Au fil des ans, j’ai été très souvent déçu par des supposés hommes ou femmes d’honneur qui juraient dur comme fer militer encore et toujours pour la libération québécoise. Et comme par enchantement, du jour au lendemain, ils retournaient leur veste et reniaient notre cause, qui à cause de conflits personnels, qui pour réorienter la carrière, qui pour devenir fédéraliste. À mes yeux, la cause indépendantiste en est une d’une vie. On peut évidemment changer la nature du combat que l’on mène. Mais on ne peut jamais renier l’idée. Ceux qui s’y risquent m’apparaissent comme autant de traîtres. On me trouvera bien sûr dur dans mon analyse. Mais cela m’importe peu. À mes yeux, un dur combat comme celui que nous menons ne peut reposer sur les épaules de faibles qui changent d’idées comme ils changent de chemise. Nous avons besoin de gens intelligents qui comprennent ce qu’ils font et qui, lorsqu’ils ont endossé cette cause, ne la renient pour rien au monde. Et certainement pas pour des privilèges ou pour se retrouver sur le devant de la scène, une façon comme une autre d’entretenir autant de néfastes cultes de la personnalité. Ceux-là méritent les anathèmes les plus sévères !
Malheureusement, les politiciens québécois d’honneur constituent une autre espèce en grand péril. Dans les partis souverainistes, trop souvent, ça sent la trahison à plein nez. J’en suis venu à la conclusion, avec le temps, que ces navires étaient remplis de rats prêts à sauter à terre à la moindre secousse. Combien de rats comptons-nous dans nos rangs en comparaison des indépendantistes sincères ? Je n’en ai aucune idée. J’ose encore croire – peut-être suis-je profondément naïf – que les rats forment encore la minorité. Mais une chose demeure et c’est que trop de gens dans les partis sont là pour les mauvaises raisons. Pour leurs intérêts personnels, par opportunisme, pour se faire valoir ou parce qu’ils aiment jouer au politicien. Cette race de monde est toujours prête à la trahison ! On en a vu passer un grand nombre par les années passées, pas besoin de les nommer, on sait de qui on parle. Il y a des cas anciens et d’autres plus récents… ou à venir.
Ce n’est pas encore très clair à quel jeu jouent François Legault et Joseph Facal. Ce qu’on sait, à ce stade-ci de la saga, c’est que les deux ex-péquistes multiplient les contacts depuis des mois avec des personnes susceptibles de leur donner un coup de main dans la constitution d’un mouvement de droite, voire d’un parti, qui jouerait à l’autruche en prétendant que la question nationale n’existe plus. Ceux-là veulent évacuer l’indépendance de l’écran-radar, et ce, parce qu’elle serait trop difficile à réaliser. On préfère faire joujou avec les hausses de tarifs, les coupures dans les services ou avec la réduction de l’influence de l’État québécois, celui que René Lévesque disait être « le plus grand parmi nous ». Bref, Legault-Facal semblent vouloir former une ADQ intelligente qui taperait de plus efficace façon en pleine face des plus pauvres d’ici.
Mais les deux lascars doivent comprendre quelque chose. Le fait de repousser la cause aux calendes grecques n’est rien d’autre qu’une façon, élégante j’imagine, de quitter le mouvement indépendantiste pour intégrer les rangs des collabos de tout acabit et des fédéralistes en général. Si Legault et Facal poussent davantage dans la voie canadianisante qu’ils semblent vouloir emprunter, il faudra les qualifier pour ce qu’ils sont : des faibles qui préfèrent le confort que procurent aux politiciens les stratégies provincialistes aux défis qu’imposent la lutte de libération nationale. Au vu de l’histoire et des indépendantistes sincères, ils ne seront rien d’autre que des traîtres. Ils rejoindront les rangs des Georges-Étienne Cartier, des Louis-Hippolite Lafontaine, des Pierre Elliott Trudeau, des Jean Chrétien, des Stéphane Dion et j’en passe.
J’ai quand même peine à imaginer les deux hommes renier ainsi leurs allégeances passées. Après tout, il y a seulement quelques mois de cela, et comme l’a fort bien démontré Jean-François Lisée, Joseph Facal disait qu’il était tout à fait possible d’améliorer le contexte sociétal québécois tout en militant pour faire du Québec un pays. Qu’y a-t-il de changé depuis janvier dernier ? Rien. Absolument rien. Alors pourquoi Facal, homme intelligent qu’il est, dirait aujourd’hui le contraire de ce qu’il affirmait hier ? Si tel était le cas, il faudra en conclure que des jeux de coulisses intenses l’ont amené à retourner sa chemise. Je ne vois rien d’autre. Cela ne serait pas à son honneur, c’est le moins que l’on puisse dire.
Et je me souviens également que François Legault, il n’y a pas si longtemps, désirait tellement devenir chef du PQ qu’il magouillait et grenouillait comme pas un dans le dos de Bernard Landry, question de lui ravir sa place. Legault souhaitait tellement devenir le péquiste en chef que son équipe multipliait les menaces adressées à tous ceux qui percevaient différemment les lendemains du parti. J’ai d’ailleurs été la cible du clan Legault. On m’avait très clairement fait comprendre que si je ne donnais pas la couverture du numéro à venir du journal Le Québécois à François Legault, lorsque celui-ci deviendrait chef du PQ, j’en paierais le prix. Bien sûr, je n’en ai rien fait, et je suis demeuré loyal envers Bernard Landry ; jamais je n’ai plié sous le menaces, ni hier, ni aujourd’hui. Je n’ai jamais vraiment trop su si Legault était lui-même au courant des tordages de bras qu’effectuait sa garde rapprochée afin de l’amener à la tête du parti, mais une chose demeure, et c’est que celui-ci désirait ardemment devenir le chef du PQ. S’il fallait qu’il mette maintenant sur pied sa propre formation, il nous faudrait en conclure que tout ce qui intéresse Legault, c’est d’être le chef et peu importe de quel parti, qu’il soit de centre-gauche, de droite, souverainiste ou fédéraliste. Une telle attitude serait à l’antipode de celle qui anime les hommes d’honneur, c’est le moins que l’on puisse dire.
Tout ça pour dire que le grand naïf que je suis ne croit pas encore que Legault et Facal soient deux rats sur le point de quitter le navire. Cette impression nous a probablement été implantée dans l’esprit par des médias en mal de sensations politiques fortes. Je vais donc attendre encore un peu, question de laisser s’éclaircir la situation et de consulter le programme de la créature en gestation avant de me choquer et de condamner ceux qui pourraient, peut-être, sait-on jamais, le mériter vraiment. Et à ce jeu, je sais fort bien que je ne serai pas seul. Si Legault et Facal devaient trahir, des centaines de milliers d’indépendantistes les condamneraient. Et voilà tout ce qu’ils mériteraient.