De Bourgault le radical à Martine la pas fine

Il y a une constante dans l’histoire du mouvement indépendantiste. Les leaders indépendantistes convaincus ont toujours eu à subir les coups de Jarnac de l’establishment politico-médiatique et des mous de la souveraineté-un-jour-quand-ça-adonnera. La crise au Bloc Québécois n’est que le dernier épisode en date : on a toujours voulu empêcher qu’un discours et surtout une action assumés pour l’indépendance émergent à la tête des partis. Il faut couper la tête des prophètes. Et des prophétesses.

Début des années 1970. Pierre Bourgault, après avoir fait naître, connaître et grandir le mouvement indépendantiste moderne dans les années 1960 avec les autres pionniers du RIN, et ce avec un discours franc sur l’indépendance, veut reprendre du service au PQ. Tout l’establishment mollasson se braque, René Lévesque en tête. Les médias se mettent de la partie. Si Bourgault va sur l’exécutif du PQ, c’est que le parti se « radicalise ». Bourgault est un intransigeant, disent-ils. Un infréquentable. Bouhouhouh, on fait peur au monde. Il fallut l’intervention de Jacques Parizeau pour que les calomnies et les coups de poignard contre Bourgault cessent un peu et qu’il siège en effet à l’exécutif du PQ. Mais il finira par abandonner, les souverainistes-associationnistes-avec-un-référendum-un-moment-donné-à-la-fin-du-mandat auront eu raison de lui. Et on sait ce que la stratégie attentiste a donné comme résultat en 1980… Il faudra attendre le retour de Jacques Parizeau pour que le mouvement renaisse.

Parlant de Monsieur Parizeau. Certains semblent penser que son arrivée à la tête du PQ à la fin des années 1980 s’est faite dans les champs de roses avec licornes, arcs-en-ciel et papillons. La réalité, c’est que les médias le descendaient en flamme, Monsieur. Le PQ se radicalise encore, titrait-on. Le jusqu’au-boutiste Parizeau va tuer le PQ! Et à l’intérieur du parti ce n’était pas mieux. On l’accusait de faire des purges, de faire fuir les johnsonnistes (snif, snif), d’être trop bourgeois, trop gros, trop ceci, pas assez cela. Tout y passait. Mais qui doute aujourd’hui que c’était l’homme de la situation? On aurait dû écouter les médias et les johnsonnistes, peut-être? Plus récemment, c’est l’arrivée de Mario Beaulieu à la tête du Bloc Québécois qui a causé des grands cris, et la machine médiatique est repartie. Et les mous se sont agités encore. Radicalisme, intransigeance, manque de ceci, carence de cela… La routine habituelle, quoi! Tellement radical, Mario, qu’il finit encore par plier devant Duceppe…

Ce qui arrive au Bloc Québécois et à Martine Ouellet n’a donc rien de nouveau, si ce n’est que les coups sont portés avec encore plus de mesquinerie qu’à l’habitude. Des attaques encore plus personnelles. Par les médias fédéralistes, on peut comprendre. Faut se faire une carapace en acier trempé par rapport à eux et ne pas hésiter même à répliquer comme le fait d’ailleurs Martine. Mais par des souverainistes… C’est désolant. Sauf que, quand on sait que Gilles Duceppe est un des principaux tireux de ficelles derrière la fronde… Pas très surprenant.

J’ai parlé à beaucoup de monde dernièrement au Bloc Québécois et aussi proche des anti-Martine. Il ressort qu’une large majorité de ces gens affirme que ce n’est pas un problème de personnalité, même si Martine Ouellet peut être exigeante (j’espère!, c’est assez le dilettantisme dans le mouvement indépendantiste). Mais une portion minoritaire de mes contacts m’assure aussi qu’il est difficile de travailler avec Martine Ouellet… qui voudrait trop mettre l’accent sur l’indépendance. Ça semble donc être d’abord un conflit de vision politique : ceux qui veulent l’indépendance comme priorité et ceux qui veulent défendre les prérogatives actuelles du Québec-province (tout en étant des indépendantistes convaincus bien sûr, mais plus discrètement…).

Sur la personnalité de Martine Ouellet, qui a tort, qui a raison? Je ne connais pas Martine personnellement. Si je lui ai parlé en personne très brièvement deux ou trois fois, c’est beau. Qui croire? La majorité qui dit que Martine n’a pas les défauts qu’on lui prête? J’ai fortement tendance à penser que oui. Mais peu importe de toute façon. Lâchez les attaques personnelles et les conflits de personnalité, c’est de l’enfantillage! Ce qui importe, c’est dans quelle direction la cheffe veut mener le parti et le mouvement. Est-ce qu’elle a des sautes d’humeur, une difficulté à travailler avec untel, un ton cassant parfois ou je ne sais quoi? On s’en contre-fout!

