Traduction libre de l’article Israel/Palestine: The Marxist left, the national conflict and thePalestinian struggle
La nécessité d’une approche de classe et d’une alternative socialiste
Le Socialist Struggle Movement (Mouvement de lutte socialiste) participe à la lutte pour mettre fin à l’occupation et à l’oppression nationale des Palestinien·ne·s et pour une paix juste fondée sur l’égalité entre les deux groupes nationaux, y compris un droit égal à l’existence, l’autodétermination, la sécurité personnelle et le bien-être.
L’escalade continue dans le conflit israélo-palestinien intensifiant la polarisation nationale et les tendances destructrices dans la société israélienne. Les horreurs de la guerre de Gaza en 2014, l’image de la victoire du parti Likoud aux élections de 2015, les attaques brutales et meurtrières constantes du régime israélien contre les Palestinien·ne·s (qui ne sont rien d’autre que du terrorisme d’État), les attaques contre les libertés démocratiques et la persécution politique accrue contre les député·e·s palestinien·ne·s (membres du Knesset, le parlement israélien) et des activistes anti-occupation parmi le public juif – tout cela a contribué à renforcer les humeurs pessimistes, d’abord parmi les Palestinien·ne·s des masses, y compris parmi le public arabo-palestinien en Israël, parmi plus les couches de gauche dans le public juif et parmi la gauche des deux groupes nationaux. En fait, la gauche en Israël est en crise ces jours-ci, comme on peut le voir ouvertement, entre autres, dans la direction du Parti communiste et Hadash (Front démocratique pour la paix et l’égalité – établi et contrôlé par le PC).
Un sondage mené par Pew Research au cours du premier semestre de 2015 a montré que 48% des juifs traitaient positivement l’idée d’un transfert ou expulsion de résident·e·s arabes du territoire israélien. Ce chiffre s’ajoute à d’autres caractéristiques importantes du chauvinisme national d’une large couche dans le public israélien. Néanmoins, ce n’est pas un consensus absolu et il faut prendre en compte, par exemple, que 46% du public juif ou 58% des Juifs·ves laïques, ont exprimé leur opposition à cette idée. Parallèlement, le sondage Peace Index de janvier a mis en évidence une polarisation de la population juive entre 45% qui soutiennent et 45% qui s’opposent à l’idée d’annexer à Israël les territoires occupés saisis en 1967.
Parmi les masses palestiniennes, en particulier dans les territoires de 67, il y a une fois de plus un retrait significatif de l’appui à une position de « deux États », dans une mesure qui n’a pas été observée depuis plusieurs années. Les sondages d’opinion menés par des organisations palestiniennes pendant un certain temps reflètent constamment le manque de confiance dans la possibilité d’une solution au conflit et de la libération de l’oppression nationale. Ces humeurs expriment l’écœurement des promesses frauduleuses pour un « futur État », qui conduisent jusqu’ici à l’aggravation de l’oppression, l’extermination de masse et à la construction de colonies galopantes à Jérusalem-Est et en Cisjordanie. De plus, le régime Netanyahou montre clairement qu’il continue de s’opposer fermement à la création d’un État palestinien.
Cependant, l’idée d’un État binational israélo-palestinien est toujours rejetée par une majorité encore plus grande de Palestinien·ne·s, car en fait, cela revient à abandonner la demande d’un État-nation palestinien indépendant (comme le reflètent systématiquement les sondages d’opinion, par exemple le sondage du CCMM au début de mars). Bien qu’il existe un sentiment de sympathie pour l’ancien programme de l’OLP (Organisation de libération de la Palestine) visant à créer un État-nation arabo-palestinien sur l’ensemble du territoire à l’ouest du Jourdain, cela n’est pas perçu comme un programme pratique. Un tel programme est en effet une utopie nationale bourgeoise. Ni l’OLP, ni les partis politiques palestiniens, le Fatah et le Hamas, n’ont de voie à proposer pour « occuper » Israël, qui est aujourd’hui la plus puissante puissance militaire de la région. Ainsi, les dirigeants pro-capitalistes de ces deux partis cherchent en dernière analyse à s’appuyer sur des alliances avec les puissances impérialistes pour que ceux-ci fassent pression sur Israël pour obtenir des concessions.
