Je dois le dire. À la lumière des derniers événements, je suis plus en colère que jamais contre Gilles Duceppe ; contre Duceppe certes, mais également contre tous les apparatchiks de la cause souverainiste qui, depuis des années, nous rient en plein face en affirmant mieux savoir que tous les autres (lire la base militante) ce qui doit être fait afin de bien diriger le Bloc (ou le PQ, c’est sensiblement la même affaire). Pour eux, la souveraineté n’est qu’une marque de commerce, qu’un leurre qu’on brandit de temps en temps pour attirer les poseux de pancartes et les récolteux de 5$. Admettons-le, c’est mauditement pas comme ça qu’on fera un pays. On le sait tous.
Depuis des années, les militants s’époumonent. On tente de leur faire enfin entrer dans leur petite tête d’égos à deux pattes (ou à quatre pattes !?) qu’un parti souverainiste doit travailler à l’avancement de la cause de libération du Québec s’il espère démontrer sa pertinence et donc assurer sa pérennité . Mais ça semble trop difficile à comprendre pour les François Leblanc de ce monde, ce fameux bras droit de Gilles Duceppe. Résultat : on s’excuse de temps en temps de défendre cette option, mais sans rien faire de plus. Or, Pierre Bourgault le disait bien : « à s’excuser de défendre une cause, on ne la fait jamais gagner ».
L’effondrement annoncé des appuis au Bloc nous donne raison d’une manière éclatante. Les apparatchiks, comme on le savait tous, avaient tort alors que les militants avaient raison. Ça ne prenait vraiment pas la tête à Papineau pour saisir le fait qu’à trop prendre les souverainistes pour des caves en leur disant de voter pour un parti souverainiste qui ne travaille pas pour l’indépendance, ils finiraient par se détourner des opportunistes qui se sont ainsi servis de leur cause pour se constituer des jobs enviables. C’est d’un cynisme navrant tout cela.
Pourtant, le Bloc aurait pu être un outil formidablement efficace pour faire marcher le Québec vers son unique destin juste et porteur d’avenir : celui qui réside dans sa libération. Le Bloc aurait pu pourfendre les fédéralistes là où ils se terrent le mieux, c’est-à-dire au cœur même de l’institution politique fondamentale du Canada, la chambre de commerce…heu, des communes. Mais non, les bloquistes ont préféré nous parler de commandites, de culture, d’intérêts du Québec qu’ils devaient défendre ici mais surtout là-bas, étant même prêts pour le faire à s’allier avec le plus perfide des partis, le libéral celui-là, celui qui nous a enfermés en 1970, qui nous a rapatrié la constitution sans notre consentement en 1982, qui nous a volé le référendum de 1995, qui nous a pondu les commandites et qui nous a imposé la loi sur la clarté référendaire. Les bloquistes ont tenu ce discours sans jamais faire le procès du système canadien. À trop se vautrer dans le clientélisme nationaleux, ils sont en train de tout perdre.
Face à cela, comment en vouloir à ces électeurs qui ne croient tout simplement plus à ce Bloc Québécois pour les conduire à l’indépendance ? Résultat : la souveraineté obtient encore 40-45% des appuis dans le contexte actuel, alors que le Bloc se dirige vers une dégelée électorale qui ne lui accorderait plus qu’environ 25% des votes (enfin, si on se fie aux sondages). L’évidence est que le Bloc a bien couru après ses présents malheurs.
Face au risque de perdre leurs jobs, les apparatchiks semblent voir enfin la lumière ; y’était comme temps. Voilà pourquoi ils font maintenant parler le Bloc de souveraineté dans ce dernier droit de la campagne. On nous invite, nous les indépendantistes, à faire bloc derrière le Bloc, au nom de la cause. Faut quand même pas être gêné pour oser se comporter ainsi.
Voilà pourquoi je suis en sacrament. Ces gens-là ont utilisé notre cause sacrée afin de servir leurs intérêts bien personnels et ils lui ont nui considérablement. Ce ne sont pas les purs et durs qui nuisent à la cause avec leurs coups de gueule, ce sont ces faiseux-là; jamais une polémique signée Pierre Falardeau par exemple n’a eu le moindre impact négatif sur l’opinion publique eu égard à la cause indépendantiste, alors que l’obséquiosité des partis souverainistes…
Jacques Parizeau l’a bien démontré dans son dernier essai. Les Québécois appuient encore ce projet, mais ne croient plus qu’il se réalisera. Et pourquoi pensez-vous ? Juste à regarder se trémousser nos représentants péquistes et bloquistes lorsque vient le temps d’agir pour l’indépendance, juste à les voir ne rien faire pour notre libération, on comprend tous que cela les rend mal à l’aise, qu’ils ont peur de combattre vraiment, de faire ce qui doit être fait pour que nous obtenions enfin la victoire. Les gens ne sont pas idiots. Tout comme les militants, ils s’en rendent eux aussi compte, ce qui fait qu’ils perdent la foi dans la réussite de notre mouvement, et qu’ils peuvent de ce fait se laisser charmer par l’homme-à-la-canne-qui-fréquentait-jadis-les-salons-de-massage-fort-peu-recommandables. « Yes we canne » que l’autre ti-casse disait en fin de semaine (et non week-end !!!!!!!) sur les ondes de Radio-Canada. Dramatique tout cela !
