Les impérialistes-unionistes et les adeptes du « grand soir » référendiste ont beau dire, la réalité est que les Écossais viennent de faire un pas de géant vers leur indépendance, pour peu qu’ils n’adoptent pas le discours de leurs ennemis qui tenteront de les convaincre qu’ils ont été défaits. Il n’y a donc pas à être déprimé du tout des résultats du référendum écossais, au contraire! Les Écossais viennent en effet de montrer que la persévérance peut mener à deux doigts du pays et que, lorsqu’on fait la promotion de l’indépendance, cela donne d’excellents résultats. Il ne leur reste qu’un dernier pas à franchir : tous les espoirs sont permis.
Une persévérance qui mène au seuil du pays
Mettons un peu les choses en perspective historique. Fondé en 1934 (ce n’est pas hier, ça!), le Scottish National Party (SNP) a été très longtemps marginal et le mouvement indépendantiste écossais largement, mais largement minoritaire. Ce n’est que dans les années 1990 et plus encore dans les années 2000 que les indépendantistes écossais, à force de détermination, ont fini par obtenir de véritables gains électoraux. Lentement. Et on était encore très loin de pouvoir penser faire l’indépendance!
Il n’y a que quelques années de cela, c’est à peine si le Yes à l’indépendance de l’Écosse pouvait espérer se hisser à 30% d’appuis. Plus encore, il y a quelques mois seulement, la plupart des observateurs prédisaient que le Yes n’atteindrait pas 35% d’appuis. Pire que cela, même au début de la campagne référendaire, le Yes ne semblait pas vouloir dépasser significativement ce taux d’appuis. Peut-être 40% d’appuis disaient les plus optimistes. Mais… mais… Quel est le résultat aujourd’hui? 45% pour le Oui! Glasgow, plus grande ville d’Écosse et troisième ville du Royaume-Uni… ne veut plus en faire partie, du Royaume-Uni!
Et il faudrait pleurnicher? Il faudrait intérioriser le discours des impérialistes et autres unionistes-fédéralistes qui vont vouloir faire croire à une immense défaite des indépendantistes? Bien voyons! J’espère plutôt que nos camarades écossais vont comprendre, contrairement à nous en 1995, que c’est une immense victoire, un énorme progrès, et qu’il leur reste bien peu de chemin à franchir pour faire l’indépendance. Bien peu. Comme disait l’autre, on se crache dans les mains et on continue le combat!
Et vous pensez vraiment que Londres va concéder presque tous ses pouvoirs sauf la Défense et la monnaie aux Écossais? Car c’est ce à quoi on s’attend en Écosse lorsqu’on parle de la « dévolution maximum » promise par Londres. Impossible. Londres est dans de fichus de beaux draps.
Un même idéal, mais une démarche à ne pas copier
Par contre, si nous partageons un semblable idéal de liberté nationale avec nos camarades écossais et qu’il faut se réjouir de leur réel et même spectaculaire progrès, il ne faudrait toutefois pas se laisser aveugler et penser appliquer une démarche semblable à la leur ici. Le processus suivi en Écosse est inapplicable ici et une telle forme d’étapisme transposée au Québec pourrait s’avérer fort dangereux pour notre lutte de libération nationale. Notons-le.
Tout d’abord, contrairement au Royaume-Uni, les provinces canadiennes ont le droit d’organiser des référendums, qui ne sont d’ailleurs, ici comme là-bas, que des exercices consultatifs. Il n’y a donc pas lieu ici de négocier avec Ottawa un tel droit comme le SNP en Écosse a décidé de le faire avec Londres, qui a accepté une telle négociation (Londres aurait pu refuser tout net, d’ailleurs, comme Madrid tente de le faire avec les Catalans, mais on ne croyait sans doute pas aux chances du Yes).
Ensuite, il est impensable qu’Ottawa reconnaisse d’avance l’indépendance du Québec obtenue avec un Oui à la majorité simple (50%+1), toute l’histoire de la politique canadienne va dans le sens contraire. On n’a d’ailleurs qu’à penser au bill C-20 (loi sur la « clarté ») : Ottawa entend décider, après le référendum bien sûr, si la question était claire, si la réponse est claire, comment doivent se mener les négociations, etc. Donc, l’étapisme à l’écossaise, oubliez ça! Faisons la rupture d’avec le Canada, pas du référendisme.
Également, il faudrait peut-être retenir que la mise de côté des arguments identitaires dans le discours officiel des indépendantistes écossais semble avoir été une erreur. On ne fait pas l’indépendance que pour des raisons économiques, on fait d’abord l’indépendance parce qu’on se reconnaît comme nation, avec une culture propre. Il ne faut évidemment pas écarter cela.
Le retour de la question nationale
Mais restons dans ce qui est franchement positif dans le combat écossais, qui est de ramener, au Québec comme ailleurs, la question nationale dans l’actualité avec une pertinence accrue. Quoiqu’en penseront les éteignoirs fédéralistes, ce qui s’est passé en Écosse et ce qui se passera bientôt en Catalogne va inévitablement nous aider à ramener l’indépendance à l’avant-plan au Québec. Jusqu’à quel point? Difficile à dire, mais ça ne pourra que nous aider, même s’il faudra de notre côté éviter les pièges du défaitisme et de l’étapisme.
Or, tout en continuant à garder un œil sur la suite des choses en Écosse, il faudra désormais se tourner davantage vers la Catalogne. Alors que les Catalans promettent de tenir un référendum en novembre, Madrid refuse à Barcelone le droit de simplement tenir cette consultation. Madrid joue la ligne dure, une attitude qui ressemble beaucoup plus à celle d’Ottawa envers le Québec, car si Madrid consent éventuellement, ce qui n’est pas sûr, à la tenue d’un référendum catalan, il y a peu de chances que les espagnolistes acceptent d’en reconnaître le résultat. Stéphane Dion prêche depuis des années à Madrid pour la loi sur la « clarté », il y a fort à parier que Madrid s’en inspire effectivement… À suivre attentivement.