En réponse aux attaques de l’État et à la réaction nationaliste du public juif, une tendance à la réclusion nationale des Palestinien·ne·s en Israël a été renforcée. Il y a une couche de jeunes qui se radicalisent et ont tendance maintenant à se référer avec suspicion et cynisme, non seulement à l’idée de « deux États », mais aussi à des slogans sur la « paix », la « coexistence » des deux nationalités, ainsi qu’aux mouvements sociaux qui se développent parmi les travailleurs·euses et les jeunes dans le public juif israélien. Cette couche n’a aucune confiance dans la possibilité d’une lutte commune des travailleurs·euses et des jeunes des deux groupes nationaux sur les conditions de vie et contre la discrimination, l’exploitation et l’oppression – ce qui est souvent considéré comme l’abandon d’une lutte sérieuse pour la libération nationale.
Le renforcement périodique de ces approches, qui reflète parfois la rationalisation du désespoir politique, n’est pas surprenant, compte tenu de la rhétorique hypocrite du régime israélien, de la faiblesse de la gauche dans le public israélien, de l’expérience des dernières décennies et en particulier de l’expérience des accords d’Oslo, qui ont été promus sous de faux slogans sur la paix, mais qui ont assuré la continuation de l’oppression nationale sous d’autres formes brutales. À cela s’ajoute le dangereux chauvinisme national, exprimé aussi par un soutien scandaleux aux attaques sévères contre les Palestinien·ne·s, caractéristiques des dirigeant·e·s de la Histadrout (la principale organisation syndicale), du parti travailliste et du Meretz, les partis israéliens de gauche. En outre, les approches chauvines camouflées des mouvements libéraux, telles que « Peace Now », qui répandent des slogans sur la paix mais ne rejettent pas systématiquement et de façon radicale l’oppression des Palestinien·ne·s.
À cette couche de jeunes Palestinien·ne·s poussé·e·s à la lutte, il n’y a pas d’alternative socialiste claire ou de gauche visible devant les programmes impérialistes frauduleux. Les mouvements politiques de gauche, en premier lieu le PC et Hadash, ont contribué à répandre des illusions dans les accords d’Oslo et dans des programmes similaires – et qui n’ont pas encore corrigé leur position – en assument une certaine responsabilité.
Le phénomène des Juifs et des Arabes se photographiant, en particulier sur les lieux de travail, avec le message « Juifs et Arabes refusent d’être ennemis », ou manifestations conjointes de résident·e·s sous ce message, pour protester contre l’escalade de la violence nationaliste, est plutôt marginal, mais ce serait une erreur de le minimiser. C’est une réponse sincère et courageuse qui contribue à saper la réaction nationaliste dans la société et à promouvoir la solidarité de classe. Néanmoins, des slogans amorphes sur la « coexistence » et le « partenariat judéo-arabe » dans une réalité de séparation nationale profonde et d’oppression nationale brutale de l’opinion arabo-palestinienne ne peuvent pas suffire. Une véritable lutte politique commune des travailleurs·euses et des jeunes des deux groupes nationaux exige, en bout de ligne, un programme pour l’élimination de toutes les formes de discrimination et d’oppression nationale des Arabes et des Palestinien·ne·s, et de manière générale.
Faire progresser une lutte aussi large est l’une des tâches importantes de la gauche socialiste parmi les deux groupes nationaux. Le mouvement de lutte socialiste s’oppose complètement à la répression politique et à la violente chasse aux sorcières menée contre le public arabo-palestinien en Israël, indépendamment des controverses politiques avec d’autres mouvements, y compris de la droite palestinienne. Nous avons explicitement, et de manière explicative, opposé la mise hors la loi du Mouvement Islamique du Nord – une démarche hypocrite et dangereuse destinée à aider le régime israélien à viser les populations arabo-palestiniennes et musulmanes en Israël comme des boucs émissaires, destinés à criminaliser et réprimer les luttes politiques parmi ce public et envoyer un message menaçant à d’autres mouvements politiques en conflit avec le régime, d’abord les mouvements palestiniens, mais pas uniquement.
