Quelques jours avant les élections, je distribuais des tracts dans mon quartier, à Gatineau. Soudain, un jeune homme sort de sa maison et me crie: «You, fucking separatist. You are a traitor. Why don’t you go away and live somewhere else? This is Canada. I should call the police and have you arrested.» Je n’avais pas entendu une telle manifestation d’agressivité depuis des années. L’homme était très agité. Ayant avant tout le souci de préserver la bonne réputation de mon parti politique, je continuai mon chemin.
Concentré que j’étais sur la campagne électorale au Québec, je n’avais pas pris le temps, depuis un mois, de consulter les médias du Canada anglais. Mais l’incident me mit la puce à l’oreille. Je tombai sur deux articles: «Slim pickings for Quebec voters», publié par l’Ottawa Sun, propriété de Québecor, et «Quebec’s choice: experience, experiment – and disaster», un éditorial du Globe and Mail. (Voir le «tsunami de haine» compilé par AmériQuébec, l’article de Richar Le Hir, «Pauline Marois visée», l’échantillon de prose haineuse de Park Avenue Gazette du 4 décembre 2010, dans le dossier «Ottawa et les fédéralistes», ainsi que la réaction odieuse de Maryse Gaudreault.)
Selon le Sun, journal de la capitale d’un pays qui ne cesse de se congratuler pour ses grandes vertus démocratiques, le PQ de Pauline Marois signifie violation des droits des anglophones, intolérance religieuse, stigmatisation des minorités visibles, fascisme et xénophobie. Dans cet ordre exactement. Lisez vous-mêmes, je n’invente rien.
Quant au Globe and Mail, il écrit que les «séparatistes», donc un bon 40 % de la population du Québec, ont des points de vue irrationnels, extrêmes et pervers. Ils n’aiment ni la prospérité, ni l’innovation, ni les gens qui ne pensent pas comme eux. Le PQ est un parti isolationniste qui cultive la peur. Le nationalisme culturel de Mme Marois suscite l’intolérance.
Pour la plupart des Québécois, fédéralistes ou indépendantistes, de telles descriptions ne sont pas dignes de grands journaux lus par des millions de personnes. Certains qualifieraient ces propos de mauvaises caricatures et d’autres, de délire pure et simple. On pourrait en rire si les conséquences n’étaient pas aussi graves.
À 23 h 57, le 4 septembre, les Québécois ont vécu en direct un attentat qui a couté la vie à un homme, Denis Blanchette, qui en a blessé un autre, Dave Courage, et qui aurait pu faire beaucoup plus de victimes parmi les militants du Parti Québécois rassemblés pour fêter leur victoire. Radio-Canada s’est mise à répéter sans cesse qu’il s’agissait d’un acte isolé de la part d’un déséquilibré. Vraiment? Les propagandistes de Radio-Canada feignent d’ignorer les brulots de la presse assassine du Canada anglais ou en minimisent l’importance. Et ils n’ont jamais essayé de distribuer des tracts pour un parti indépendantiste à Gatineau.
Nous savons bien ce qui se passe, et, déjà, hors des médias sous contrôle de l’oligarchie fédéraliste, des gens l’ont dit et écrit, de Pierre Dubuc à Mario Beaulieu, en passant par Paul Cargnello et Jean-Pierre Charbonneau, même si ce dernier s’est fait rapidement couper la parole par Anne-Marie Dussault sur les ondes de RDI, le 5 septembre. L’attentat est peut-être l’œuvre d’un déséquilibré, mais les médias du Canada anglais en sont largement responsables.
Les manifestations nombreuses d’animosité envers les indépendantistes québécois résultent d’un lavage des cerveaux en bonne et due forme. Il y a une différence fondamentale entre Marc Lépine et Richard Henry Bain: aucun média du Québec n’a jamais propagé la misogynie. Et si un plouc a pu le faire sur une radio-poubelle satellite, il s’est fait vertement rabrouer. À l’inverse, dans les médias du Canada anglais, il est parfaitement normal de susciter la haine envers les indépendantistes québécois, même si ces derniers sont l’incarnation même de la démocratie. Et ça fait des dizaines d’années que ça dure.
Ceux qui étaient devant leur téléviseur pendant le discours de Pauline Marois sont restés médusés. La scène était surréaliste. On se serait cru ailleurs. Comme moi, beaucoup de Québécois n’avaient pas lu les journaux du Canada anglais depuis un bout de temps. Le «réveil» a été brutal, pour reprendre un mot du meurtrier.
Quand la presse assassine prépare la guerre
S’il saute aux yeux de tout Québécois que la presse du Canada anglais déraille sérieusement lorsqu’elle parle du Québec, au point d’inciter les gens à la violence, les mêmes Québécois se laissent complètement berner par leur propre presse lorsqu’il est question des autres peuples. Bien sûr, la presse québécoise ne nous incite pas à détester les Canadiens anglais, loin de là. On voudrait même nous faire croire qu’ils sont tous bien intentionnés et que les articles haineux ne sont qu’un «épiphénomène», expression qu’avait employée Marc Laurendeau lorsqu’il avait interviewé Patrick Bourgeois à Radio-Canada, au sujet du livre Québec Bashing.