René Lévesque, c’était facile de travailler avec ce bonhomme-là, vous pensez? Misère! Indiscipliné, en retard aux réunions, absent parfois pendant des jours sans raison et sans avertissement, sans parler de sa vie personnelle qui n’était pas un modèle de vertu, c’est le moins que l’on puisse dire… Et aujourd’hui tout le monde le considère comme Dieu-le-père-Créateur-du-Québec-moderne. Parce que, au-delà de ses défauts personnels, au plan politique, c’était l’homme de la situation. Et il y aurait mille exemples dans l’Histoire, ici et ailleurs. Lucien Bouchard, il était facile d’approche, vous pensez? Puis Gilles Duceppe? S’il y en a un qui régnait sur le Bloc comme un petit despote, qui ne laissait aucune place à la dissidence, qui voulait jusqu’à censurer Jacques Parizeau (!) et Pierre Falardeau du journal Le Québécois parce que nos illustres chroniqueurs ne suivaient pas SA ligne de parti… Et ce serait Martine la pas fine!? Faites-moi rire.

Prenons un exemple célèbre dans l’histoire du monde : Winston Churchill. C’est qu’il a rapidement fait l’unanimité ou presque contre lui lorsqu’il devint premier ministre en Angleterre en période de crise. Tout y passait. Caractère impossible! Aucun esprit d’équipe! Ivrogne! Ramenez Chamberlain pour négocier avec les Allemands! On veut Halifax pour faire la paix! À la retraite ce belliciste fou furieux de Churchill! Il va mener l’Angleterre à la ruine! Etc. Et il y a du vrai, car la plupart des historiens s’entendent là-dessus, Churchill pouvait être un personnage assez abominable au quotidien avec son alcoolisme, ses sautes d’humeur, son rythme de vie indiscipliné, etc.

Eh bien, savez-vous quoi? À la fin de l’histoire, c’est le fou furieux, le débile, l’alcoolique, le malade mental (vous compléterez la liste chez vous) qui avait raison. Contre tous les mous. Contre tous les démissionnaires. Contre cette majorité de lords, de députés, de notables, qui réclamaient Chamberlain ou Halifax à grands cris et la paix avec les Allemands… Évidemment, je ne compare pas Martine Ouellet à Churchill, Lévesque ou un autre. Ce que je veux dire, c’est que la personnalité du ou de la chef(fe), on s’en contre-saint-ciboirise si, politiquement, c’est la personne qui nous mène dans la bonne direction. Voilà ce qui compte.

Présentement, le seul choix que je vois, c’est entre Martine et son équipe qui veulent d’un Bloc Québécois qui agisse pour l’indépendance partout et tout le temps et d’autres qui veulent d’un Bloc qui y va de son incantation indépendantiste de temps en temps (surtout devant les militants, loin des caméras), mais qui, dans les faits, se limite à la défense de la Québec-province, comme n’importe quel parti fédéraliste peut prétendre le faire. Comment pourrais-je ne pas appuyer Martine et les siens?

Oui, la tempête souffle. Mais qu’est-ce qu’il y a d’autre à faire que de tenir solidement la barre et de maintenir le cap sur l’indépendance? Plier face aux exigences des clowniqueurs et autres commentateux qui voudraient voir Martine Ouellet brûler sur le bûcher des sorcières? Plier devant Gilles Duceppe, l’homme du naufrage de 2011 avec sa stratégie de défense pépère des intérêts du Québec? Plier devant Pierre Paquette ou tel autre qui voudrait bien l’avoir la job à Martine, hein?

Il me semble que le plus important est l’avenir politique du Québec. Donc, ne pas plier. Demeurer ferme. Pour l’indépendance.

Pierre-Luc Bégin

Publié le à la une, chroniques politique québécoise, Journal Le Québécois et étiqueté , , , .

10 commentaires

  1. Siéger au parlement d’Ottawa comme député, même du Bloc, c’est financièrement intéressant. Pour certains, c’est leur plus haut salaire à vie. S’ajoute aussi un régime de pension avantageux! La ré-élection devient un réflexe majeur. C’est la priorité de tous les députés, tous partis confondus. Un-e chef qui veut brasser la cage et mettre en danger les enjeux collatéraux doit être banni-e. Même au risque la survie du parti.
    Faut avoir la foi en la mission pour encaisser comme le fait Martine. Faut être faite forte. Faut croire et aimer l’oeuvre. Lâche pas, Martine!

  2. Merci pour ce texte. Cela fait du bien de respirer un peu. On suffoque avec tout ce bruit, ce bruit qui vient de tous les côtés. C’est pitoyable, il y en a qui nous font honte. Aucune femme à ce jour n’a pris la défense de Martine. Décevant de lire Francine Pelletier. Encore là, on pouvait s’y attendre, mais décevante aussi, Josée Legault qui rejoint la « bande ». On a lâché les fauves!!

  3. Voilà! Josée Legault, c’est le Plateau avec Duceppe. Décevant. Bravo Luc pour ton texte, et je ne crois pas l’amplification des travers de Martine. Et je devine qu’elle a du caractère. J’aimerais y ajouter que d’aller tuer Ottawa dans le coeur d’Ottawa, c’est la lutte au corps avec le lion, ce symbole impérialiste qui a enchaîné la Licorne. La symbolique est suffisante, elle agit, elle démasque; elle appelle à la victoire. Du souffle pour Martine. Elle ne sera pas terrassée, elle devient la guerrière et sa personnalité publique, la porteuse de ce qui est à atteindre.