L’absence de mouvements sociaux de travailleurs·euses et de jeunes en Israël, depuis le mouvement de protestation de 2011, permet de renforcer la perception isolationniste de la « politique identitaire » parmi les groupes opprimés dans la société. Dans ce contexte, de nombreux militants concluent que la lutte politique contre l’oppression nationale des Palestinien·ne·s nécessite une stratégie basée sur « l’unité nationale » qui traverse les classes sociales et les approches politiques. C’est aussi une réponse aux mesures de répression et à la politique du « diviser pour régner » utilisée par le régime israélien. Il essaie de déchirer les masses palestiniennes sur une base géographique, religieuse et ethnique – y compris en encourageant le militarisme israélien et le projet militaire des citoyens arabes en Israël – nuisant ainsi au potentiel d’une lutte large et efficace contre l’oppression nationale. Le rejet de l’instigation du conflit ethnico-religieux est définitivement juste, tout comme la compréhension qu’un mouvement large et fort est nécessaire.
La forme embryonnaire de l’État policier capitaliste représenté par l’Autorité palestinienne du Fatah et de l’OLP, et son parallèle dans sa version islamiste dirigée par le Hamas dans la bande de Gaza, sont un signe avant-coureur de la direction dans laquelle les dirigeants pro-capitalistes de droite peut mener. L’atténuation des différences politiques au sein de la minorité arabo-palestinienne au nom de « l’unité nationale » finit par faire le jeu de la droite israélienne, qui cherche à isoler ce public afin de faciliter la politique de répression.
Dans la perspective des élections de 2015, malheureusement, Hadash n’a pas insisté pour proposer une alternative de gauche de premier plan au niveau national. Au lieu de cela, il a capitulé devant les pressions et s’est associé à la fondation de la « liste commune », en tant que coalition de forces de gauche et de droite dans le public palestinien, y compris les forces pro-capitalistes et conservatrices. La gauche est l’aile nécessaire pour faire les concessions significatives dans cette alliance. Le profil national du Hadash, en tant que force de gauche la plus importante à ce niveau, a été obscurci. Comme nous l’avions prévu, malgré les discussions sur un développement « historique », la liste commune n’a pas, jusqu’à présent, mené de lutte significative et n’a pas réussi à présenter des résultats essentiels. Elle reste « neutralisée » dans le domaine parlementaire et, par conséquent, a également déçu des couches de partisans qui y ont placé leurs espoirs.
Les couches plus larges du public arabe, dont la majorité vivent sous le seuil de la pauvreté et subissent une offensive quotidienne en raison de leur origine nationale, s’intéressent, à long terme, à des solutions pratiques aux problèmes criants de la pauvreté et de la discrimination. Mais les forces politiques sur la liste n’arrivent pas à esquisser un objectif de lutte efficace pour le changement – elles n’arrivent pas à mettre de l’avant une véritable opposition à la droite israélienne, la domination de Netanyahu, l’oppression nationale et le capitalisme israélien. Les faiblesses du programme politique, y compris en ce qui concerne le changement socialiste, et le manque de confiance dans les luttes de la classe ouvrière et des masses, sont à l’origine de l’approche étroite du Hadash dans le domaine parlementaire et l’orientation des campagnes électorales. Cela se fait d’une manière presque détachée de la construction d’une lutte extra-parlementaire, et cette approche se reflète également dans des alliances politiques sans principes.
Certains dirigeants du Parti communiste peuvent prétendre que leur approche est « pratique » pour changer la réalité dans des circonstances complexes. Bien sûr, les organisations politiques sérieuses doivent examiner quand il est nécessaire de changer les demandes et les tactiques. Mais pour la gauche marxiste, de tels changements devraient être faits sur la base d’une approche de principe et de classe. Malheureusement, ce n’est pas l’approche de la direction du PC, qui a tendance à adopter une approche réformiste qui affaiblit la gauche, car elle nourrit des illusions de solutions dans le cadre de la société capitaliste, garde des couches larges dans un rôle relativement passif et abandonne la construction d’une lutte politique basée sur la classe ouvrière dans la société. La même logique conduit le PC et Hadash à se ranger du côté de l’impérialisme russe, du régime Assad et du Hezbollah dans la guerre civile en Syrie, en tant que forces jouant un rôle « progressiste », selon la tradition stalinienne de tendre aux forces en conflit avec les puissances impérialistes occidentales.
