Papa est arrivé au Québec au début des années ’60. Il n’avait pas grand chose comme biens matériels, ni même comme expérience de vie. Il avait 12 ans. Comme beaucoup de Français, envoyer ses enfants à l’école républicaine était un honneur et un devoir. Selon ses mots, c’était une école rigide, dure, intransigeante, mais qui avait à cœur la transmission. Ce qu’il a appris sur la France, il le doit bien à l’école républicaine.
Aujourd’hui papa à 69 ans, il doit surement se demander à quoi ressemble son héritage, ce qu’il a pu nous transmettre. Je me souviens lorsque je jouais à ses pieds, il me lisait Rousseau, Montesquieu, Hugo et Baudelaire. Comme le chantait Ferrat, la France de mon père, elle répond toujours du nom de Robespierre. C’est celle de ’36 et de 68 chandelles. C’est aussi celle de Jaurès. Quand j’ai commencé à m’intéresser à la politique vers l’âge de 16 ans, et plus particulièrement au socialisme, papa m’avait parlé du « Grand Jaurès ». Il en parlait avec une certaine fierté, comme s’il l’avait connu personnellement. Avec Jaurès, j’ai découvert une partie de l’Histoire de France, le socialisme et le républicanisme de gauche.
Aujourd’hui nous sommes le 31 juillet, en cette date de l’année 1914, Jean Jaurès fût assassiné à 21h40, au Café du Croissant, Paris. Pour résumer son parcours, Jaurès a étudié et enseigné la philosophie tout en se préoccupant de la
res publica. Il participa aux projets relatifs à l’école publique, laïque et républicaine. Il travailla d’arrache-pied contre les monarchistes et le clergé pour finalement obtenir la laïcité en 1905. Avec le temps, Jaurès s’est radicalisé et a choisi son camp, celui du prolétariat international. Radical, mais réformiste convaincu, il fût député à quelques reprises où il prouva sa loyauté envers les petits-paysans et les ouvriers de France. Malgré des désaccords, il « marcha » aux côtés de Rosa Luxembourg dans l’organisation de la potentielle grève générale qui devait empêcher la Première Guerre.
Jaurès avait entrevue le désastre des Guerres des Balkans de 1912-1913 et il concluait en entrevoyant un autre conflit européen encore plus grave (14-18). Son militantisme et ses positions contre la guerre et en faveur du socialisme lui ont valu des critiques violentes de la part des nationalistes et des bourgeois. Plus il vieillissait et pressentais la catastrophe, plus il devenait dangereux, car le prolétariat français prenait conscience de son rapport de force, de sa puissance et de son internationalisme. Mais vous avez déjà fait le lien dans votre tête… il est mort un 31 juillet et la guerre a commencé un 28 juillet. C’est un tout petit hommage que je rend ici, comme à chaque 31 juillet.
Papa m’a déjà légué plus que nécessaire. Il m’a transmis ses connaissances, le sens de la justice, de la culture, l’amour de la patrie et l’esprit républicain. Aujourd’hui, me voilà militant républicain et socialiste révolutionnaire.
À vous messieurs! À toi Jaurès!