Héritage des Patriotes : l’esprit républicain

Le 20 mai dernier se déroulait la Journée nationale des Patriotes qui a comme objectif de se souvenir de la lutte politique de ces-derniers à partir de la fondation du Parti Patriote jusqu’à la défaite en 1838.

Quel projet avait nos Patriotes?

Si les partis politiques provinciaux se réclament tous plus ou moins d’un héritage des Patriotes, c’est parce qu’ils ont marqué l’histoire de façon significative. Cependant, l’héritage que nous avons reçu aujourd’hui relève d’une interprétation et d’une distorsion historique. L’élite politique nationaliste québécoise a transmise une interprétation ethnique de la lutte des Patriotes afin de l’arrimer avec ses propres discours identitaires et nationalistes c’est-à-dire une lutte francophone vs anglophone. Aurait-elle oublié la participation des anglophones (Irlande, Angleterre) à la lutte? O’Callaghan, Brown, les frères Nelson, etc. Aurait-elle oublié les relations qu’avait Louis-Joseph Papineau avec les « rebelles » et particulièrement leur chef (W.L Mackenzie) dans le Haut-Canada majoritairement anglophone?

La question de la langue n’était pas le combat des Patriotes mais plutôt une lutte politique influencé par le libéralisme et le républicanisme. N’oublions pas que les frères Nelson nés en Angleterre représentaient une branche radicale et révolutionnaire des Patriotes. Quant à Papineau, son réformisme faisait de lui un modéré par nature. La lutte armée des Patriotes n’est pas le fruit du travail de Papineau mais plutôt une réponse au réformisme du Parti Patriote qui laissait encore une chance à Londres d’administrer la colonie de façon juste et équitable. Les Rébellions sont en fait la première tentative d’une révolution bourgeoise libérale au même titre que la révolution américaine et française. La petite-bourgeoisie bas-canadienne se heurtait au modèle économique et politique impériale britannique qui empêchait l’émancipation de cette bourgeoisie et la libéralisation des institutions et de l’économie.

Il n’en demeure pas moins que les chefs Patriotes (petits commerçants, notaires, avocats, médecins, etc.) partageaient un idéal démocratique et progressiste pour l’époque et l’indépendance des deux Canada avait donc pour but la réalisation de ce projet moderne libéral et républicain. Il faut certainement se replonger à l’époque pour comprendre que le projet politique d’une république démocratique était en fait révolutionnaire et aucunement farfelu si l’on observe l’histoire du 19ème siècle en occident. Ce n’est pas pour rien que plusieurs gens « ordinaires » ont rejoint les Patriotes. Ils étaient issus du monde paysan et/ou du monde ouvrier de l’époque. Certains étaient amis, frères, pères et fils dans la lutte contre le plus grand empire de l’époque. Eux qui étaient armés de quelques fusils de chasse à Saint-Denis, Saint-Charles, Saint-Eustache, Beauharnois, etc.

L’Europe était celle des empires et des monarchies; du mercantilisme et du protectionnisme; du catholicisme contre le protestantisme, etc. Les Patriotes étaient donc en rupture avec cet ordre politique autoritaire et antidémocratique et c’est pour cette raison qu’ils ont finalement opter pour un projet d’indépendance mais non basé sur le caractère ethnique de la population mais plutôt sur un contrat social républicain. C’est-à-dire que la citoyenneté remplacerait la sujétion et que cette citoyenneté serait basée sur des droits et libertés réciproques. Pour faire court, l’égalité devant la loi et l’égalité des chances. L’administration de la « chose publique » se devait aussi d’être démocratique et basée sur la souveraineté du peuple.

De quel pays parlons-nous?

Dans l’imaginaire nationaliste, l’indépendance dont parlait les Patriotes fait référence à l’indépendance du Québec mais dans les faits, les Patriotes ont eux des débats et des divergences sur la nature même de l’indépendance. Certains étaient partisans d’une République du Bas-Canada (Québec) comme l’a proclamé Robert Nelson en février 1838, d’autres comme Chevalier de Lorimier était partisan d’une République canadienne unissant le Haut et le Bas-Canada ainsi que d’autres comme Louis-Joseph Papineau ont partagé l’idée de s’annexer aux États-Unis d’Amérique. Le pays à l’époque restait à définir mais avec le temps le Québec a su devenir ce qu’il est aujourd’hui. C’est grâce aux artistes, aux intellectuels et aux travailleuses/travailleurs que le Québec s’est modernisé et a pu être à un certain moment, un exemple en matière de sécurité sociale et de luttes sociales.

De nos jours, les partis politiques nationalistes bourgeois nous proposent un nationalisme conservateur arrimé avec l’idéologie néolibéral. La classe laborieuse se voit divisée une fois de plus sur la base de la religion et/ou de la couleur de peau. Or, si nous sommes sérieux, c’est le capitalisme qui menace le Québec en diminuant la souveraineté de l’État, en voulant nous imposer des pipelines par l’entremise des gouvernements fédéral et provincial. De plus, la taille de l’État (providence) québécois ne cesse d’être soumis à un désir de faire fît de son rôle primordial d’assurer la répartition des richesses et le bien commun. L’austérité reste l’arme numéro un des capitalistes pour s’assurer d’avoir un État à leur avantage ou tout simplement pour l’anéantir. Le nationalisme de la CAQ se fait fortement ressentir à travers le projet de loi no. 21 qui vise délibérément les travailleuses et travailleurs de confession mais plus précisément les femmes musulmanes. La CAQ représente aussi le patronat le plus méprisant; il suffit de regarder son attitude par rapport aux lock-outé·e·s d’ABI.

Pour conclure, l’héritage des Patriotes reste une référence pour la gauche indépendantiste et à juste titre. Toutefois, il reste vaste, général et incapable de répondre à l’ensemble des réalités du 21ème siècle. Le rapport de nation à nation par exemple est absent même si les Patriotes reconnaissait les mêmes droits et libertés (Déclaration d’indépendance 1838) aux autochtones. L’indépendance doit mener à l’émancipation de la classe travailleuse et ne peut être que le fruit de sa propre lutte. Au niveau économique, le capitalisme libéral a échoué et c’est pour cela que nous devons leur imposer notre socialisme démocratique et révolutionnaire. Les riches nationalistes veulent faire l’indépendance pour s’affranchir du fédéral pour pouvoir parachever leur révolution capitaliste mais c’est le peuple qui en souffrira le plus. C’est pourquoi nous devons opposer au chauvinisme politico-social notre républicanisme et opposer à leur nationalisme économique notre socialisme.

Hommage aux Patriotes
Hommage aux travailleuses et travailleurs
Nous Vaincrons!

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