Un engagement clair!

Pierre Karl Péladeau est arrivé au PQ le poing en l’air en affirmant avec force qu’il venait en politique pour faire du Québec un pays. Les militants ont salué son arrivée et l’ont même élu chef. Ils lui ont tellement fait confiance qu’il n’a pas eu à préciser son plan pour faire le pays et, surtout, n’a pris aucun engagement clair à faire l’indépendance dans un prochain mandat. Le PQ s’engage-t-il, oui ou non, à faire l’indépendance s’il est porté au pouvoir? C’est la question à laquelle doivent maintenant répondre les aspirants chefs. Le temps presse, avec la CAQ qui veut rassembler les « nationalistes », des « orphelins politiques » qui sortent des limbes et un NPD-Québec qui se profile à l’horizon.

Le PQ doit comprendre une chose fondamentale, et c’est que peu importe la façon de faire une fois au pouvoir (gestes de rupture, déclaration unilatérale d’indépendance, référendum sur la souveraineté, référendum sur la constitution ou que sais-je encore), tout part d’un engagement clair et net à faire l’indépendance dans un prochain mandat. C’est la base de la base. À partir de là, la démarche peut être précisée. À partir de là, une réelle mobilisation peut se faire. À partir de là, on part la machine. Et les choses seront claires, limpides, précises et sans retour : le PQ prendra le pouvoir pour faire l’indépendance s’il est élu à la prochaine élection. Point. À un moment donné, c’est assez le niaisage, il faut s’avancer.

Sinon, alors on est encore une fois dans l’attente, ne sachant pas trop ce que l’establishment du parti manigance en coulisses tandis qu’il refuse de s’engager. Ça démobilise tout le monde, même en dehors du PQ. La déprime s’installe. La chicane pogne. De toute façon, la seule chance pour le PQ de revivre, de réellement se distinguer, c’est de s’engager clairement. Il veut aller chercher des appuis à la fois d’électeurs caquistes, solidaires et d’Option nationale? Il veut contrecarrer la ridicule aventure des « orphelins politiques » qui croient incarner le changement une coupe de champagne à la main en niant notre réalité nationale? Il veut aussi pouvoir combattre un futur NPD-Québec? Pour se distinguer de tous ses adversaires, il n’y a pas trente-six solutions. La seule chance pour le PQ d’y arriver, c’est de polariser le débat sur la question nationale. Il doit débloquer la situation, obliger chaque Québécois à se commettre sur l’avenir du Québec, après avoir préalablement travaillé l’opinion publique en faveur de l’indépendance évidemment. Ça commence à urger…

Par ailleurs, si le PQ est sérieux et a la volonté de faire l’indépendance dans un prochain mandat, il doit essayer de s’entendre avec ON et QS pour qu’il y ait une certaine forme de convergence électorale. Ce n’est pas impossible d’y arriver, et il faut saluer les récents efforts du PQ en ce sens sous PKP. De leur côté, ON a plusieurs fois tendu des perches au PQ tandis que QS a déjà émis un certain nombre de conditions qui constituent une base raisonnable de discussion, et ce, même si ce parti semble toujours aussi mal à l’aise avec la question nationale. Mais la distance est grande entre les programmes du PQ, de QS et d’ON. Ainsi, aucune convergence n’est possible sans un engagement clair à faire l’indépendance dans un prochain mandat. Ce n’est que sur cette base que les militants des différents partis pourront consentir aux concessions majeures que nécessitera la convergence électorale. On n’en sort pas!

Sans un tel engagement, le PQ va s’effondrer : les militants vont se démobiliser, le vote francophone va se diviser encore plus entre le PQ, la CAQ, QS, ON, demain les « orphelins politiques », après-demain le NPD-Québec… Bref, la débandade nationale. Certains peuvent bien prétendre que le PQ doit rassembler le vote nationaliste d’abord et avant tout, mais c’est oublier que la CAQ aussi peut avoir cette prétention de « rassembler les nationalistes » et qu’elle a au moins autant de chances que le PQ de réussir. En fait, ceux-là veulent que le PQ revienne au « bon gouvernement » à la Claude Morin et abandonne carrément l’indépendance au profit d’une coalition « nationaliste » (mais toute provincialiste) avec la CAQ. Aussi bien se saborder au profit de la CAQ, tant qu’à y être.

