Business as usual

Je me suis réjoui comme beaucoup de Québécois de voir Nicolas Sarkozy, le protégé des arnaqueurs financiers de Power Corporation, pourfendeur de la souveraineté du peuple québécois, mégalomane narcissique de l’Élysée et dindon d’une poule de luxe exhibitionniste, se faire dégager par ses compatriotes dimanche dernier. J’ai félicité mes amis français pour ce clin d’oeil à l’humanité et j’ai levé mon verre à leur santé. Il faisait un soleil radieux en plus. Prenons le bonheur pendant qu’il passe.

Les Québécois ne sont pas les seuls, hors de France, à être contents. Les Ivoiriens qui se sont fait copieusement arroser de bombes françaises en avril 2011 étaient tout sourire de voir rabroué par l’électorat le protecteur de leur faux président, le sous-préfet Ouattara. Depuis qu’il s’est emparé du pouvoir dans le sang, en Côte d’Ivoire, Ouattara passe beaucoup de temps dans ses résidences en France, en visite plus ou moins officielle. Alassane, de son petit nom, a encore jusqu’au 15 mai, date d’entrée en fonction de François Hollande, pour magouiller avec Nicolas le président sortant et maximiser le retour sur l’investissement militaire français. Il faut que la colonie continue d’être profitable à Bouygues et Total, même si ces fleurons de l’exploitation néocoloniale hexagonale doivent de plus en plus partager le butin françafricain avec les requins financiers et pétroliers de l’Empire anglo-étasunien.

Personnage profondément imbu de lui-même et tout droit sorti du répertoire de Louis de Funès, Sarkozy aura été un président français aussi inféodé aux États-Unis que Pétain l’était à l’Allemagne. D’ailleurs, peu de temps après avoir été élu, en 2007, il avait prononcé un discours devant le Congrès des États-Unis qui annonçait la mort des ambitions autonomes françaises. On ne reverrait plus d’appui à des pays africains contre la volonté de Washington, comme au Rwanda. Il n’y aurait plus de campagne contre les guerres impériales, comme la campagne par laquelle Chirac cherchait à protéger les intérêts de Total en Irak et réussit, en activant sa machine médiatique et diplomatique, à susciter de grandes manifestations pour la paix jusqu’à Montréal, mais dut se contenter d’un cornet de freedom fries.

Agenouillé devant la toute-puissance de l’Empire et avide de récolter les bénéfices de sa servilité, Sarkozy s’est déguisé en Lafayette pour jouer au G.I. Joe. On dirait qu’il trépignait d’impatience à l’idée de bombarder un pays et de donner une bonne leçon à un chef d’État dépeint comme un despote par une avalanche de mensonges. Après avoir redoublé d’ardeur en Afghanistan pendant plusieurs années, les soldats obligés d’obéir à ce nain caractériel se virent affectés récemment à deux importants projets étasuniens de confiscation du pétrole et de neutralisation des pays désobéissants qui refusent de s’endetter comme tout le monde : la Côte d’Ivoire et la Libye.

Malheureusement pour les oligarques français, le retour sur l’investissement fut plutôt décevant, notamment en Libye, où, malgré l’empressement indécent du nain à fêter dans Tripoli encore fumante et jonchée de cadavres, au mois d’aout 2011, BP, Exxon Mobile et d’autres vautours appartenant à la race supérieure et parlant la langue dollar s’apprêtent aujourd’hui à se substituer à l’italienne Eni et à la française Total, qui pourraient bien être stigmatisées par la U.S. Securities and Exchange Commission pour avoir pactisé avec Kadhafi.

Qu’à cela ne tienne, le scout français de la guerre était toujours prêt. L’agression contre la Syrie, qui risque nettement de dégénérer en conflit mondial, devait lui donner l’occasion de tenter de se faire valoir une nouvelle fois aux yeux des maitres du monde pour que les actions des entreprises françaises grimpent à la bourse. Malheureusement pour lui, il n’en aura pas eu l’occasion puisque le « changement de régime » ne s’est pas déroulé aussi rapidement qu’en Libye, l’armée syrienne ayant mis en déroute pour un temps les terroristes qui avaient élu domicile à Homs.