D’autre part, si les forces de gauche à Hadash avaient adopté une approche de classe et un programme socialiste de manière centrale et proéminente, ils auraient pu utiliser beaucoup plus efficacement leur poids relatif au niveau national afin de défier les forces de droite dans les deux groupes nationaux. Notre organisation au niveau national et international est pleinement engagée à promouvoir la solidarité internationaliste avec la lutte des masses palestiniennes pour la libération de l’oppression nationale, et s’engage également à contribuer à la discussion en ce qui concerne la façon dont cette lutte pourrait être gagnée.
D’une manière générale, et compte tenu des ambitions actuelles et de l’intensification brutale des mesures répressives à l’encontre des Palestinien·ne·s, ne serait-il pas opportun de promouvoir actuellement un programme de « deux États » pour résoudre le conflit? Dans le contexte du Moyen-Orient capitaliste d’aujourd’hui, le sens de cette revendication est en effet la fondation d’un État fantoche néo-colonial pour les Palestinien·ne·s, et non une véritable indépendance nationale. Les problèmes fondamentaux des masses palestiniennes ne seraient pas résolus et le conflit sanglant continuerait.
Par contre, l’idée d’un État binational est complètement utopique dans un contexte capitaliste – la majorité décisive des deux nationalités ne sont pas intéressées à renoncer à l’indépendance nationale et à partager un seul État, et même si un tel État serait contraint, il serait basé sur l’inégalité et un schisme national profond. Ce fait souligne qu’à ce stade, même si le mot d’ordre de « deux États » suscite de plus en plus de suspicion, l’idée d’une solution basée sur deux États nationaux – mais dans un contexte socialiste – est encore nécessaire. À ce stade, avancer un programme qui propose une solution sous la forme d’un État commun pour les deux nationalités, même un État socialiste, n’est pas capable de fournir une réponse fondamentale aux peurs, aux soupçons et au désir intense d’indépendance nationale pour les deux groupes nationaux. Néanmoins, le rôle de la gauche marxiste est aussi d’expliquer que les couches de la classe ouvrière et les masses de tous les groupes nationaux ont, à la base, un intérêt dans une lutte unitaire autour d’un programme de changement socialiste.
Bien que des luttes significatives puissent certainement gagner des accomplissements importants auparavant, seulement sur une base socialiste, il sera possible d’assimiler les conditions de vie des Palestinien·ne·s à celles des Israélien·ne·s – et d’élever, en fait, le niveau de vie général bien au-delà des meilleures conditions qui pourraient être atteintes sous le capitalisme – et de garantir une complète égalité des droits dans tous les domaines. Ce n’est qu’ainsi qu’il sera possible de s’assurer que toutes les ressources de la société servent rationnellement et démocratiquement le bien-être des masses, et permettront également l’investissement nécessaire des ressources pour les réfugié·e·s palestinien·ne·s – une solution juste de leur situation exige une lutte pour garantir les conditions de bien-être et d’égalité dans la région, et la promotion du dialogue direct et du consentement, qui inclurait la reconnaissance de l’injustice historique et du droit au retour. Dans ces circonstances, la diminution de l’aversion mutuelle et du schisme national peut aussi préparer le terrain pour un État socialiste commun.
Les approches des sections de la gauche internationale, qui adoptent une approche nationale étroite du problème et proposent d’ignorer les craintes de millions de juifs israéliens et leur volonté d’autodétermination nationale, ne présentent aucun moyen sérieux de trouver une solution. Le processus catastrophique d’occupation, d’expropriation et d’oppression des Palestinien·ne·s par le mouvement sioniste et l’État d’Israël n’annule pas le fait que des masses de réfugié·e·s juifs·ves des pays européens et des pays arabes et musulmans ont été cyniquement exploitées par les puissances mondiales et par l’élite nationaliste sioniste. La référence nationaliste simpliste à tous les juifs israéliens en tant que « colons » ignore le fait que la majorité d’entre eux sont nés dans le pays, sans aucune affinité avec un autre pays.