  4. Le probleme interne actuel au Bloc est le même qui s’est présenté à Québec en septembre 1759. Une dissention existait à savoir: Devons-nous rendre la ville ou non?
    Les marchands, usant de leur influence, organisèrent une « pétition » pour le « Oui » pendant que les officiers militaires sur place (13 fran^cais et 1 Canadien) votêrent pour le « Oui » (sauf l’officier Canadien) et le « mielleux », mollusque, Ramezay ouvre les portes aux Britannique.
    Le même « choix » s’est répété tout au long de l’histoire du Québec. Nous n’apprendrons jamais, semble-t-il.

  5. Étonnant que le discours enflammé de dits souverainistes soit dirigé contre le discours indépendantiste d’une des leurs. Je suis d’avis qu’on devrait enlever le mot « souverainiste » du vocabulaire des membres du Bloc québécois et du Parti Québécois pour ne laisser que le mot « indépendantiste », les choses et les objectifs n’en seraient que plus clairs.

  6. « …c’est l’arrivée de Mario Beaulieu à la tête du Bloc Québécois qui a causé des grands cris, et la machine médiatique est repartie. Et les mous se sont agités encore. Radicalisme, intransigeance, manque de ceci, carence de cela… La routine habituelle, quoi! Tellement radical, Mario, qu’il finit ENCORE PAR PLIER devant Duceppe…
    En réclamant la démission de Martine Ouellet, Mario vient enfin de montrer son vrai visage. Comme je l’ai écrit à quelques reprises, sur ce site et ailleurs, une 3e question devrait être ajoutée au référendum bloquiste :
    «Acceptez-vous de renouveler votre confiance envers Mario Beaulieu, président du Bloc québécois?» OUI ou NON

  7. Jacques Parizeau le radical aurait-il amené le Québec si prêt de la victoire en 1995, s’il n’avait pas fait d’alliance et de compromis aussi importants. Elle est là la question. Moi aussi je la veux l’indépendance du Québec le plus tôt sera le mieux, mais encore faut-il que les Québécois embarquent dans le train. Perdre un autre référendum fera très mal au Québec.
    La méthode de Martine est-elle la meilleure? Je ne peux pas répondre à cela. Une chose est sûre, diriger le Bloc comme il a été depuis sa création fait plus fonctionner le Canada qu’il ne fait avancer l’indépendance du Québec. Encore faudrait-il que Martine soit capable de rassembler non seulement ses convaincus qui ne font pas dans la dentelle avec tous ceux et celles qui doutent de sa façon de faire. Ils sont souvent méprisants, et ça ce n’est jamais gagnant. Il est peut-être temps cependant d’essayer la méthode de Martine. Nous n’avons pas grand chose à perdre… Le Bloc est déjà à l’agonie.

  8. Tellement et j’en ai plein le c.. de ces peureux carriéristes au PQ-BQ et chez QS, où on nous a tassé , ON , dans un club fermé pour ne pas déranger la bande de fédéraleux. Oui la souveraineté n’Est pas populaire, mais sacrement, comment avoir un succès avec une idée si on en parle pas, qu’on en fait pas la promotion? La seule chose qui intéresse beaucoup de gens au PQ-BQ, c’est leur postes de députés et le pouvoir.

  9. Martine est actuellement proche de Me Guy Bertrand, qui est son avocat.

    Me Bertrand, avec René Lévesque, ont réussi à rassembler des radicaux tels Pierre Bourgault, et à les regrouper, tous ensemble, pour former le PQ.

    Peu à peu, plusieurs de ceux qui ont suivi ont réalisé l’exploit de diviser les forces souverainistes et de les morceler en plusieurs entités luttant les unes contre les autres, avec les résultats que l’on connait.

    Me. Guy Bertrand a mis dix années de sa vie à concevoir, écrire et mettre en capsules vidéos, le Projet Liberté-Nation, apolitique, un projet clair, unique et rassembleur, visant les intérêts supérieurs de la Nation Québécoise.

    Il est grand temps de s’en approprier et de le mettre en pratique.

    Ce projet est basé sur les 17 régions administratives du Québec qui deviendront 17 états indépendants, chapeautés par la République confédérée du Québec.

    Depuis novembre 2017, le Projet Liberté-Nation a plus que doublé son nombre de membres, et dépassera bientôt Québec Solidaire et la CAQ d’ici les prochaines élections.

    Qui seront ceux assez intelligents pour se l’approprier au plus tôt avant que Justin, avec son multiculturalisme, ne réussisse à nous ramener au rang d’une ethnie comme les autres ?

    Ce qui semble être son plan actuel avec les façons cavalières et racistes d’Immigration Canada envers tout ce qui est francophone et veut venir s’installer au Québec.
    https://www.facebook.com/groups/projet.liberte.nation/

Comments are closed.