La défaite de Martine Ouellet : Le drame d’une femme, le drame d’un peuple

Quand Martine Ouellet s’était présentée à la chefferie du PQ en 2016, j’avais commenté que « Martine Ouellet est la seule indépendantiste réellement existante de par son parti pris pour un référendum dans le premier mandat. Ce qu’on sait moins c’est que son équipe réalise qu’un référendum à froid, sans modification des rapports de forces, va dans le mur. D’où le plan Climat Québec 2030, qui crée un lien consubstantiel entre indépendance, développement économique, écologie et justice sociale »1. J’en concluais qu’il fallait « [m]iser sur l’apport positif de Martine Ouellet en liant indépendance et projet de société » autour de l’axe de la lutte climatique quelque soit les importantes faiblesses de son plan de type capitalisme vert.

Un lien organique et concret entre indépendance et projet de société manquant aux Solidaires

Elle était alors, et le reste, la seule politicienne relativement connue qui faisait, de une, la jonction concrète entre indépendance et projet de société, de deux, qui comprenait que l’axe central du projet de société est la lutte climatique et, de trois, qui pointait l’enjeu de la création d’emploi lié à cet enjeu. On dira que ce diagnostic est injuste envers Québec solidaire. Il n’y a pas de concret et articulé projet de société Solidaire à moins de vouloir considérer comme tel un égrenage de promesses ciblées PQ+ pour lesquelles l’indépendance n’est pas nécessaire ce que la direction du parti n’essaie même pas de prouver. On retrouve le même biais éclectique dans le récent livre de la porte-parole femme et aspirante au poste de Première ministre2.

Au dernier Conseil national de la mi-mai 2018, les Solidaires ont raté l’occasion de mettre en exergue un plan d’action de plein emploi écologique dont la cible votée au congrès de 2016 aurait été conforme à l’Accord de Paris3. Ce plan aurait été basé sur une planification démocratique rejetant la prédominance du marché, sous contrôle des transnationales, influencé par un marché ou une taxe carbone. Au contraire, a été rejetée cette ambitieuse cible remplacée par une cible Libéral+ qui serait prétendument atteinte par le recours « temporaire » au marché carbone des Libéraux… rejeté par le programme voté en 2016. Pour combler la mesure, Québec solidaire s’est muré dans le silence à propos du Réseau express métropolitain (REM) rejeté par le PQ et par la gauche écologique, lui substituant le « Grand Déblocage » qui lui combat les gaz à effet de serre (GES), la congestion et l’étalement urbains4.

L’expérience planificatrice, écologiste et populaire de Martine Ouellet… incrustée dans le moule PQ

Martine Ouellet a l’expérience de ce qu’est la planification pour des fins écologiques. Comme cadre d’Hydro-Québec, « [e]lle intervient en outre auprès de la Régie de l’énergie du Québec dans le cadre des dossiers reliés au Plan global en efficacité énergétique (PGEÉ) entre 2004 et 2008. »5  Elle s’est frottée aux transnationales comme « responsable des ventes – Mines, métallurgie et fabrication, un secteur qui regroupe une centaine d’entreprises dont les ventes annuelles de 36,5 térawatts-heures représentent 20 % de l’électricité vendue » d’Hydro-Québec. Elle a été ministre des Ressources naturelles du gouvernement Marois où elle a accepté d’avaler des couleuvres pro-pétrolemalgré qu’elle fut auparavant « responsable du mémoire déposé par le Parti québécois lors de la commission parlementaire sur la gestion de l’eau au Québec, en novembre 1994, un texte qui allait devenir la
Politique nationale de l’eau, adoptée en 2002… »

Au revers de sa médaille, elle a aussi un pedigree d’engagement populaire dans le milieu des garderies mais avant tout « [e]lle milite ensuite, de 2000 à 2010, au sein de la Coalition Eau Secours, dont les deux dernières à titre de présidente. » Toutefois elle est surtout une militante du PQ depuis l’âge de 18 ans. Elle a cependant plus que prouvé que ce qui l’anime c’est la quête de l’indépendance beau temps mauvais temps. Sa contradiction immédiate est de continuer d’arrimer cette quête à un parti qui a renoncé « temporairement » à l’indépendance. Sa contradiction profonde est de s’être enracinée dans un parti pour qui l’indépendance est un outil de pression en faveur de Québec Inc. qui n’en veut pas, mais qui exige un austère néolibéralisme faisant fuir les foules, nonobstant les écarts des Parizeau-Ouellet s’appuyant sur une militance de conviction qui a déserté le fort.

