« Faire le jeu de » par-ci, « faire le jeu de » par-là. Emmuré dans un déni en béton armé, le péquisme traditionnel martèle jusqu’à en perdre le souffle que les souverainistes qui ne se rangent pas derrière le PQ « font le jeu » des libéraux et nuisent au projet d’indépendance. « Il faut bien prendre le pouvoir d’abord pour faire l’indépendance ensuite », ajoutent-ils sans rire, comme si la plateforme électorale péquiste n’excluait pas précisément toute démarche indépendantiste; comme si l’attentisme avait déjà engendré autre chose que davantage d’attentisme.
L’ex-ministre Jean-Pierre Jolivet, dans Le Devoir de ce matin, s’érige en parfait porteur de ce discours qui insulte l’intelligence et qui, lorsque poussé dans ses derniers retranchements, aboutit sur une logique complètement désopilante: pour faire l’indépendance, il faut prendre le pouvoir, mais pour prendre le pouvoir, il faut s’engager à ne pas faire l’indépendance. Mais de qui rient ces gens exactement? D’un peu tout le monde, mais encore davantage des militants indépendantistes de bonne foi qui se démènent encore pour tenir ce parti à flots, ainsi que de l’électeur non-aligné ou réfractaire à l’indépendance dont on suppose qu’il devrait être rassuré ou inspiré par un tel charabia.
Soyons sérieux: ceux qui « font le jeu » des libéraux et des adversaires de l’indépendance, ce sont ceux qui choisissent de mettre l’indépendance de côté pour se confiner à la quête du pouvoir provincial avec promesse formelle de ne pas en déroger. Que ceux-là voient les appuis indépendantistes les quitter n’est que dans l’ordre normal des choses.
J.-M. Aussant avait eu cette saute d’humeur contre le Parti de René-Lévesque: pas d’accord, je m’ en vais. Ç’a produit des factions dissidentes, nourrissant les journaleux: O.N., et « Solidaires ». Le schismatique a fini par voir la lumière et il est revenu. De même, au Bloc Québécois: rébellion contre la chef, juste après son arrivée mais trop tard: on risque l’éclatement. En somme, la voie normale des protestataires, c’est d’habitude de prendre le train et d’y faire valoir ses inquiétudes. Démocratiquement, dans les règles, au lieu de torpiller une équipe en place, qui joue le jeu ouvertement. On est dedans ou dehors.