La gauche raisonnable de Hollande

L’élection de François Hollande veut-elle dire que les objectifs de conquête de Hillary Clinton ont changé ? Pas le moins du monde. Pour elle et ses patrons, peu importe que Hollande ou Sarkozy soit au pouvoir, c’est business as usual. L’ophtalmologiste Bachar el-Assad doit être renversé et, de préférence, assassiné avec ses collègues, sa femme et ses enfants. C’est un projet auquel, du reste, adhèrent aussi les marionnettes canadiennes de l’oligarchie aux Communes, tous partis confondus.

D’ailleurs, François Hollande a déclaré lui-même qu’il était favorable à une intervention militaire en Syrie. Il l’a même dit implicitement dans son discours de Tulle, le soir de son élection. Hollande ne semble pas vouloir modifier la politique étrangère de la France. Le salut du peuple syrien devra passer par son bombardement intensif. Je suis certain que les Syriens ont hâte que nous leur apportions la liberté et la démocratie, comme nous les avons apportées aux Libyens en les tuant.

Personne ne peut aspirer de nos jours à diriger un pays du G8 sans avoir eu l’aval de Goldman Sachs. Un petit pays comme l’Islande peut échapper valeureusement à la tyrannie financière, car les conséquences sont minimes pour les cotes boursières, mais pas un pays comme la France. C’est pourquoi, lorsque Dominique Strauss-Kahn a eu l’idée de remplacer le dollar étasunien par d’autres devises dans le commerce international, il a reçu la visite de Nafissatou Diallo, cette humble femme de chambre qui, après l’abandon de toutes les accusations contre Strauss-Kahn, dispose de l’argent nécessaire pour se payer un bataillon d’avocats et lui intenter une poursuite civile.

Depuis l’arrivée de Christine Lagarde à la direction du FMI, le projet de priver Washington du monopole de la planche à billets a été abandonné. Quant à François Hollande, c’est un homme de la gauche raisonnable et docile, qui se tient loin de toute pensée révolutionnaire et qui est donc éligible, contrairement à Strauss-Kahn, dont les ambitions présidentielles se sont évanouies dans une chambre d’hôtel.

La caste médiatique voit à ce que les idées dangereuses pour le droit divin au profit illimité soient considérées comme des idées « extrémistes » et « radicales ». Jean-Luc Mélenchon, du Front de gauche, a été constamment qualifié, pendant la campagne présidentielle française, de candidat de « l’extrême gauche ». Marine Le Pen, elle, était la candidate de « l’extrême droite ». Donc, si l’on en croit les faiseurs d’opinions, qui ont néanmoins de la difficulté à maintenir leur emprise sur une bonne partie de l’opinion publique, vu les dérives colossales du néolibéralisme qu’ils ont érigé en position centriste, 29 % des Français ont voté pour des partis extrémistes au premier tour de la présidentielle. C’est dire comme la France est remplie de malades…

La fabrication du consentement

Au-delà de ses mandats électoraux, la grosse machine médiatique occidentale façonne constamment l’opinion publique pour donner aux contribuables qui paient les bombes et fournissent la chair à canon une vision défavorable de tout pays constituant un obstacle sérieux pour le système néolibéral. Il est important que le citoyen moyen soit convaincu de la moralité douteuse des peuples et des dirigeants que l’on peut éventuellement avoir besoin de déstabiliser ou de bombarder.

C’est ainsi que, dans l’imaginaire collectif de la plupart de nos concitoyens, les Russes, les Chinois, les Iraniens, les Syriens et les habitants de plusieurs autres pays « communistes » ou « totalitaires » n’ont pas la « chance » de vivre dans une grande « démocratie » comme le Canada. Heureusement, nous avons pu délivrer récemment les Libyens, qui vivaient sous le joug d’une horrible dictature soignant, logeant et instruisant son peuple gratuitement. Aujourd’hui, les Libyens ont la charia, ce qui est un net progrès… Nous devons poursuivre notre œuvre civilisatrice et montrer au monde que payer cher pour aller à l’université est une source de bonheur.

Les médias se gardent bien de rappeler à nos concitoyens les assauts et l’exploitation que les peuples qu’on nous présente comme moralement inférieurs ont eu à subir aux mains des vertueuses démocraties occidentales, dans un passé récent. Les nombreuses et interminables opérations de déstabilisation des pays dérangeants pour Wall Street sont financées à coups de milliards de dollars chaque année et sont totalement occultées. Lorsqu’on peut imprimer de l’argent sans limites, il est toujours facile de se payer des valets, des collabos et divers propagandistes promettant le paradis à leurs concitoyens s’ils acceptent de prendre le chemin de la prospérité néolibérale. On peut même les convaincre de se servir des armes qu’on leur fournit gratis.