Revenons à la base. Le seul parti qui peut prétendre faire l’indépendance dans le prochain mandat en 2018, c’est le PQ. C’est ce qui le distingue, c’est sa pertinence, c’est sa raison d’être.  Et la souveraineté pure et dure part avec grosso modo 40% d’appui dans les sondages. De meilleurs chiffres qu’en 1995. Alors plutôt que d’imaginer une espèce de coalition nationalisto-provincialiste où le PQ perdrait son âme, si on convainquait les nationalistes d’aller au bout de leur logique et d’opter pour l’indépendance? Car que récolteront ces « nationalistes » sinon des refus humiliants d’Ottawa? Mais pour cela, encore faut-il qu’il y ait un engagement clair à faire l’indépendance dans un prochain mandat. Je me répète, je sais. Or, jusqu’à maintenant, chez les aspirants chefs, il n’y a que Martine Ouellet qui prend un engagement clair à faire l’indépendance. Pour les autres, on est dans le flou (Cloutier) et dans l’esquive (Hivon). Et on court à la catastrophe à la vitesse grand V. Sans oublier Lisée qui, il est vrai, prend un engagement clair… à ne pas faire l’indépendance.

Bref, les électeurs n’embarqueront pas dans un projet situé dans la nébulosité d’une échéance incertaine… « L’indépendance? Un jour, peut-être, quand les conditions seront réunies, on vous dit pas quand, on le sait même pas nous-mêmes »…  Voilà la recette pour une défaite assurée du PQ, comme en 2014. Il y a un risque à prendre un engagement clair pour l’indépendance? Oui, bien sûr… Mais il y a surtout le risque de gagner! Le risque d’éviter l’éclatement et la fin du PQ. Risque pour risque, celui de miser sur une autre stratégie de « conditions gagnantes » est bien plus grand. Ce serait la fin du PQ et un éclatement sans précédent du vote francophone.

Pierre-Luc Bégin

P.S. La création par PKP d’un institut de recherche sur l’indépendance est une excellente chose. Bravo! Il y a au moins un petit quelque chose qui a bougé. Pas vite, mais ça a bougé un peu. Ça pourrait devenir un héritage intéressant. Mais attention : cet institut ne doit pas servir à masquer ou à justifier une absence d’engagement, dans le genre : « On fera l’indépendance quand toutes les études auront été complétées, vers 2076 mettons »… On sait que certains en sont capables, mais cette fois ça ne passera pas. Les hochets pour endormir les militants, comme disait Monsieur, c’est assez.

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8 commentaires

  1. « tandis que QS a déjà émis un certain nombre de conditions qui constituent une base raisonnable de discussion, et ce, même si ce parti semble toujours aussi mal à l’aise avec la question nationale. » — PLB

    Belle inversion des rôles ici, parce que depuis 1996, depuis la prise de contrôle du PQ par la droite noé-conservatrice canadienne, l’ère Bouchard et les suivantes, j’ai plutôt l’impression que c’est vous, au PQ, qui êtes mal à l’aise avec la question nationale et c’est exactement ce que tu démontres et dénonces dans ton texte en plus…

    « Le seul parti qui peut prétendre faire l’indépendance dans le prochain mandat en 2018, c’est le PQ. » — PLB

    Ça reste à démontrer, du moins, ce n’est pas l’impression que j’ai eue lors des vingt dernières années, même avec votre nouveau zéro, la pleureuse PKP!

    • 1- Je ne suis pas au PQ, et je le critique, relisez le texte. 2- QS refuse de s’engager à réaliser l’indépendance dans un premier mandat.

  2. Question conne de-même, vous faites quoi des commentaires des anciens articles du journal? Vous les supprimez? Ça rime à quoi de permettre à vos lecteur de commenter vos articles si c’est pour en supprimer toutes traces après un temps indéterminé (quelques jours, semaines?)?

    • Pis c’est un questionnement tout ce qu’il y a de plus sincère, c’pas pour vous écoeurer. Autre question, je suis inscrit à l’info-lettre, mais je ne reçois rien dans ma boite de courriel quand un nouvel article est publié, est-ce normal?

    • Nous ne supprimons pas les commentaires des anciens articles.

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      • « Peut-être faites-vous référence à de très anciens articles qui datent de notre ancien site? »

        Non, chez moi, dès qu’un article a plus d’une semaine et demi ou deux, je ne vois plus les commentaires. Tu peux voir de quoi je parle dans ces captures des deux premiers articles de mai 2016 tels qu’ils apparaissent dans mon navigateur actuel, Firefox 38 ESR (ESR = Extended Support Release ou version supportée à long terme), mais j’ai le même problème peu importe le navigateur et peu importe la version, avec ou sans bloqueur de publicités (images png assez lourde):
        http://pix.toile-libre.org/upload/original/1463840781.png
        http://pix.toile-libre.org/upload/original/1463841207.png

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