La presse québécoise, à commencer par Radio-Canada, nous invite plutôt à détester d’autres personnes autant que les Canadiens anglais nous détestent. Nous baignons littéralement dans une féroce propagande, et cette propagande a pour but de nous préparer à d’horribles guerres que nous financerons avec nos impôts. Les adversaires économiques du grand capital apatride basé à Wall Street doivent être systématiquement dépeints comme des malades mentaux pour que l’empire et ses vassaux, comme le gouvernement d’Ottawa, puissent nous faire avaler qu’il est normal et souhaitable de détruire des pays entiers et de massacrer des dizaines de milliers de personnes pour les délivrer prétendument de l’oppression, au nom de la démocratie et de la défense des droits de la personne.
Les adversaires à abattre sont la Russie et la Chine, mais pour les lâches de Washington, il est plus facile de gruger la sphère d’influence de ces pays que de s’attaquer à eux de front. On commence par les hors-d’œuvre, puis on passe à la soupe et enfin, au plat de résistance. Hier la Côte d’Ivoire et la Libye, aujourd’hui la Syrie et demain l’Iran.
Le Canada vient d’expulser les diplomates iraniens. Nous savions depuis des mois qu’une guerre majeure se préparait. Nous en avons parlé à plusieurs reprises depuis l’automne 2011, dans cette chronique. Nous savons maintenant que cette guerre éclatera très bientôt.
PressTV pourfend le gouvernement raciste du Canada, laquais d’Israël et de la Grande-Bretagne. Les indépendantistes québécois auraient intérêt à s’informer dans la presse iranienne de temps à autre et à faire circuler ses articles dans les médias sociaux pour lutter contre la propagande de Radio-Canada.
Les conseils aux voyageurs prodigués par le ministère des Affaires étrangères sont révélateurs: dans le cas de l’Iran, il faut «éviter tout voyage», depuis hier. Le même avertissement a été diffusé peu de temps avant le bombardement d’Abidjan, en avril 2011, peu de temps avant le bombardement de la Libye et peu de temps avant la montée en puissance des opérations terroristes en Syrie.
Donc, les bombes sont déjà en route. L’Iran doit être détruit coute que coute. La presse du Québec aussi est assassine. Elle est complice de meurtres de masse légitimés par le «devoir d’ingérence» et un gros paquet de mensonges. Mais il est désespérant de voir que, même dans les cercles indépendantistes les plus convaincus, où l’on s’offusque en lisant les éditoriaux du Globe and Mail, nombreux sont les Québécois pourtant politisés qui se laissent duper naïvement lorsque la même presse, version québécoise, leur parle des autres pays.
Ainsi, par exemple, l’affaire Pussy Riot fait la manchette à Radio-Canada depuis des semaines. On nous la sert à toutes les sauces. Hier soir, il en était question dans le segment culturel du Téléjournal. Des camarades indépendantistes qui m’écrivent de temps à autre ont même senti le besoin d’épouser la cause des trois prétendues résistantes de ce groupe punk cagoulé. Pourtant, les manifestations d’appui à Pussy Riot, en Russie, ne réunissent que quelques dizaines de personnes. Les manifestations sont beaucoup plus populaires dans les pays où la propagande médiatique des CNN et autres Radio-Canada règne sans partage.
L’affaire Pussy Riot a été tout simplement montée en épingle par les médias de l’oligarchie chargés de nous laver le cerveau et de nous faire croire que Vladimir Poutine est un dictateur corrompu. En fait, on pourrait dire sans exagérer que M. Poutine est un ange comparativement à John James Charest, Stephen Harper ou Thomas Mulcair. M. Poutine a un sens moral, ce que les trois autres n’ont pas. Son pays ne bombarde pas des femmes et des enfants pour leur apporter la civilisation. Mais, me direz-vous, niè-je que les pauvres petites dames chanteuses ont été condamnées à une peine de deux ans de prison? Bien sûr que non. Toutefois, il y a un petit détail qu’on ne vous a pas expliqué.
Les médias occidentaux sont passés maitres dans l’art du mensonge, des opérations psychologiques et des lavages de cerveau en tous genres. Alors, pour que nous ne comprenions rien à l’affaire, Radio-Canada dit toujours que les trois membres de Pussy Riot ont été incarcérées pour avoir chanté une «prière anti-Poutine dans une église». Radio-Canada ne nous dit pas que la prière aurait pu être anti-Obama, anti-Charest ou antivégétarisme. Peu importe, ce n’était pas vraiment une prière. C’était une profanation d’un lieu saint. Et une profanation grossière, de surcroit. Voilà pourquoi elles ont été condamnées. Rien à voir avec la liberté d’expression. Si elles avaient fait leur petit numéro dans la rue, il ne leur serait rien arrivé. Anti-Poutine ou pas.