En Yougoslavie, après la chute du mur de Berlin, les médias nous ont décrit les Serbes comme d’affreux génocidaires, alors que c’étaient des victimes. Ils ont été martyrisés, et leur pays a été bombardé par l’OTAN. Le résultat de ces bombardements est qu’on a arraché aux Serbes le berceau de leur patrie, le Kosovo, et qu’on en a fabriqué un nouveau pays, aux grands applaudissements du péquiste Daniel Turp et du fédéraliste radical Stéphane Dion, réunis dans une communion de pensée pour une fois.

Le Kosovo a aujourd’hui comme principales caractéristiques d’être dirigé par des terroristes et d’autres criminels, d’être la plaque tournante du crime organisé en Europe, d’abriter une grosse base militaire étasunienne et de former des « opposants syriens », qui y apprennent comment semer la terreur.

Un camarade qui trouve que j’exagère et qui me suggérait récemment de « nuancer mes propos » me donnait l’exemple du « massacre de la place Tiananmen ». « À t’entendre, dit-il, c’est tout juste si, à Pékin, les chars n’étaient pas des chars étasuniens. » Selon ce camarade, je serais victime de la propagande russe et chinoise autant que d’autres sont victimes de la propagande des chaines satellitaires d’information en continu alimentées par les grandes agences de presse occidentales, comme Reuters, AP et l’AFP, qui sont la source de presque toutes les informations de l’actualité internationale diffusées par les médias québécois.

J’ai fourni à mon camarade cet article du journal The Telegraph. Comme les autorités chinoises l’ont toujours dit, il n’y a jamais eu de massacre sur la place Tiananmen. Est-ce encore de la propagande chinoise lorsque des diplomates étasuniens et un journal britannique l’avouent ?

La différence entre les États-Unis et les autres puissances économiques, c’est que le confort, l’arrogance et l’obésité des États-Unis reposent sur : le pillage financier du monde ; des dépenses militaires astronomiques ; plus de 700 bases militaires un peu partout dans le monde ; l’encerclement militaire de la Russie et de la Chine, ce qui risque d’entrainer bientôt une nouvelle course à l’armement ; des provocations constantes à des milliers de kilomètres des États-Unis, par exemple des exercices militaires avec les Philippines ou avec la Corée du Sud, dans la mer Jaune, où la Chine et la Russie ont commencé à réagir ; le financement du terrorisme dans les pays qui dérangent ; l’hypocrisie et le mensonge perpétuels.

Les psychopathes israélo-anglo-étasuniens qui dirigent le monde avec l’aide de leurs vassaux tantôt cupides, tantôt fanatiques ne reculent devant aucune atrocité pour maintenir leur domination. Ils sont prêts à massacrer toute la planète s’il le faut. Ce n’est le cas ni de la Russie, ni de la Chine, ni de l’Iran et encore moins de la Syrie.

Business as usual à Ottawa aussi

Jeudi matin, à l’heure de pointe, les Syriens ont été victimes encore une fois d’un horrible attentat à la bombe, qui a fait au moins 55 morts et 372 blessés. Les terroristes sont particulièrement sadiques : ils font sauter une première bombe, puis, quelques minutes plus tard, lorsque les ambulances arrivent, en font sauter une deuxième, beaucoup plus grosse, comme celle qui a creusé un cratère de trois mètres de profondeur dans la banlieue de Damas jeudi. On peut ainsi maximiser le nombre de victimes.

Les attentats qui continuent de secouer la Syrie sont commis ou commandités par ceux-là mêmes qui accusent le gouvernement syrien d’être responsable de la crise et d’avoir perpétré les pires actes de répression contre des « manifestants pacifiques » : les États-Unis et leurs vassaux de l’OTAN et des pétromonarchies. Les objectifs réels de ces agresseurs sont en fait économiques et sont rattachés plus particulièrement à leur projet sans fin d’accaparement des réserves d’énergie fossile de la planète. Dans le cas de la Syrie, c’est le gaz naturel qui est l’enjeu immédiat.

