Hier soir, à la Grande bibliothèque de Montréal, j’ai assisté à la première du documentaire de Ian Jaquier intitulé L’or du golfe et présenté dans le cadre des Rendez-vous du cinéma québécois. Un beau documentaire mettant en vedette Kevin Parent.
Ce documentaire est une excellent synthèse de ce qu’il faut savoir concernant l’exploitation du pétrole dans le golfe Saint-Laurent. On n’y apprend pas vraiment plus que ce que les experts ont déjà dit sur le sujet jusqu’ici, mais les auteurs ont eu le génie de tourner tout ça dans une langue des plus accessibles. Quelqu’un voulant s’initier à la question et qui n’a que quelques heures à y consacrer trouvera là de quoi répondre à toutes ses questions. Ne serait-ce que pour cela, ce documentaire devait être produit.
Parmi les bons coups de Jaquier et de son équipe: avoir donné la parole à des citoyens du Dakota du Nord qui doivent désormais vivre à côté des dizaines de milliers de puits servant à l’exploitation du gisement de pétrole de schiste du Bakken. Avec tous les problèmes que cela engendre: hausse du prix des logements, trafic infernal de camions, salopage du paysage et accidents pétroliers multiples. Aussi bien dire que ce pétrole qui sera en exploitation là-bas pour tout au plus 15 ans y crée des problèmes énormes. Le documentaire le démontre fort bien.
Tout aussi brillant fut de porter à l’écran le fondateur de Pétrolia André Proulx et sa fille Isabelle. Les entendre nous dire qu’ils ne savent pas ceci ou cela en ce qui concerne leur projet était très rentable pour le propos du film qui est loin, comme on peut s’en douter, d’appuyer l’industrie pétrolière. Tout aussi rentable était de constater tout le mépris d’André Proulx lorsqu’il parle des gens de Gaspé qui vivent à côté des foreuses de Pétrolia. Pour lui, si ces gens ne sont pas contents, leur fermer la trappe ne lui coûtera que des « pacotilles » (lire peccadilles). Et un bon voyage en Floride devrait régler leur cas. C’est le bonhomme dégoulinant d’arrogance qui le dit! Ça ne donne pas le goût de lui faire confiance une seule minute.
N’en demeure pas moins que cette arrogance dissimule d’abord et avant tout un amateurisme inquiétant. Lorsqu’un des employés de Pétrolia fait faire le tour du propriétaire du puits Haldimand en Gaspésie aux cinéastes, on voit les cabanes toutes rouillées de la compagnie et les têtes de forage reposant au sol, derrière un mur anti-son bricolé à la va-vite. On se rend vite compte qu’on est loin d’assister au dévoilement des outils que posséderait une compagnie pétrolière majeure.
Si même les compagnies majeures ne peuvent éviter les trop nombreux accidents, imaginons maintenant le bilan qu’offrirait une binnerie pareille ayant obtenu le feu vert pour faire des trous un peu partout!
Cet amateurisme a même empêché Pétrolia de planifier correctement ses propres opérations. La compagnie n’a pas été en mesure de forer plus de six puits au lieu des dix-huit prévus l’été dernier sur Anticosti. C’est clair: Pétrolia n’a tout simplement pas les reins assez solides pour se lancer dans pareille aventure.
Eric Pineault, l’un des experts à qui la parole est accordée dans le film, tranche le débat. Pétrolia multiplie tout simplement les sparages pour attirer l’attention et ainsi être un jour rachetée par une pétrolière majeure. Tout ce cirque n’étant que pure spéculation. La mission de la famille Proulx risque par contre d’être difficile à mener à terme car il est fort bien démontré dans le documentaire, experts-comptables à l’appui, que l’exploitation sur Anticosti ne peut tout simplement pas être rentabilisée. Qui voudra acheter une compagnie assise sur un projet non rentable?
En attendant, Pétrolia a quand même reçu 70 millions$ du PQ (somme ré-attribuée par les libéraux) pour faire joujou avec le joyau du Saint-Laurent, l’île d’Anticosti. Comment se fait-il d’ailleurs que le PQ ait appuyé pareille ineptie? Laisser les spéculateurs patenter leurs patentes à gosse dans leurs bureaux, c’est une chose. Mais leur donner l’argent des Québécois, dont on ne reverra pas la couleur, pour qu’ils passent vraiment à l’action sur le terrain en menaçant tout l’environnement d’Anticosti, c’en est une autre.
