Hécatombe sur le dos des travailleuses essentielles surtout racisées
Le Canada s’illustre mondialement comme le pays où la mortalité relative covid-19 des personnes âgées est la plus importante parmi les pays riches :
Les décès au Canada dus au covid-19 représentent environ la moitié de ceux de l’Union européenne en proportion de la population. Près des trois quarts des 14 000 décès au Canada à la mi-décembre sont survenus dans des résidences de soins pour personnes âgés. Une étude de l’Institut canadien d’information sur la santé a révélé que les décès dans les foyers de soins de longue durée au Canada à la fin mai étaient 25% plus élevés que la moyenne parmi 17 membres de l’OCDE, un club des pays riches, en proportion de leur population. […] Le Canada envoie trop de personnes âgées dans des institutions, une des raisons pour lesquelles une proportion aussi élevée de décès dus au virus Covid-19 y a eu lieu. Ils sont mal réglementés et beaucoup sont mal conçus. […] Le Canada dépense moins que la plupart des pays riches en soins de longue durée: 1,3% du PIB (y compris le coût de l’assurance obligatoire) contre 1,7% en moyenne pour les membres de l’OCDE. Cet argent est orienté vers les institutions […] plutôt que vers l’aide aux personnes qui restent chez elles. Au Canada, 42% des personnes de plus de 80 ans qui ont besoin de soins constants sont en institution, contre une moyenne de 30% dans l’OCDE. […]
Les largesses institutionnelles du Canada ne sont pas bien dépensées. C’est en partie parce que ces résidences, comme leurs pensionnaires, sont vieilles. Beaucoup ont été construits dans les années 1970, lorsque les chambres pour quatre personnes étaient standard. Ils ont des toilettes communes et peu d’espace pour isoler les résidents malades. […] En mars de l’année dernière, près de 20 000 résidents [en Ontario] – un quart du total – se trouvaient toujours dans des chambres de quatre personnes. Les foyers canadiens ont un ratio personnel / résidents inférieur à la moyenne de l’OCDE. […] Une réglementation déficiente aggrave les problèmes auxquels sont partout sujets les soins aux personnes âgées: bas salaires pour faire un travail vital et exigeant, employées qui démissionnent souvent et travailleuses à temps partiel qui travaillent dans plusieurs résidences et n’ont pas de congé de maladie payé . Les conditions sont pires dans les résidences à but lucratif […] qui représentent plus d’un quart du total canadien. […] (The Economist, The pandemic has exposed a crisis in Canada’s care homes, 23/01/21, ma traduction)
Malgré qu’il soit en voie d’être rattrapé par les autres provinces sauf celle de l’Est, le Québec reste le cancre de la classe en termes cumulatifs. En date du 22/01/21, selon l’INSPQ 77% des décès depuis le début de la pandémie sont survenus dans les CHSLD et RPA. En tout et partout, les personnes de 70 ans et plus comptent pour 91% des décès covid-19. Celles et ceux qui les soignent, tout comme les autres travailleuses essentielles particulièrement dans l’alimentation, en meurent sans doute peu étant donné leur âge mais elles sont plus que proportionnellement atteintes par la pandémie. Il faut avoir en tête que près de la moitié des « éclosions actives » ont en ce moment lieu dans les milieux de travail et le tiers dans les milieux de vie contre seulement 2% qui sont dues à ces « activités et événements » super médiatisés justifiant le couvre-feu pénalisant ces travailleuses (et les sans abris) en plus de saboter le déjà insuffisant traçage car celles et ceux testés positivement veulent protéger leurs contacts de la répression. Comme les statistiques québécoises sur la covid-19 ne sont colligées ni par classe sociale ni par caractéristiques raciales, il faut avoir recours à la classification par lieu de résidence pour approximer cette réalité. Selon Santé-Montréal, si le nombre de cas confirmés cumulés de covid-19 au 21/01/21 pour l’Île -de-Montréal est de 4 338 par 100 000, il est de 7911 à Montréal-Nord, quartier isolé et racisé, un des deux seuls cas avec St-Léonard (6 520) au-dessus de 6 000 sur les 35 arrondissements ou villes liées. Rivière-des-Prairies-Pointe-aux-Trembles n’est pas loin derrière avec 5830 tout comme les quartiers populaires de Ahuntsic-Cartierville, Anjou et Villeray–Saint-Michel–Parc-Extension sont tous au-dessus de 5 000. Cette réalité populaire contraste avec les données des villes du West-Island toutes en bas de la moyenne de l’Île-de-Montréal, parfois de beaucoup.
La logique de la stratégie pandémique des gouvernements est claire comme de l’eau de roche soit, pour soi-disant sauver l’économie, sacrifier les personnes âgées à commencer par les plus vulnérables qui sont les plus coûteuses à l’État sans qu’elles ne contribuent en rien à la création de plus-value. Elles sont d’autant plus lourdes à porter que leur poids démographique ira croissant pendant encore une vingtaine d’années. Les baby-boomers vieillissants, qui ont lutté avec succès pour l’État-providence, sans toutefois achever le travail en se débarrassant du capitalisme, nuisent à la dure compétitivité nationale sur le marché global tout en étant un obstacle à l’inévitable austérité, dit-on, pour rembourser la dette publique encourue pour soutenir les entreprises durant la pandémie y compris par le soutien des salaires et du pouvoir d’achat. Bien sûr, il faut masquer cette mesquinerie mortifère en donnant la priorité vaccinale aux « survivantes » des résidences de personnes âgées. La schizophrénie sociale n’a pas de limites. Et entre temps la contagion communautaire fait des ravages en frappant les personnes âgées isolées dans leur logement et en mal de contacts familiaux et sociaux. Ah! ces belles réunions familiales du temps des fêtes.
Et si en attendant le temps béni post-vaccin, puis le surgissement d’une nouvelle pandémie tellement les zoonoses se précipitent dorénavant l’une après l’autre à force de déforestation, on exigeait que Québec et Ottawa embauchent immédiatement 250 000 personnes au Québec dans les services publics et le communautaire, comme le réclament le think-tank de gauche IRIS et la Commission politique de Québec solidaire, afin de booster les services publics tous azimuts et le soutien en quartier. Ce serait là à la fois un encouragement à la lutte en panne des syndicats du secteur public en leur fournissant une perspective et un coup de chapeau à l’éco-féminisme comme première étape d’une société alternative de prendre soin à base d’énergie humaine évacuant celle fossile et de riches rapports humains évacuant la solitude et son corollaire, le vide consumériste.