Considérant l’histoire de l’Holocauste, la persécution des Juifs·ves et les menaces antisémites des forces arabes et islamistes réactionnaires au Moyen-Orient, un programme qui proposerait que des millions d’Israélien·ne·s renoncent simplement à l’indépendance nationale sera perçu comme un plan « d’annihilation ». Cela poussera plus fortement la classe ouvrière israélienne entre les mains de la droite israélienne et pour une « guerre de survie » par tous les moyens, y compris les armes nucléaires. Plus que cela, même dans un scénario sanglant hypothétique dans lequel une force externe subjuguerait militairement Israël, alors des millions de Juifs·ves israélien·ne·s deviendraient une minorité nationale opprimée et le conflit national continuerait sous une nouvelle forme terrible.
Certes, le mouvement sioniste et l’État d’Israël ont mis en œuvre, et mettent en œuvre jusqu’à ce jour, une politique colonialiste visant à repousser et à exproprier la population arabo-palestinienne en faveur de la population juive israélienne. Cette politique comprend non seulement l’idée de déraciner la population palestinienne et la construction de colonies actuellement en Cisjordanie et à Jérusalem-Est, mais aussi des plans organisés par l’État pour la judaïsation des territoires, en particulier dans le Néguev et en Galilée. La classe dirigeante israélienne considère les masses palestiniennes expropriées comme une menace existentielle pour l’avenir de sa domination. Le régime capitaliste israélien, qui est toujours en conflit avec la population palestinienne et avec les populations arabes et musulmanes de la région, s’efforce de fonder son existence sur le soutien mobilisateur de la population juive en Israël et par des collaborations avec la politique impérialiste des puissances capitalistes, en particulier les États-Unis, ainsi que les régimes autocratiques qui sont prêts à faire des affaires avec elle.
Dans ce contexte, il y a des courants dans la gauche qui s’opposent au « droit d’existence » d’Israël. Bien sûr, la gauche marxiste s’oppose à tous les régimes d’oppression dans la région et dans le monde. Mais sur cette base, on pourrait aussi opposer le « droit d’existence » des États-Unis, de l’Allemagne, de la Grande-Bretagne ou de la France, qui, en tant que puissances impérialistes majeures, ont causé les plus grandes horreurs de l’histoire. Certains prétendent que le droit à l’existence d’Israël devrait être spécifiquement combattu parce que c’est un État-nation « inventé » et établi sous le patronage des puissances capitalistes pour servir leur politique impérialiste au Moyen-Orient, et parce qu’il est été établi par l’expropriation des masses palestiniennes.
Cependant, en général, les frontières nationales au Moyen-Orient, que les guerres civiles en Irak et en Syrie sapent actuellement, ont été dictées en grande partie par les puissances impérialistes, à travers l’accord Sykes-Picot signé secrètement il y a cent ans suivant les accords impérialistes. La revendication des États nationaux, que les puissances impérialistes ont créée de facto ou nourrie à leur profit, peut également aller à l’encontre du droit à l’existence d’une série d’autres États dans le monde, y compris dans les anciens territoires de l’URSS, les Balkans ou Taiwan, par exemple.
En dehors de cela, bien que le processus d’établissement de l’État d’Israël ait des caractéristiques uniques, il faut tenir compte qu’une longue liste d’états nationaux ont été créées de manière tragique à la suite des occupations, du déracinement massif des populations, de l’expropriation coloniale et de la politique nationaliste visant à modifier la composition démographique en faveur du groupe national-ethnique au pouvoir. Cependant, la question importante, également par rapport aux États-Unis par exemple, est de savoir comment il est possible de passer d’une réalité d’oppression et de vol à une solution aux problèmes fondamentaux et à l’établissement d’une société nouvelle, démocratique et égalitaire. La gauche marxiste ne peut pas se contenter de montrer le caractère réactionnaire des régimes et leur histoire sanglante – elle doit montrer comment les nations capitalistes et impérialistes sont fondées sur des contradictions, comment elles pourraient se scinder en classes et comment il serait possible de surmonter les calamités de l’ère capitaliste et impérialiste de cette façon. Ainsi, l’État d’Israël n’est pas seulement un État colonial/colonisé, gouverné par une nationalité et expropriant une autre – c’est aussi un état capitaliste d’exploitation et d’oppression de classe dans une société de classe en crise.