Dans ce dossier, comme dans celui de la cimenterie de Port-Daniel, le PQ s’est comporté de manière très discutable. Donner tout près d’un demi-milliard$ aux promoteurs-libéraux ( http://www.lequebecois.org/port-daniel-le-projet-de-la-honte/ ) de la cimenterie pour qu’ils donnent de ce fait naissance à l’un des projets les plus polluants de l’histoire du Québec, dans un secteur d’activité qui peine en plus à se rentabiliser, c’est complètement fou. On se demande vraiment à quoi pensait Pauline Marois lorsqu’elle a pris sa décision.
À l’évidence, il se passe des choses dans les coulisses que, de l’extérieur, nous ne pouvons comprendre.
En attendant, on sait au moins que l’entourage de Pauline Marois a magouillé des mois durant avec les représentants du gouvernement de l’Alberta pour favoriser la réalisation du projet d’inversion de la ligne 9B devant conduire le pétrole sale de l’Alberta dans les raffineries de Montréal et de Lévis.
Radio-Canada a révélé hier que le gouvernement péquiste de Marois a caché dans ses cartons un rapport ultra favorable au projet qu’il a fait produire à la fin 2013-début 2014. Qui vantait en fait les mérites, sans concession aucune, du pétrole des sables bitumineux. Comme on peut l’imaginer, le rapport faisait très attention pour ne pas parler des grands risques associés à l’inversion du flux du pétrole dans un vieil oléoduc rouillé qui date des années 1970.
Alors quoi?
Hé bien, négocier en catimini l’arrivée du pétrole bitumineux sur le territoire du Québec, faire cadeau de 70 millions aux spéculateurs de Pétrolia et donner un demi-milliard$ à une entreprise ultra polluante qui risque fort de ne point être rentable, y’a pas à dire, le bilan du PQ de Marois en matière énergétique fait très dur.
Il est à souhaiter que le prochain chef du PQ aura les idées beaucoup plus claires à ce sujet. Il faudra qu’il défende des positions qui soient tout autant en respect de l’environnement des Québécois que de leur liberté face à ce Canada qui souhaite nous utiliser comme paillasson.
« On autorise les opprimés à décider périodiquement, pour un certain nombres d’années, quel sera, parmi les représentants de la classe des oppresseurs, celui qui les représentera et les foulera aux pieds au Parlement ! »
– Karl Marx
PQ Marois. Un esprit d’indépendance grâce à un esprit indépendant. Dans ce cas, ni l’un ni l’autre.
« Il est à souhaiter que le prochain chef du PQ aura les idées beaucoup plus claires à ce sujet. Il faudra qu’il défende des positions qui soient tout autant en respect de l’environnement des Québécois que de leur liberté face à ce Canada qui souhaite nous utiliser comme paillasson.» « Il est à souhaiter que le prochain chef du PQ [aura] — aie — les idées beaucoup plus claires à ce sujet. Il faudra qu’il défende des positions qui soient tout autant en respect de l’environnement des Québécois que de leur liberté face à ce Canada qui souhaite nous utiliser comme paillasson.» J’ai toujours raison d’affirmer que nous sommes patients, tolérants et peureux et j’ajoute… naïfs!
Salut Patrick Bourgeois,
Je ne comprends pas ton incompréhension au sujet de Pauline Marois et du PQ. Il y a quelques années, 15 ou 20 ans, lors d’une manifestation à Québec, je t’ai donné un document de 150 pages à propos de la corruption (non seulement monétaire, mais surtout pédocriminelle au sein de toutes nos (?) institutions gouvernementales pour être publié. Tu ne l’as probablement pas lu ou si oui tu n’as pas compris ou tu fais l’autruche. Je me demande ce que tu en a fais. Je me rappelle, tu semblais vouloir m’éviter. De quel bord es-tu vraiment ?
De quel bord je suis???? Bon, ça y est, la théorie du complot qui galope vers moi.
De mémoire, j’ai regardé tes documents. Ça ne me semblait pas être solide. Et je n’ai jamais publié rien qui ne reposait pas sur des preuves tangibles.
Par ailleurs, je me suis spécialisé par les années passées à faire enquête sur les affaires des fédéralistes. J’ai laissé d’autres s’occuper de faire enquête sur le PQ. C’est un choix éditorial que j’ai fait. Et c’est un choix avec lequel je suis toujours très à l’aise aujourd’hui.
Ce qui n’a pas empêché que j’ai très régulièrement critiqué sévèrement le PQ.
Maintenant, en ce qui concerne l’article ici en question, j’espère qu’on aura compris que mes questions sont en fait des sévères critiques que j’adresse au PQ. Je comprends bien ce à quoi ils jouent. Et je n’en suis pas. Je ne partage pas leurs motivations.
Est-ce qu’un nouveau chef pourrait changer la nature du PQ? Oui, s’il est très fort. Est-ce que ça arrivera? J’en doute.
Bonne journée.