La catapulte à marde de Fred Dubé

Pourquoi la catapulte à marde? À la base je cherchais une quelconque référence médiévale du genre : « En l’an de grâce 1065, la catapulte à marde était utilisée comme une arme d’humiliation à l’encontre d’un pouvoir tyrannique ». Il n’en est rien mais ce n’est pas décevant pour autant. Le terme vient des amis poètes de Fred Dubé, pour qui le terme « marde » a une licence poétique et une connotation politique. Et avec des libéraux au pouvoir au fédéral, au provincial et au municipal, quel meilleur moment pour sortir la catapulte et en éclabousser quelques-uns?

Fred Dubé nous présente donc son 5e spectacle solo, après Un long poème qui pue des pieds, Terroriste blanc d’Amérique, L’ignorance fait plus de victimes que le cancer et Radical Pouding. Il n’aime pas qu’on lui colle l’étiquette « d’humoriste le plus engagé de sa génération ». Premièrement, ça fait prétentieux, dit-il, et puis, il trouve les humoristes qui font de la publicité, qui deviennent porte-parole pour un produit (voiture, assurances ou autres) bien plus engagés que lui. « Plus un humoriste est riche, plus son humour devient pauvre. Le 2e degré est remplacé par un 2e menton. Il rêvait de changer le monde, finalement, il va changer de char. Se vendre à un produit, c’est le summum de l’engagement. Alors que la publicité est la plus grande agression qui vient coloniser notre imaginaire, le rôle de l’artiste est de le décoloniser, pas de s’en faire complice ».

Un artiste à découvrir donc. Un artiste qui crée sur le mode du partage : il écrit à la suite d’une colère, pour partager cette colère avec le public, mais pour partager aussi ce qui le fait tripper. Un heureux mélange « d’humour noir, de rire jaune, de rire gras, mettre le cul dans la politique et vice versa ». Côté appréciation personnelle, je conseille à n’importe qui d’aller le voir en spectacle, c’est drôle, c’est intelligent, c’est subversif. Dubé, c’est une bébitte rare, sans compter qu’il ne cesse d’attirer ma sympathie. Remercié de l’émission Les échangistes après seulement 2 présences, ça lui confirme que la télévision ne laisse pas de place pour la diversité idéologique. En apparence peut-être, mais au bout du compte, on laisse toute la place à des « laquais de la pensée unique, produits de la société de consommation ». Il y a du Passolini là-dessous. Sans compter qu’il a été pris pour cible l’an dernier par le duo radiophonique le plus intellectuel du Québec : Éric Duhaime et Nathalie Normandeau. Ils ont essayé de monter un pseudo scandale à partir d’un gag de Dubé sur l’Irak. Comme Éric y est allé pour répandre la démocratie (un franc succès d’ailleurs si on en juge par l’état dans lequel se trouve le pays actuellement), il savait de quoi il parlait. Nathalie Normandeau là-dedans? Égale à elle-même. Ceci dit, avec en tête le proverbe « rira bien qui rira le dernier », Fred Dubé a dû se bidonner en voyant Normandeau arrêtée sous des accusations de complot, corruption de fonctionnaire, fraude envers le gouvernement et abus de confiance (pas mal pour une ancienne ministre libérale et ancienne vice-première ministre) et en voyant Duhaime avoir la mine basse. La réalité est souvent plus burlesque que l’humour.

De quoi va-t-il parler dans son spectacle? Justin Trudeau, ses collègues qui font de la pub, l’immigration, le débat gauche-droite, son passage dans le monde de la TV, la mobilisation des humoristes pour protester contre la censure au Gala des Oliviers, entre autres.

D’ailleurs, pour le fun, Fred, que penses-tu de Trudeau? « Il est habile. Alors qu’Harper se cachait des médias, lui, il se baigne dedans comme une sirène avec des coquillages sur les nipples. C’est sûr qu’après 10 ans de gouvernement conservateur, n’importe qui aura l’air progressiste, mais on a tendance à être moins vigilant puisqu’il est perçu comme progressiste. Ce n’est que cosmétique. En réalité, très peu de choses ont changé ou changeront ».

Il présente son spectacle Catapulte à marde dans le cadre du Zoofest ces jours-ci. Il sera encore de l’aventure du Dr Mobilo Aquafest; un festival construit sur le modèle d’une coopérative d’artistes, grâce à l’initiative des Guillaume Wagner, Sèxe Illégal, Virginie Fortin et Adib Alkhalidey, où les artistes créent en toute liberté. Un festival d’humour qui court-circuite Rozon, je ne peux qu’applaudir. Sinon, il écrit dans le journal indépendant du Bas-du-fleuve Le Mouton noir et est l’un des rares éclairs de lucidité dans le torche-cul non-indépendant de Power Corp, le journal Métro. Et on peut parfois le croiser au Cabaret des auteurs du dimanche.

Pour finir, Dubé m’avait invité à lire un texte politico-humoristique dans le spécial « élection fédérale » de son show Radical Pouding. Comme j’ai apprécié l’expérience et que je ne suis pas un ingrat, je me disais que de faire un papier sur son prochain spectacle était une belle façon de le remercier. On a la collusion qu’on peut. Mets-ça dans ta pipe Nathalie Normandeau.

« Saviez-vous qui était Socrate? » – Nathalie Normandeau

Posted in chroniques arts et culture, Journal Le Québécois.

2 commentaires

  1. VENDU! Tellement bien présenté que je ne laisserai pas passer une occasion de savourer le cocktail Fred Dubé! D’abord parce qu’il court-circuite Rozon, ensuite parce qu’il est exclu des échangistes, puis ostracisé par Duhaime. Aussi, sa perspicacité politicienne, et surtout, sa connaissance de Viginie Fortin 🙂 Bref, fou comme la marde.

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