Des parties de la gauche internationale ont tendance à adopter une attitude nationaliste envers les millions de Juifs·ves israélien·ne·s, comme un bloc de réaction, une société de colons, dans laquelle la contradiction fondamentale n’en est pas une de classe mais nationale, et dans laquelle les masses n’ont aucun intérêt réel à mettre fin à l’oppression des Palestinien·ne·s, à la libération sociale ou au changement socialiste. C’est une abstraction grossière de la réalité. Une telle approche réduit, en fait, la responsabilité des généraux, des magnats et des partis nationalistes pour les horreurs qu’ils aident à créer. C’est une approche qui dépeint la société israélienne d’une manière non dialectique et presque sans contradiction interne.
Bien que l’antagonisme national soit généralement le plus important et freine le développement de la lutte de classe du côté des travailleurs·euses, l’antagonisme de classe est néanmoins la contradiction interne fondamentale qui sape « l’unité nationale » et représente le potentiel pour dépasser la société capitaliste israélienne et construire une nouvelle société. Objectivement, et indépendamment des humeurs et des perceptions réactionnaires qui sont répandues au stade actuel, la classe ouvrière israélienne a un rôle clé à jouer dans la lutte contre le capitalisme israélien et pour le changement socialiste de la société.
Certes, certaines couches de la classe ouvrière israélienne, par exemple dans les grandes colonies, sont « soudoyées » afin de soutenir politiquement l’entreprise de colonisation, y compris avec certains avantages économiques directs et indirects. Mais une analyse plus large des intérêts de la classe ouvrière n’indique aucun intérêt économique essentiel, ni un véritable « profit politique ». Les capitalistes israéliens profitent des zones industrielles des colonies et généralement de la surexploitation des Palestinien·ne·s comme main-d’œuvre bon marché (bien que ce soit une part restreinte de l’ensemble des profits de la classe capitaliste israélienne, alors que la politique principale du sionisme et du capitalisme israélien aux Palestinien·ne·s est le déracinement et l’expropriation, dans le but de renforcer la base sociale du régime). En outre, il est intéressant de noter que les capitalistes sont moins exposés que les travailleurs·euses aux confrontations basées sur le nationalisme dans les rues et les lieux de travail et aux risques de sécurité personnelle résultant du conflit.
La classe ouvrière israélienne-juive – les travailleurs·euses discriminé·e·s de Mizrahi et les milieux éthiopiens et les anciens travailleurs·euses de l’URSS, mais aussi les travailleurs·euses descendant·e·s ashkénazes – ne souffre pas le même niveau d’oppression et de pauvreté que les masses palestiniennes. Mais elle souffre collectivement du « diviser pour régner » sur une base nationale, rivalisant dans une course contre la main-d’œuvre bon marché, et souffre surtout des conséquences politiques du conflit perpétué. Généralement, les couches non négligeables ont même tendance, dans une certaine mesure, à avoir une attitude réservée vis-à-vis de l’entreprise de colonisation et à en être aliénées. La réaction nationaliste-raciste en son sein ne repose pas, fondamentalement, sur un intérêt économique mais surtout sur des peurs existentielles sur la sécurité (plus que tout autre problème, notamment la discrimination ethnique historique de Mizrahis, que les partis Likoud et Shas exploitent cyniquement). Cela signifie que cette section est politiquement enchaînée à la classe dirigeante sur la base d’une fausse politique capable de répondre à ses intérêts de sécurité. Comme mentionné précédemment, au profit de la classe dirigeante israélienne, d’autres forces réactionnaires au Moyen-Orient se mobilisent pour contribuer à ce résultat.