Une obstination indépendantiste à se libérer de son mariage à un PQ qui la bafoue

Martine Ouellet s’obstine à vouloir sauver son mariage avec le PQ quitte à aller se faire voir au Bloc en attendant des jours meilleurs. Mais le Bloc s’ajuste à la nouvelle donne péquiste et l’envoie paître comme un mari dominateur envers sa conjointe, ce qu’il n’a jamais osé faire envers l’autoritaire Gilles Duceppe qui continue à jouer au beau-père. On a envie de dire à Martine Ouellet :

« L’heure du divorce est arrivé Madame Ouellet quelque soit la traversée du désert qui vous attend
comme elle attend beaucoup de femmes prolétaires mises au pied du mur. Ainsi serez-vous délivrée
non seulement d’un mari oppresseur mais aussi de sa conception nationaliste de l’indépendance qui
confond libération nationale et l’illusoire indépendance pétrolière qui rend fou Québec Inc..

« Si vous osez faire cette douloureuse rupture, il y a un parti indépendantiste qui vous attend. Il a
proclamé la « rupture » à son Conseil national de la mi-mai 2018 mais ce n’était qu’une déclaration
pour la militance dans la salle. Son ex porte-parole homme démissionnaire de son poste de député jette
un cri anti-capitaliste comme au revoir, sans doute pour secouer le parti de sa torpeur électoraliste le
figeant au centre-gauche.

« Vous avez besoin de ce parti, issu de la base populaire et non d’une aile des Libéraux, qui dans son
ADN lie organiquement question nationale et question sociale mais dont l’expression active est bloquée
par le virus social-libéral se nourrissant de centrisme électoraliste. Ce parti, le mien, a besoin de votre
détermination indépendantiste, de votre bagage écologiste et populaire, et de votre fougue nécessaire
pour affronter le capital, fédéraliste jusque dans la moelle. »

 

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Notes : 

1 Voir sur mon blogue « Climat Québec 2030 de Martine Ouellet – Le bon arrimage avec l’indépendance mais sans crédibilité », 19/05/16
2 Médium large, Entrevue avec Manon Massé – Son livre Parler vrai, Radio-Canada, 24/05/18
3 Marc Bonhomme, La réduction des gaz à effet de serre (GES) des deux tiers d’ici 2030 au Québec est faisable techniquement, financièrement et politiquement, Presse-toi-à-gauche, 20/02/18
4 Patrice Bergeron – La Presse canadienne, Des personnalités appuient le remplacement du REM par le projet du PQ appelé le «Grand Déblocage», HuffPost-Québec, 20/04/18
5 Martine Ouellet, Wikipédia, visité le 7 juin 2018.
6 Alexandre Shields, Québec ne tournera pas le dos au pétrole, Le Devoir, 28/06/13

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2 commentaires

  1. Comment, honnêtement, commenté votre réflexion, sauf de dire qu’elle représente l’ineffable réalité
    Autre motif du 32%:  »quand le sage montre la lune, l’imbécile regarde le doigt »

  2. Tous les indépendantistes, nationalistes comme socialistes, avaient besoin de votre parti en mai 2017 pour les biens de LA cause de l’Indépendance nationale ou sociale, choisissez. Grâce à « la militance de la salle » du Conseil de Votre Parti à la mi-mai de 2017, l’accession aux deux Indépendances, choisissez, est impossible. Compterez-vous sur la CAQ ou sur vos 9% pour y arriver? Peut-être que dans vos rêves les plus fous les plus centristes des libéraux, dans un grand réveil lucide, se rallieront au sentiment indépendantiste social de Votre Parti. Je vous le souhaite. Je nous souhaite, en tant que peuple, aussi beaucoup de plaisir avec les causes sociales et nationales, choisissez, avec un gouvernement caquiste, une opposition libérale et 9 députés de Votre Parti et du PQ. Beaucoup de nuages en vue…

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