Dramatique également de considérer que 10 ans après la fondation du journal Le Québécois, nous nous retrouvons dans un contexte médiatique encore pire qu’il ne l’était à l’époque. La concentration est tout aussi spectaculaire, mais le groupe Quebecor est depuis devenu une horrible machine de propagande de droite fédéraliste. Le groupe Gesca, fidèle à lui-même, défend toujours par divers procédés retors l’unité canadienne. Durant cette campagne, on nous y a construit une véritable stratégie de relations publiques pour le NPD. Résultat : le parti de Layton est passé de quelques pourcentages d’appuis au Québec en début de campagne à un taux d’appuis qui était tellement important à la fin avril qu’on l’annonçait en tête de lice. Tout cela en quelques semaines seulement, c’est dire le pouvoir dont jouissent ces « professionnels » de l’information.
Cela a fait dire à mon ami Jean-Pierre Durand qu’après avoir vécu le « coup de la Brinks » en 1970, on a subi le « coup de la Presse » en 2011.
Depuis 10 ans je dis que le mouvement indépendantiste doit libérer ses communications, qu’on ne peut encore et toujours faire confiance à des entreprises de presse fédéralistes pour diffuser nos points de vue et analyses indépendantistes. On a besoin d’un vrai média indépendantiste si on ne veut pas se faire faire de nouveaux « coups de la Presse » dans le futur. Il serait comme temps que nous comprenions tous que le média indépendantiste est même plus important que le parti souverainiste. L’un ne va pas sans l’autre, vous me direz, mais sans média indépendantiste, on ne gagnera jamais. Ça m’apparaît clair comme de l’eau de roches. Aujourd’hui plus que jamais.
Ceci étant dit, je me permets maintenant de m’adresser à ces militants de la base qui font partie du courant pur et dur et qui sont tout aussi en colère contre le Bloc que je ne le suis. Je sais que plusieurs d’entre vous s’apprêtent à voter pour autre chose qu’un parti qui se dit souverainiste sans jamais travailler pour ce projet. Je vous comprends. Mais je tiens à vous dire tout de même que vous faites un mauvais choix. Dans le contexte actuel, il faut sauver les meubles. Il faut s’assurer que tout ne s’effondre pas en même temps. Aux yeux du commun des mortels, Gilles Duceppe et Pauline Marois incarnent la cause souverainiste. Je sais, c’est très con, mais c’est comme ça quand même. Les déboires de ces deux politiciens seront assurément interprétés comme autant de reculs de la cause indépendantiste. Si le Bloc mange une vraie volée digne de ce nom demain, bien des électeurs souverainistes se démoraliseront. Et gageons que les médias à la solde du Canada ne manqueront pas d’en rajouter une couche pour être bien sûr que tel sera le résultat. On n’a vraiment pas besoin de ça.
Dans le contexte actuel, on doit redonner un véritable rapport de force au courant pur et dur. Ce rapport de force sera par la suite utilisé contre les velléitaires de la souveraineté pour les forcer à marcher vers où on doit aller. Lorsque nous serons suffisamment forts, nous les contraindrons de diverses manières à le faire. Mais ce jour-là n’est pas encore arrivé. Comme il n’est pas arrivé, on ne doit pas changer le décor tout de suite. Et le Bloc fait partie du décor. On doit donc le conserver le plus intact possible. Le contraire nuirait au projet pur et dur que nous sommes en train de construire.
Je ne vous propose donc rien de plus emballant que de patienter. Lorsque nous serons prêts, les têtes qui doivent rouler rouleront. Nous pourrons le faire tout en conservant le Bloc et le PQ puisque ce ne sont pas eux qui posent problème, mais bien leurs directions actuelles. Il ne faudrait quand même pas jeter le bébé avec l’eau du bain.
Demain, moi, je voterai Bloc pour faire suer les trous-du-cul canadians qui ne souhaitent qu’une chose : voir reculer le projet indépendantiste. Je voterai sans enthousiasme, mais en me disant que les apparatchiks péquistes et bloquistes ne perdent rien pour attendre. Dans le détour, nous les attendrons. Et après le détour, après avoir réduit à néant leur pouvoir, nous reprendrons résolument notre marche vers la liberté !
D’ici là, méditons le dicton: Tout vient à point à qui sait attendre!