Il existe de puissants mécanismes idéologiques permettant au nationalisme sioniste de mobiliser le soutien même parmi les parties du public arabo-palestinien en Israël, particulièrement les travailleurs·euses druzes et bédouins et les pauvres, mais cela ne signifie pas que ces mécanismes sont basés sur les intérêts fondamentaux de ces groupes. La gauche marxiste devrait aider à faire la lumière sur le fait que, finalement, l’intérêt fondamental de la classe ouvrière des deux côtés du schisme national est une lutte commune contre les crimes de la classe dirigeante israélienne. Le conflit israélo-palestinien n’est bien sûr pas symétrique et il a un caractère national-colonial, entre une nationalité oppressive et expropriante et une nationalité opprimée et expropriée. Mais la gauche marxiste ne peut pas adopter une approche nationaliste simpliste de la société israélienne. Contrairement aux idées qui favorisent la « normalisation » de l’occupation et de l’oppression des Palestinien·ne·s – y compris les relations économiques et militaires entre l’Autorité palestinienne et le gouvernement Netanyahou – la gauche marxiste devrait promouvoir la lutte contre l’oppression nationale, le dialogue et les luttes conjointes des deux côtés de la fracture nationale, en particulier des travailleurs·euses, ce qui aidera à clarifier les grands intérêts communs dans une lutte contre le capitalisme israélien et pour une nouvelle société, sans aucune discrimination nationale.
Alors que les approches qui cherchent à mettre une « culpabilité collective » et à prendre, par exemple, l’action d’un boycott généralisé contre la société israélienne, pourraient donner l’impression que la lutte est généralement contre les Israélien·ne·s et ainsi faire le jeu de l’aile droite israélienne, une approche de classe à la société israélienne, ainsi que des initiatives de boycott plus sélectives et ciblées, pourraient constituer une menace beaucoup plus sérieuse contre la droite israélienne. Contrairement aux traditions staliniennes, la gauche marxiste n’abandonne jamais une analyse de classe ou un programme politique de classe en faveur d’une approche nationale ou « patriotique » des luttes progressistes qu’elle soutient, même lorsqu’il s’agit de luttes de libération nationale.
Notre programme politique de base est la lutte pour éradiquer toutes les formes de discrimination et d’oppression dans la société et pour une société socialiste au niveau régional et mondial, qui surmontera tous les schismes nationaux et ethniques. Cependant, il ne suffit pas de parler uniquement de la future société socialiste, surtout si l’on considère la centralité de la lutte nationale des Palestinien·ne·s et le conflit national. Dans les circonstances actuelles, un programme qui inclura la reconnaissance d’un droit égal à l’existence et à l’autodétermination, qui sera exprimé dans deux états socialistes avec des droits égaux, avec des droits égaux pour les minorités, et aspirant à ce que les deux états travaillent volontairement dans un cadre confédératif commun et dans le cadre d’une confédération d’États socialistes de la région, pourrait potentiellement convaincre de larges couches des deux côtés de la fracture nationale et servir de base à une lutte commune contre le capitalisme israélien et pour la justice sociale et la paix. Nous ne présumons pas une carte prête à l’emploi avec de nouvelles frontières – cette question et d’autres finiront par être décidées à la suite de processus démocratiques menés par de larges mouvements.
Tenant compte des profondes lacunes actuelles dans les perceptions politiques des deux côtés de la fracture nationale et dans la région, influencés en ce moment par le manque de partis socialistes forts, et compte tenu de la suspicion à l’égard de la position des « deux États », il est clair que le point de départ pour expliquer et promouvoir ce programme, y compris par des slogans politiques, ne peut être identique dans toutes les situations. Mais le programme lui-même est à notre avis le programme objectivement nécessaire aujourd’hui. En même temps, nous sommes certainement ouverts au développement d’une discussion fructueuse sur cette question avec les mouvements de gauche et socialistes des deux côtés et au niveau international.
