifestation climatique commémorant la grande manifestation Greta Thunberg de l’an passé boudée par le Front commun pour la transition écologique (Québec ZÉN) et Québec solidaire pour cause surtout de radicalisme trop prononcé (Marc Bonhomme, Québec – D’un septembre à l’autre à Montréal, une manif climat de 500 000 à des milliers, ESSF, 27/09/20). Les éléments de l’amendement de la Commission politique qui ont fait sauter les plombs de la direction et ceux radicaux de la manifestation climat étaient les suivants :

1. Instaurer la gratuité immédiate des transports en commun
2. Développer une industrie publique de production de matériel roulant électrifié
3. Embauche de 250 000 personnes dans le secteur public et communautaire
4. Nationalisation les secteurs de transport collectif, des secteurs privés de la santé et de l’éducation
5. Régularisation de toutes les personnes migrantes
6. Définancement et démilitarisation de la police
7. Reconnaissance pleine de la souveraineté autochtone sur toutes leurs ressources naturelles

Ces revendications en plus d’être alignées sur la conjoncture des crises climatique, économique et identitaire sont les fers de lance politiquement efficaces qui défoncent la porte vers des plan d’ensemble qui meublent un projet de société alternatif tout en sortant du cercle vicieux de ces plans grandioses de lendemain qui chante mais complètement inopérants politiquement parlant car sans ligne stratégique. Manquent l’une ou l’autre revendication proprement féministe (#moiaussi) et indépendantiste (le retour du bilinguisme assimilateur) qui à la fois collent à la conjoncture et nous démarquent de la direction du parti. À mon avis, la revendication des 250 000 est la plus holistique que ce soit par rapport aux crises économique (création massive d’emplois), climatique (prendre soin des gens sans retour à la normale), identitaire et féministe (embauche importante de travailleuses racisées) et nationale (se démarquer du Canada pétrolier et financier).

La quarantaine printanière de la démocratie interne retardant indûment un CN finalement fait à la va-vite suggère comme fil de plomb le renforcement du CN pour en faire le lieu réellement existant de la direction du parti. C’est-à-dire un CN trois fois l’an congrès compris, par exemple septembre, janvier, mai, auquel est rattaché comme maintenant la Commission politique mais dont les comités thématiques comptent des élus régionaux en plus des volontaires et qui fait régulièrement rapport au CN et dont la représentation au CN et congrès serait bonifiée. Se rattacheraient au CN des comités élus, permanents ou temporaires, pour l’encadrement du travail parlementaire et celui du personnel permanent, pour la direction stratégique, la direction des campagnes politiques et celle électorale, un comité de formation et un de mobilisation auquel serait rattaché les réseaux du parti avec un droit minimal de représentation au CN. Ainsi c’est le parti de la militance qui de facto prendrait en mains le parti et non pas l’aile parlementaire.

Évidemment sans militance pour aller au front de la lutte électorale interne, tel est le défi, le décollage d’une telle plateforme attendra un jour meilleur. En attendant, il faudra réchauffer les moteurs.

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