Au lieu de parler des pauvres chattes incarcérées par les méchants Russes, Radio-Canada pourrait nous tenir au courant des innombrables injustices du système judiciaire aux États-Unis, à commencer par les cinq Cubains et Sami Al-Arian. Mais pas de danger que ça arrive. Washington ne veut pas. Si vous voulez être informés, n’écoutez surtout pas Radio-Canada, qui choisit ses sujets selon la politique du Département d’État.
Nos adversaires sont de vulgaires terroristes
Les adversaires du mouvement indépendantiste québécois, à Ottawa et à Bay Street, sont de vulgaires terroristes. Il serait temps que nous en prenions acte et que nous comprenions aussi, à l’inverse, qui sont nos alliés objectifs. Les Iraniens font partie de nos alliés objectifs. Les peuples désobéissants sont nos alliés. Pas la France de Sarkozy ou Hollande, ni le Royaume-Uni de Cameron, bien sûr, et encore moins les États-Unis. Pourquoi? Parce que les peuples qui désobéissent aux dictats de Wall Street et de ses valets politiques luttent contre les mêmes adversaires que nous.
Lorsqu’on y regarde de près, on s’aperçoit que, malgré ce que nous pouvons ne pas aimer dans la riche culture ou le système politique iranien — mais qu’il ne nous appartient ni de juger, ni de combattre à la place des Iraniens eux-mêmes —, l’État iranien est beaucoup plus fréquentable que le régime d’Ottawa, qui ose lancer des accusations d’antisémitisme alors qu’il est lui-même complice ou exécutant de quelques-uns des pires massacres de l’histoire récente, y compris le génocide rwandais, le perpétuel calvaire des Congolais, la guerre en Yougoslavie, l’occupation meurtrière de l’Afghanistan, le bain de sang en Côte d’Ivoire et la destruction de la Libye. À l’inverse, l’Iran n’a attaqué personne depuis longtemps.
Contrairement aux accusations d’antisémitisme du communiqué diffusé aujourd’hui par le ministère des Affaires étrangères, il existe en Iran, depuis très longtemps, une communauté juive qui se porte très bien et qui ne souffre d’aucun pogrome. Pas même de la moindre discrimination. Mais Radio-Canada ne nous parle jamais des juifs d’Iran. Alors, nous gobons les mensonges de John Baird, de Stephen Harper et des autres donneurs de leçon sionistes qui applaudissent pendant qu’Israël largue des bombes au phosphore sur les enfants palestiniens.
Le comportement belliqueux du Canada envers l’Iran, la Syrie ou d’autres pays désobéissants a un lien direct avec le combat pour la souveraineté du Québec. La même presse assassine qui répand des calomnies à propos des indépendantistes québécois répand également des calomnies à propos de ces pays, avec des conséquences très graves. Les ennemis de l’Iran et de la Syrie sont les ennemis du Québec.
Ni l’Iran, ni la Syrie n’ont jamais agressé le Québec, loin de là. Si Harper veut les mettre à feu et à sang en compagnie de ses copains psychopathes de Washington, Londres, Paris, Berlin, Riyad, Doha ou Ankara, qu’il le fasse avec son argent. S’il veut de la chair à canon, qu’il aille la chercher en Alberta. Pas au Québec.
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Cinéma vérité
Des centaines de civils ont été massacrés dernièrement à Daraya, en Syrie, par les terroristes amis d’Ottawa, qui ment effrontément en blâmant systématiquement Bachar el-Assad. Dans un article publié le 29 aout 2012, le journaliste britannique Robert Fisk raconte les évènements dont il a été témoin sur place. Les terroristes en Syrie viennent en grande partie de l’étranger. Ce ne sont pas des soldats syriens ayant déserté comme nous l’a maintes fois raconté Radio-Canada. On trouve parmi eux beaucoup d’intégristes sanguinaires qui n’hésitent pas à commettre les crimes les plus abominables contre la population civile. Leur modus operandi consiste à prendre en otage des villages ou des quartiers et à forcer la population à manifester contre le gouvernement, même si elle ne les appuie pas du tout. Quand l’armée essaie de les déloger, ils exécutent leurs otages. Les faux rebelles appuyés par Ottawa commettent de graves crimes de guerre, et Ottawa en est pleinement conscient, donc est complice de ces crimes.
Entretien avec Vladimir Poutine sur les ondes de Russia Today
Vladimir Poutine en entrevue sur les ondes de Russia Today. L’entrevue a été diffusée le 6 septembre 2012. Il y est question notamment de Pussy Riot, de Julian Assange et de la Syrie.