La tendance des parties de gauche à identifier arbitrairement les tendances dangereuses de la réaction dans la société israélienne comme « fascisme » est dangereuse sur le plan politique, car elle peut conduire à des conclusions erronées sur les opportunités à l’ordre du jour et sur la stratégie et la tactique l’étape actuelle. D’ailleurs, les attaques sévères contre les libertés démocratiques en Turquie, en Russie ou en Égypte, aussi brutales soient-elles, ne représentent pas des régimes fascistes.
Néanmoins, il existe un besoin important de formations de défense communautaire – démocratiques et armées si nécessaire – contre les attaques des colons, de l’armée et de la police dans les villes palestiniennes de Cisjordanie, à Jérusalem-Est, en même temps qu’il y a un besoin de forces politiques de gauche et socialistes qui proposeraient un moyen de lutte politique pour le changement. Il est clair que l’organisation d’une lutte politique est plus complexe dans les territoires de 67 dans des conditions de répression intense et meurtrière – tout militant risque l’emprisonnement et la mort – d’abord sous la dictature militaire du régime israélien, mais aussi sous les gouvernements de l’Autorité palestinienne et le Hamas. La grève de masse populaire organisée par les enseignants en Cisjordanie en février-mars a été la plus grande lutte des travailleurs·euses des dernières années dans les territoires de l’Autorité. Elle a réussi à secouer un syndicat bureaucratique, a secoué l’Autorité palestinienne elle-même, qui sert de sous-traitant de l’occupation, et a ramené à l’ordre du jour la perspective d’un mouvement de couches plus larges vers la lutte.
Des développements de ce type peuvent créer la base de la croissance des forces de gauche et socialistes qui proposeront une alternative à l’impasse des dirigeants de droite du Fatah et du Hamas. Promouvoir l’idée d’assemblées populaires dans les villes et les quartiers pourrait aider à développer une discussion sur la stratégie, les tactiques et les demandes, à impliquer des couches plus larges et à élire des comités d’action démocratiques. Le régime Netanyahou est loin de s’appuyer sur un large soutien du public israélien. Il est nettement plus faible que le régime de Sharon lors de la deuxième Intifada. Il a été présenté avec – en 2011 – le plus grand mouvement de protestation sociale dans l’histoire d’Israël et avec une série de luttes sociales. Malgré l’utilisation claire de la démagogie nationaliste-raciste pour mobiliser les électeurs, Netanyahou n’a pu former au Knesset que des coalitions gouvernementales de majorités très éprouvées, qui n’ont été rendues possibles que par l’aide de nouveaux partis capitalistes qui promettaient un « changement », comme ceux de Lapid et Kahlon.
D’une part, l’idée que l’oppression des Palestinien·ne·s et les problèmes du conflit seraient résolus à la suite des pressions exercées sur Israël par d’autres gouvernements capitalistes est une illusion. La solution ne viendra pas de l’extérieur. Mais néanmoins, les développements qui montrent le potentiel et les réalisations pour les mouvements de masse et pour la gauche régionale et internationale ont influencé – comme cela s’est produit pendant les révolutions arabes en 2011 – et influenceront encore l’ouverture aux idées de gauches, de classe et socialistes parmi les couches de la classe ouvrière et la classe moyenne dans les deux groupes nationaux. Le tremblement de terre politique représenté par la campagne de Sanders aux États-Unis est déjà un certain point de référence.
La promotion de collaborations fondées sur des principes entre les forces politiques de gauche pourrait aider à surmonter l’absence d’une force politique basée sur la classe ouvrière dans les deux groupes nationaux et à commencer à mettre une alternative socialiste à l’ordre du jour national. Le Socialist Struggle Movement est pleinement engagé dans une lutte basée sur une approche de classe et internationaliste et nous avons pleinement confiance dans le potentiel des idées socialistes et marxistes pour convaincre et gagner le soutien des deux côtés de la fracture nationale.
…« une stratégie basée sur « l’unité nationale » qui traverse les classes sociales et les approches politiques.» Ça veut-tu dire s’allier avec la bourgeoisie et un PKPalestinien ?
C’est qui l’auteur Carlo? Le traducteur?