Une bonne partie des terroristes qui sévissent en Syrie sont basés en Turquie, où ils bénéficient de l’aide financière d’Ottawa, qui a annoncé officiellement qu’il finançait l’opposition syrienne en exil, c’est-à-dire des gens qui n’acceptent pas de négocier avec le gouvernement syrien et qui ne cessent d’appeler à son renversement par la force.

Le Québécois a cherché à savoir à quels organismes allaient être versés les 7,5 millions de dollars destinés à « répondre aux besoins humanitaires les plus pressants découlant de la crise » en Syrie. Or, par la voix de Mme Aliya Mawani, directrice adjointe et porte-parole du Service des relations avec les médias, le ministère des Affaires étrangères nous a répondu ceci :

« Pour des raisons de sécurité, nous ne pouvons mentionner publiquement le nom des organisations qui nous aideront à mettre en œuvre notre programme d’aide sur le terrain. »

Pour des raisons de sécurité ? Tiens, tiens. Ne serait-ce pas plutôt parce que cette aide est en réalité destinée à appuyer les opposants armés, qui ont besoin des « soins médicaux, de l’eau potable et de la nourriture » dont parle Mme Mawani. Les terroristes se planquent notamment dans les camps de réfugiés près de la frontière syrienne, en Turquie, où ils reçoivent la formation dispensée par les mercenaires de Blackwater, alias Academi, et où ils pansent leurs blessures avant de retourner commettre des attentats sanglants. Ils sont certainement heureux de pouvoir manger aux frais des contribuables canadiens.

Les préparatifs de guerre contre la Syrie et contre l’Iran vont bon train, à Ottawa, où c’est également business as usual pour les marionnettes politiciennes de l’oligarchie, tous partis politiques confondus. Stephen Harper, Bob Rae et Thomas Mulcair ont reçu tour à tour le président d’Israël, Shimon Peres, les 7 et 8 mai. L’objectif avoué de cette visite était de discuter de la Syrie et de l’Iran, comme lors de la visite, au début de mars, du premier ministre d’Israël, Benjamin Nétanyahou. Les bruits de botte sont de plus en plus forts.

Mais bien entendu, dans une « démocratie », la désinformation est un préalable aux bombardements. Donc, un débat aura lieu aux Communes demain sur les violations des droits de la personne en Iran. Les députés auront l’occasion de réciter tout ce que les médias et les autres officines de propagande leur ont appris sur les « opposants iraniens » durement réprimés et sur l’oppression des femmes. Le débat déviera peut-être un peu aussi sur les « dangers du nucléaire iranien » pour Israël.

Aucun député ne rappellera l’histoire récente de l’Iran. Aucun ne dira que les Iraniens se souviennent bien de la savak et n’ont pas le goût de revivre l’époque du chah, installé sur son trône par les Britanniques et les Étasuniens en 1953 pour pouvoir continuer de piller le pétrole iranien. Aucun ne parlera des immenses progrès économiques et sociaux réalisés par l’Iran depuis qu’en 1979, le chah a été congédié.

Les Iraniens se moquent éperdument de ce que pourront dire d’eux les moralisateurs des Communes, à Ottawa, et ils ont parfaitement raison. Ni le Canada, ni les autres terroristes de l’OTAN n’ont de leçon de respect des droits de la personne à donner aux Iraniens après ce que l’Occident leur a fait subir.

Aucun représentant du peuple canadien ne parlera des armes nucléaires d’Israël, qui n’est pas signataire du traité de non-prolifération et qui n’admet aucune inspection de l’Agence internationale de l’énergie atomique, contrairement à l’Iran, qui ne possède pourtant aucune arme nucléaire.

Aucun débat spécial n’aura lieu aux Communes sur les violations des droits de la personne dans les pétromonarchies du golfe Persique, avec lesquelles le Canada entretient des relations cordiales, même si les femmes n’y ont le droit ni de voter, ni de conduire une automobile et même si le wahhabisme et le salafisme y constituent un terreau fertile pour al-Qaïda et pour l’exportation du terrorisme le plus barbare dans le monde.

Aucun député ne dira qu’après avoir envoyé ses malades mentaux déchiqueter la Libye et massacrer des Syriens, le Qatar s’efforce de donner bonne presse à l’islam radical au Canada en subventionnant l’Université McGill.

Le mensonge, comme d’habitude.

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