L’urgence de se doter d’un service juridique militant

Rappelons tout d’abord les faits concernant l’affaire Vigile.net.  Le chroniqueur Richard Le Hir a publié une série de textes traitant de la mafia sur Vigile.net il y a quelques mois de cela.  Dans ces textes, M. Le Hir parlait des « tentacules de la mafia », du parti libéral, de la commission d’enquête sur l’industrie de la construction et le financement politique, etc.  Dans le deuxième article de la série (celui qui pose problème), M. Le Hir abordait les activités de l’avocat Vincent Chiara.  Il parlait de ce dernier tout en nommant fort régulièrement la mafia ;   jamais sans accuser l’avocat de faire vraiment partie de cette organisation criminelle, mais en parlant très librement des relations et des activités de celui-ci qui étaient parfois liées à la mafia.  Pour étayer ses dires, M. Le Hir référait beaucoup au livre Mafia inc que viennent de publier les auteurs André Cédillot et André Noël.

Personnellement, je trouve que M. Le Hir a pris suffisamment de précautions dans son article pour s’éviter – et éviter à son éditeur – d’inquiétants problèmes juridiques.  Il y a des associations qui sont faites dans son article qui peuvent être de nature à déranger les gens concernés, c’est clair.  Mais c’est aussi le but recherché par l’enquête militante, non ?

En tout cas, je ne trouve pas que Richard Le Hir et Vigile.net ont été plus loin que je ne l’ai été moi-même dans mes enquêtes publiées dans le journal Le Québécois.  Ils n’ont pas versé dans la diffamation pure, ce qui aurait été indéfendable.

Alors quel est le problème ?  Pour quelles raisons Richard Le Hir et Vigile.net se retrouvent-ils aujourd’hui confrontés à une poursuite au civil intentée par l’avocat Vincent Chiara, lui qui leur réclame de ce fait 500 000$ ?

Disons-le tout de go : je ne suis pas avocat.  J’ai une formation en journalisme, je possède donc certaines notions en droit de l’information.  À mon point de vue, la cause de Me Chiara est faible.  Très faible.  Il ne parviendra très certainement pas à faire cracher 500 000$ aux deux militants indépendantistes.  De toute façon, il m’étonnerait fortement que ceux-là pourraient le faire.  Me Chiara doit être suffisamment intelligent pour le savoir.  Son objectif doit, par conséquent, être autre.  La fermeture de Vigile.net, voilà le but recherché, ça me semble évident.  Nous sommes  par conséquent confrontés ici à un SLAPP (Strategic lawsuit against public participation). C’est clair comme de l’eau de roches.

Les Vincent Chiara de ce monde ont bien compris que le simple fait de lancer des poursuites contre des organisations militantes peut grever suffisamment le fonctionnement de celles-ci pour penser les contraindre à la fermeture.  Bernard Frappier, l’homme derrière Vigile.net, a déjà dû investir 14 220.27$ dans sa défense.  C’est énorme.  Ça laisse présager le pire pour Vigile.net, soyons lucides.

Pendant ce temps-là, Vincent Chiara, qui est avocat de métier, pourra lui-même se représenter en cour.  Ses dépenses seront donc modestes.  Plus ce dernier sera à même de multiplier les procédures contre Vigile.net, et plus M. Frappier devra ouvrir grand son portefeuille.  Plus il devra dépenser d’argent, et plus il devra se tourner vers les militants pour leur réclamer des dons.  Tous en conviendront : une telle source de financement n’est vraiment pas inépuisable.  Viendra un jour où les coffres servant à financer la défense de Vigile.net seront à sec.  Ce jour-là, les fédéralistes et les Vincent Chiara de ce monde auront atteint leur objectif :  la fermeture de Vigile.net.

Le mouvement indépendantiste perdra de ce fait une de ses trop rares vitrines.

Les démêlés de Vigile.net avec la « Justice » me rappellent des événements que j’ai moi-même vécus il y a quelques années de cela.  Lorsque j’ai osé parler des résidences de luxe de Jean Charest, ce dernier a engagé l’un des plus gros cabinets d’avocats du Québec pour me faire taire.  Contrairement à Vigile.net, j’ai refusé de négocier toute rétractation ;  j’étais prêt à aller en cour contre le premier ministre.  Je savais que je pourrais marquer des points contre lui et je savais avoir un atout important dans ma manche :  mon avocat flamboyant, lui qui est en mesure de percer le filtre médiatique comme bon lui semble, pouvait très efficacement défendre  ma cause m’opposant à Jean charest.  Qui plus est, et sans révéler les détails de notre entente, disons simplement que j’étais en mesure de faire face à bien des procédures, à me battre longtemps contre le premier ministre; assurément, j’étais dans une bonne position pour ne pas me laisser intimider par un SLAPP (ce qu’était la démarche lancée par Charest).  Jean Charest l’a rapidement compris, et il a abandonné la procédure lancée contre moi.  J’étais victorieux.

Dans de tels combats, vous l’aurez bien compris, le soutien d’un avocat est très précieux.  Très, très, très précieux.

Mes propres démêlés avec la « Justice », tout comme ceux de Bernard Frappier, me poussent à parler à nouveau d’une structure que le mouvement indépendantiste aurait dû créer depuis belle lurette :  un service juridique militant et permanent.  Ce service conseillerait et défendrait les militants indépendantistes.  Deux ou trois avocats seraient amplement suffisants pour remplir pareille mission.  On ne parle donc pas de sommes astronomiques.  Pour financer un tel service, on pourrait même foutre à la porte deux ou trois faiseux d’images qui, admettons-le, ne servent pas à grand chose, pour les remplacer par des avocats au service du mouvement indépendantiste.  En tout cas, moi, j’aurais eu recours très régulièrement à un tel service :  parfois pour faire vérifier un texte, parfois pour assurer ma propre défense ou celle de nos militants.  Tout cela serait fort utile, n’en doutons point !

Si Bernard Frappier pouvait, ces jours-ci, faire appel à un service juridique permanent et constitué d’employés du mouvement indépendantiste, gageons que Vincent Charia serait pas mal moins enclin à étirer les procédures contre Vigile.net.  Il comprendrait qu’il ne parviendra pas à épuiser financièrement le militant qu’est Frappier, et ce, parce que ce dernier ne paierait ainsi pas ses frais d’avocats.  Cela changerait considérablement la donne, je vous en passe un papier.  Le mouvement indépendantiste serait de ce fait beaucoup moins vulnérable face à toutes les avocasseries qu’on puisse imaginer lancer contre lui.

Mais bon, on a manqué de sérieux par rapport à cet aspect de la lutte que nous menons, comme le mouvement indépendantiste a manqué de sérieux dans la préparation de tous les combats à venir d’ailleurs.  Ce qui fait que Bernard Frappier et Richard Le Hir se retrouvent aujourd’hui bien mal pris.  Leur lutte juridique vient tout juste de commencer, et ils ont déjà une facture de 15 000$ sur leur ardoise.  Comment cela se terminera-t-il? Je ne le sais pas. Mais je souhaite bonne chance à ces deux fiers indépendantistes.  Ils en auront bien besoin !

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